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TEMPS 1, je suis.

Madame du Gué a mandé à M. de
Coulanges, que vous êtes belle comme
un ange. Mad. De Sév. 25 fév. 1671.

Ceux qu'on voit s'étonner de ce nouvel amour
N'ont jamais bien conçu ce que c'est que la

cour. VOLT. Sur Oth. 1, 1.

TEMPS 2, j'étais.

Madame de Coulanges m'a mandé que vous m'aimiez, et que vous parliez de moi. Mad. DE Sév.

On vit que cette pièce était une peinture fidèle de la cour de Néron...... On comprit que Britannicus et Junie ne devaient pas avoir un autre caractère.

VOLT. Sur Bérénice.

J'y ai compris que c'est ici une hérésie d'une nouvelle espèce. PASCAL, 3o Let. pr. Les relatifs condamneront-ils les exemples de la première colonne, et les absolus ceux de la seconde? Alors que deviennent nos classiques?.... De vastes recueils de fautes.

Phrases où les deux temps sont employés.

Je t'ai souvent ouï dire que les hommes étaient nés pour être vertueux, et que la justice est une qualité qui leur est aussi propre que l'existence, Explique-moi ce que tu veux dire. MONTESQ. ge Lett. pers.

Madame la Fayette m'a mandé qu'elle allait vous écrire, mais que la migraine l'en empêche. Mad. DE Sév.

Laissons aux relatifs et aux absolus ces deux passages et autres semblables à démêler.

Les premiers, qu'on pourrait aussi appeler les machinaux, ont déjà trop été combattus, nous allons opposer encore aux absolus les exemples suivants :

Il m'a paru que, d'avoir un traducteur tel que vous, était pour moi un titre de mérite qui me distinguait de tous les écrivains de notre siècle. BoIL.

J'ai cru que le reste des hommes était, à l'égard des rois, ce que les chevaux et les autres bêtes de charge sont à l'égard des hommes; c'est-à-dire, des animaux dont on ne fait cas qu'autant qu'ils ren

commodités. Fén. Télém. 18.

On m'a dit que vous lui aviez lu un ouvrage de ma façon, où il y avait beau-dent de services et qu'ils donnent de coup de bonnes choses, mais que la matière que j'y traitais était fort délicate. BOLL..

Ce qui me fait beaucoup de peine, c'est que vous blâmez, dans votre préface, les endroits de la satire qui m'avaient paru les plus beaux. D'ARNAULD.

Comme vous avez trouvé que votre ville d'Aix n'était pas encore assez loin, je trouve aussi que Paris est dans votre voisinage. Mad.. DE SÉV. 18 mai 1671.

Elle est fort affligée, et m'a traitée leurs. Mad. DE SEV. comme une personne qui sentait ses dou

Il y a des gens qui ont voulu me faire croire que l'excès de mon amitié vous incommodait. Mad. DE SEV.

L'autre jour, La Mousse interrogeait les petits enfants; et après plusieurs questions, ils confondirent le tout en

semble; de sorte que, venant à leur demander qui était la Vierge, ils répondirent tous que c'était le créateur du ciel et de la terre. Il ne fut point ébranlé par les petits enfants; mais, voyant que les femmes et même les vieillards disaient la même chose, il en fut persuadé, et se rendit à l'opinion commune. Mad. DE SEV. Nous trouvions, l'autre jour, qu'il n'y avait de véritable mal dans la vie que les grandes douleurs. Mad. De Sév.

C'est pour cela qu'on a dit que l'amour fesait des héros. J. J. R. Nouv. 'Hél. t. 1. On disait, l'autre jour, je crois vous l'avoir mandé, que la vraie mesure du mérite, c'était la capacité d'aimer.

Mad. DE SEV.

J'ai dit que la géométrie n'était pas à la portée des enfauts; mais c'est notre faute. J.-J. R. Emil. 1.

PHRASE (j'ai été) vulgairement appelée temps composé.

[290 L'arche où se sauvèrent les restes du genre humain a été de tout temps célèbre en Orient. BosSUET, Hist. univ. t. 1.

1291

Voilà le présent ou temps 1, a, suivi d'un adjectif passif.

Voilà le temps 1, j'ai, suivi d'un ad

Jour pris, je dois parler, je parle, j'ai parlé.jectif passif.

RAC. Plaid. 3, 3.

Dans toutes ces phrases et autres semblables, nous ne pouvons voir que ce qu'il y a en effet, c'est-à-dire, le temps 1, ou présent indicatif du verbe avoir, et un adjectif. Que, par résultat, ces phrases équivaillent à un passé, elles n'en restent pas moins des phrases, des éléments desquelles il faut rendre compte, des phrases où il y a un présent, un verbe qui exprime la possession comme présente. L'arche de Noe a été de tout temps célèbre, c'est-à-dire, que de tout temps elle a cette existence de célébrité.

ARTICLE II et ARTICLE III.

Temps 2, j'étais; et temps 3, je fus.

Ces deux temps sont surtout l'écueil des étrangers. Ils sont aussi la pierre d'achoppement des nationaux qui ont peu d'usage ou de tact.

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Explications.

Première figure. Pour calculer les temps, c'est toujours de l'instant de la parole qu'il faut partir. Quand on recule, c'est le passé; quand on avance, c'est le futur. Ainsi, pour évaluer le temps 3, je fus, il faut partir du présent ou point G, où nous supposons placé celui qui parle, et retrograder dans la ligne définie ou bornée F F, peu importe jusqu'à quel point, pourvu qu'on reste dans la ligne.

Le temps 3, je lus, est donc un passé périodique, puisqu'il est en arrière de celui qui parle, et qu'il est renfermé dans un espace circonscrit et parfaitement terminé. On dit bien maintenant je lus hier, je lus la semaine passée, le mois passé, l'an passé. Mais on ne pourrait pas dire je lus ce matin, je lus cette semaine, je las cette année, parce que ce matin, cette semaine, etc., sont des périodes où l'on est encore.

Deuxième figure, ou du temps 2, je lisais. Partez du point E, qui est le présent, et rétrogradez (c'est-à-dire allez vers le passé) jusqu'au point C. Je lisais est un passé, mais ce passé correspond au point D, et le point C et le point D se confondent en un seul, qui est le point B : donc, je lisais est un passé simultané.

Cette simultanéité n'est que passagère, instantanée, je lisais à l'instant de son entrée; mais je ne déclare point si je lisais auparavant, si j'ai lu après, si même je lis encore. Mon action de lire n'est affirmée que pour l'instant C, B, D; mais elle se passe dans la ligne indéfinie A, B, A.

PRINCIPE. Pour bien employer le temps 2 et le temps 3, il suffit de bien comprendre leur valeur, d'après les deux figures que nous venons d'expliquer.

TEMPS 3. Je fus. 1292 Dieu fit choix de Cyrus avant qu'il vit le jour, L'appela par son nom, le promit à la terre. RAC. Esther. Cette année la sécheresse fut trèsgrande. Les peuples des montagnes périrent presque tous.

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L'année d'ensuite fut très-pluvieuse, les terres basses furent submergées. MONTESQ. 11 Lettre pers. Ces peuples sauvages entrèrent armés dans la terre des Troglodytes.

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Ils furent étonnés de l'injustice de leurs ennemis, et non pas de leur nombre.

Temps 2. J'étais.

Un malheureux appelait tous les jours

La mort à son secours. LA F. 1, 15. Les terres de ce petit royaume n'étaient pas de même nature, il y en avait d'arides et de montagneuses, et d'autres qui, dans un terrein bas, étaient arrosées de plusieurs ruisseaux.

MONTESQ. 11 Lettre pers.

qu'ils ne croyaient défendue que par leur innocence. MONTESQ. 13° Lett. pers.

L'un voulait mourir pour son père............ tous pour le peuple troglodyte.

MONTESQ. 13 Lett. pers.

TEMPS 3. Je fus.

Je vis hier une chose assez singulière, quoiqu'elle se passe tous les jours à Paris. MONTESQ. 28 Lettre pers.

TEMPS 2. J'étais.

Si je sortais, je voyais aussitôt un cercle se former autour de moi. Les femmes même fesaient un arc-en-ciel nuancé de mille couleurs.

Chose admirable! Je trouvais de mes

L'autre jour j'étais dans ma chambre, je vis entrer un derviche extraordinairement habillé...... le tout me parut si bizarre, è, que ma première idée fut d'en-portraits par-tout, je me voyais multiplié voyer chercher un peintre pour en faire une fantaisie. MONTESQ. 49° Lettre pers. Il me fit d'abord un grand compliment, dans lequel il m'apprit... . .

Je te parlai l'autre jour de l'inconstance prodigieuse des Français sur leurs modes. MONTESQ. 100 Lettre pers.

dans toutes les boutiques, sur toutes les cheminées; tant on craignait de ne m'avoir pas assez vu! MoNr. 30° Lettre pers. qu'il était homme de mérite, et de plus capucin. Id. 49° id.

J'admirais cet impertinent, et pendant qu'il parlait tout haut, je disais tout bas : Il était, quand je l'eus, de grosseur raisonna-Heureux celui qui ne compromet point

ble. LA F. 7, 10.

Et Cérès, que fit-elle ? Id. 3, 2. C'est Boileau qui le premier enseigna l'art de parler toujours convenablement; et Racine est le premier qui ait employé cet art sur la scène.

VOLT. Sur le Cid. 1, 6. Antoine fut défait à Modène; les deux consuls, Hirtius et Pansa, y périrent. Le sénat, qui se crut au-dessus de ses affaires, songea à abaisser Octave, qui, de son côté, mena son armée à Rome, et se fit déclarer consul.

va-t-en sous d'autres cieux; Qu'en te voyant les fils de l'étrangère Disent entre eux avec des ris moqueurs: Ce fils ingrat abandonna sa mère.

CAMPENON, Enf. prod. 1.

son mérite avec l'orgueil des autres!

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Il serait difficile de déterminer lequel des deux temps est le plus souvent employé. Il n'est pas rare de trouver dans la même phrase le même verbe dans les deux temps.

Je le vis promptement, et ceux qui virent que je le voyais m'en surent bon gré et se mirent à rire. » Mad. DE Sév. 1o avril 1671.

Quelques grammairiens ont donné le nom de passé historique au temps 3; mais l'autre passé est-il moins souvent employé dans l'histoire?

Revoyez le tableau où, à la manière des géomètres, nous avons figuré les deux temps, et appliquez aux exemples que nous venons de citer l'explication que nous avons faite de ces deux figures. Il vous sera impos→ sible de confondre deux choses si différentes.

Emploi vicieux du temps 3, JE FUs.

Exemples.

Cependant sur le dos de la plaine liquide 1293 S'élève à gros bouillons une montagne humide. L'onde approche, se brise et vomit à nos yeux, Parmi des flots d'écume, un monstre furieux.

Observations.

C'est ici la figure que les rhéteurs appèlent hypothypose, mot à mot, action de mettre sous les yeux. Il n'y a qu'un moSes longs mugissements font trembler le ri-ni l'an passé, ni le mois passé, ni la seque l'évènement a eu lieu; ce n'est

vage,

Le ciel avec horreur voit ce monstre sauvage;
La terre s'en émeut, l'air en est infecté,
Le flot qui l'apporta recule épouvanté.
RAC. Phèdre, 5, 6.

ment

maine passée, ni même hier que le flot a apporté le monstre furieux. Il fallait donc le flot qui l'a apporté, etc.

Nous savons bien que la mesure s'y oppose; mais ce n'est point là ce que nous examinons: c'est l'idée. Or nous disons que l'idée appelait la périphrase a apporté, et que Racine, qui met l'événement en scène, ne peut pas aussi le mettre en récit, et nous transporter tout d'un coup du présent l'onde approche, etc., au passé, le flot qui l'apporta.

L'Académie blâme aussi le flot qui l'apporta, parce que, dit-elle, il ne s'était point passé de nuit entre deux ; c'est-à-dire que, pour qu'il soit possible d'employer le temps 3, il faut au moins qu'il y ait eu une nuit depuis l'événement, la moindre de toutes les périodes admises pour l'emploi de ce temps étant celle d'hier.

Aussi madame de Sévigné écrit-elle :

» M. de Courtrai revient de Saint-Germain. Ce fut le soleil qui éclaira ce mariage, la lune a été témoin du reste. »

Je me mets à la place de madame de Sévigné, et je dis » Le soleil (d'hier) éclaira le mariage, et la lune qui a lui pendant la nuit jusqu'à » ce matin, a été témoin du reste. »>

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Les curieux peuvent consulter les almanachs du temps, pour savoir si le jour qu'écrivait madame de Sévigné il y avait eu lune depuis mi

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Le comte était dans la journée même; il n'y avait que quelques mo

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