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ments qu'il venait de faire cet affront à don Diègue. L'événement n'était donc pas circonscrit dans une période passée, hors de laquelle fût le comte. Le passé périodique ou temps 3, qu'il emploie, est donc évidemment vicieux.

L'insecte du combat se retire avec gloire;
Comme il sonna la charge il sonna la victoire.

LA F. 2, 9.

L'idée appelait, comme il a sonné la charge.

La Fontaine, en employant le présent, l'insecte qui se retire, il sonne la victoire, nous place dans la période même ou se consomme l'événement. En disant Comme il sonna la charge, il détruit, autant qu'il est en lui, l'illusion. Et, tandis que l'action doit être toute en scène, il en met une partie en récit, il l'éloigne et la reporte dans une période où nous ne sommes plus, telle que, par exemple, hier, l'autre jour.

A-t-on pu dire avec le temps 3, JE FUS?

Exemples.

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Dieu ne créa que pour les sots

Observations.

La Fontaine parle comme si Dieu avait Les méchants diseurs de bons mots, LA F. fait des sots une création à part, et dans un tel jour, et comme si ce plant n'avait eu ensuite qu'à provigner.

Du Dieu qui nous créa la clémence infinie,
Pour adoucir les maux de cette courte vie,
A placé parmi nous deux êtres bienfaisants,
De la terre à jamais aimables habitants,
Soutiens dans les travaux, trésors dans l'indi-

gence.

L'un est le doux sommeil, et l'autre est l'espérance. VOLT. Henriade, 7.

Au moment de sa création, le soleil commença à éclairer la terre.

Phrase blámée par Sicard.

Voltaire, en disant du Dieu qui nous créa, porte notre création à une période hors de laquelle il se place; et créa est employé comme dans ces mots de la Genèse; Dieu créa l'homme le sixième jour.

Voyez les observations précédentes.

Dieu a créé serait plus vague et peindrait moins bien. 11 est bon dans le catéchisme, où il n'est point question de faire des images, mais d'énoncer des dogmes. Qui vous a créé et mis au monde? QUI VOUS CRÉA serait poétique. D'ailleurs le vous qui est dans cette phrase annonce trop une période dans laquelle on est encore, il individualise la création; car c'est à un seul enfant, qui est là présent, que cette question est adressée; au lieu que, dans du Dieu qui nous créa, Nous est pour l'espèce entière.

M. Sicard prétend qu'il faut dire, au moment de sa création, le soleil a commencé à éclairer, et non commença, parce que, dit-il, la période où le soleil a commencé à luire dure encore. Nous répondons qu'ici on ne songe

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point à cette vaste période, mais à la semaine, à la journée où le soleil prit naissance. Nous demanderions à M. Sicard, plus digne que nous d'expliquer la Bible, s'il condamnerait M. de Sacy d'avoir traduit ce passage de la Genèse Quarto die fecit solem et lunam, par le quatrième jour il fit le soleil et la lune.

Suite.

La crainte fit les dieux, l'audace a fait les rois. CRÉBILLON.

Crébillon nous suppose hors de la période où se fesaient les Dieux, où ils furent tellement multipliés, qu'enfin, selon la noble expression de Bossuet, tout était Dieu, excepte Dieu lui-même.

Depuis long-temps on n'en fait plus :

Même d'un télescope armant ses faibles yeux,

Lalande avec Newton n'en voit point dans les cieux. CHÉNIER, Építre à Volt. Au contraire, l'audace fit, fait et probablement fera encore, plus ou moins long-temps, des rois; nous sommes encore dans cette période.

On trouve, surtout dans les poètes, un grand nombre d'exemples, dans lesquels le passé périodique est employé où la prose ne pourrait l'admettre. C'est qu'en effet, la poésie étant une peinture, ce temps y doit être d'un grand usage; et quand la période n'est pas exprimée formellement, l'imagination y supplée et s'en fait une.

PHRASES, j'eus été, et j'avais été, dites temps composés.
A peine eus-je parlé, qu'il s'éleva dans
l'assemblée un bruit sourd.

J'avais déjà parlé, lorsque tu entras.

FENELON, Télém. 6.

J'avais cacheté mes lettres, quand je

Aussitôt que j'eus cacheté mes lettres,

je vis entrer quatre carrosses à six che-vis entrer dans ma cour quatre carrosses vaux dans la cour avec cinquante gardes à six chevaux.

à cheval, etc. Mad. DE SÉV.

Quand ils eurent connu l'épée espagnole, ils quittèrent la leur.

Qu'un moine nie un dépôt ; que s'en. suit-il, sinon qu'un sot le lui avait confié? J.-J. R. Emil. 4.

MONTESQ. Gr. et déc. des Rom. 11. Si l'on considère le résultat, on sent qu'on aurait pu exprimer par un seul mot les phrases, j'eus parlé, j'avais parlé : alors c'eussent été de véritables temps, comme je parlai, et je parlais; et avec Beauzée l'on aurait pu appeler le premier, passé périodique antérieur immédiat.

Passé,

SAVOIR :

par rapport à l'instant de la parole.

Périodique, parce qu'en effet, comme je parlai, il ne peut s'employer que lorsqu'on est hors de la période dans laquelle il est renfermé.

Antérieur,. (ou passé), par rapport à la seconde action, le bruit qui s'éleva..... quand j'eus parlé.

Immediat, parce que l'action qu'il exprime s'est passée immédiatement avant celle qui la suit : à peine eus-je parlé, qu'il s'éleva..... aussitôt que j'eus cacheté mes lettres, je vis.

On aurait pu, avec le même auteur, donner au second, j'avais parlé, le nom de passé antérieur indéfini: car j'avais parlé, comme je parlais, désigne l'action comme s'étant passée dans une ligne indéfinie.

Il ne peut donc être ni périodique ni immédiat; mais il diffère de je parlais par une idée d'antériorité. Nous reviendrons, dans un article séparé, sur les phrases dites temps composés.

NUMÉRO IV.

Temps 4, ou futur indicatif, je serai.

adresse

17 Quand Monsieur le marquis ira dans, A l'accusé tremblant quand votre bouche ses terres, les postillons ne sauront-ils pas les chemins? VOLT. Jeannot et Golin.

I■ y a, lui dirais-je, un autre moyen d'employer son temps et sa personne, c'est de se mettre au service; c'est-à-dire, de se louer à très-bon compte pour aller tuer des gens qui ne vous ont point fait de mal. J.-J. R. Emil. 5.

Ces terribles mots : tu mourras, Tremblez, juges! sa vie est en votre puissance;

Mais si vous vous trompez, hélas ! L'erreur à l'échafaud peut traîner l'innocence. o remords! & douleur ! malheureux magis

trats!

Vous ne pouvez jamais expier un tel crime.
Vous passez votre vie à pleurer la victime;
Vous ne la ressuscitez pas.

FR. DE NEUFCH. 5, 3.

L'emploi de ce temps n'offre de difficulté que lorsqu'il s'agit du choix du mode. Voyez le subjonctif et le suppositif.

Il y a plusieurs périphrases pour réveiller l'idée de futur, tu vas mourir, tu dois mourir, tu es près de mourir; mais ce ne sont pas là des temps. Tu mourras, voilà le seul temps qui exprime le futur.

Ici les grammairiens arrivent pour la seconde fois avec une phrase qu'ils appèlent un temps composé.

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Vous aurez vu votre tante au Saint- Je ne vois là que le futur vous aurez Esprit, et vous aurez été reçue comme j'aurai, mais vous aurez vu est une phrase une reine. Mad. DE SÉv. 27 fév. 1671. qui, par résultat, éveille une idée du Quand j'aurai reçu de vos lettres, la futur et une idée de passé, vu par luiparole me reviendra. même n'exprime aucun temps.

Mad. DE SEV. 14 juin 1671

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NUMÉRO V.

Du temps 4, ou futur dit présent impératif.

Ce temps étant unique dans son mode, voyez l'impératif, nous n'ajouterons que quelques mots sur le nom de présent, qu'on a coutume de lui donner.

Exemples.

Presse, pleure, gėmis, peins-lui Phedre mou

rante,

Observations.

Assistons à la scène. CEnone est invitée à presser, pleurer, etc.; mais, au

Ne rougis point de prendre une voix sup-moment que parle Phèdre, OEnone ne

pliante,

Je t'avoûrai de tout.... RAC. Phèdre, 3, 2.

Prenez le contre-pied de l'usage, et
vous ferez presque toujours bien.
J.-J. R. Emil. 2.

Va, vole, Corasmin,

Montre-lui cet écrit....

Jurez donc avec moi, jurez sur cette épée,
Par le sang de Caton, par celui de Pompée,
Par les mânes sacrés de tous ces vrais Romains
Qui dans les champs d'Afrique ont fini leurs

destins ;

Jurez par tous les dieux vengeurs de la patrie

presse ni ne pleure, etc. Ces actions ne coexistent donc point avec l'instant de la parole; elles ne sont donc point au présent.

Quand on vous dit prenez, non-seulement vous n'avez pas encore pris, mais vous ne prenez pas encore : donc prenez n'est pas un présent.

Vous, qui voyez là des présents, veuillez assister à la scène; vous y verrez Orosmane tenant un écrit, et s'adressant à Corasmin, à celui qui écoute, mais qui ne va, ni ne vole, ni ne montre l'écrit, puisqu'il ne le tient point même encore: donc les impératifs va, vole, montre, ne sont pas des présents.

Lorsque Brutus prononce ces terribles paroles, jurez, personne ne jure encore. Mais les conjurés avancent leur main et vont jurer.

Lorsque Cassius propose un serment encore plus terrible, jurons, cette acQue César sous vos coups va terminer sa vie.tion ne se fait point au moment même, — Fesons plus, mes amis, jurons d'exterminer mais un instant après. Jurez, jurons, Quiconque ainsi que lui prétendra gouverner. VOLTAIRE, Mort de César, 2, 4. n'expriment donc point des idées de pré

sent.

Feuilletez tous les auteurs, épuisez les exemples, vous n'en trouverez pas un seul où l'idée de présent soit exprimée par l'impératif.

Et ici l'idéologie parle aussi haut que les faits. L'impératif présente l'action comme voulue par celui qui parle. Or, dès que je veux qu'une chose se fasse, c'est qu'elle ne se fait point. Va, vole; donc tu ne vas ni voles.... Jurez, donc vous ne jurez point.

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Qu'est-ce en effet qu'un temps présent?

C'est celui qui coexiste avec l'instant de la parole. Or, pendant que je parle pour inviter à faire une action, cette action ne coexiste pas avec le moment où je parle : elle n'est donc pas présente.

Comment, contre cette double évidence, s'est-il trouvé un premier homme qui ait cru voir un présent dans l'impératif? Et comment, malgré les progrès des lumières, persiste-t-on dans nos écoles à corrompre l'intelligence de la jeunesse, en répétant de telles doctrines?

Mais peut-on dire même que l'impératif est un futur ? Car, de ce que que je t'invite à faire une action, il ne s'ensuit point qu'elle se fera. De ce que Brutus dit à César:

Commence ici par moi, si tu veux regner, frappe.

on ne peut pas conclure que César commencera ses vengeances par Brutus, et qu'il le frappera. L'impératif n'exprime done point un futur positif, autrement ce serait un indicatif; mais il représente l'action comme voulue pour le futur. Le temps qu'il exprime est donc un futur, un futur voulu par la première personne, soit que ce futur s'effectue ou ne s'effectue pas. Mais cette première personne n'exprime jamais sa propre action. Ainsi, quoique j'invite ou commande maintenant, ce n'est point pour maintenant, mais pour un moment plus ou moins éloigné de l'instant de la parole que je commande ou que j'invite. Si même je dis jurez maintenant, c'est que maintenant vous ne jurez pas.

NUMÉRO VI.

Temps 6, je sois.

Cet article est épuisé dans le paragraphe du subjonctif, et dans l'artic 7, où nous comparons ensemble je fusse et je sois, no 1301.

Ce temps, comme tous les autres, peut être suivi d'un adjectif, et faire avec lui la phrase dite temps compose.

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Pour le résultat, la phrase appelée temps composé présente, de plus que

le temps 6, simple, une idée de passé.

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