1277 cette idée, il ne dit point il me semble; ce serait annoncer qu'il s'est luimême formé sur cela une opinion. Cependant on trouve quelques exemples du subjonctif après il me semble, et de l'indicatif après il semble. Il semble qu'on n'en doit pas facilement permettre la pratique. PASCAL, 13 Let. prov. Hé, quoi! te semble-t-il que la triste Eriphile C'est à celui qui parle de savoir ce qu'il veut dire, s'il veut représenter une action comme dépendante d'une volonté quelconque, libre ou nécessaire, et partant comme plus ou moins hypothétique, ou comme un fait plus ou moins positif. Nous terminerons cet article par donner des exemples du subjonctifemployé elliptiquement, sans être précédé d'une phrase antécédente, ou pas même d'un que, et par quelques monographies. I. Subjonctif sans phrase antécédente. 1278 Qu'il périsse, aussi bien il ne vit plus pour | Soleil, cache à ses yeux le jour qui nous éclaire! nous. Rac. Andr. De cent coups de poignard que l'infidèle Qu'il ait de ses aïeux un souvenir modeste; scène, A son comble arrivé se débrouille sans peine. Qu'en horreur à son fils, qu'exécrable à sa mère, Qu'errant, abandonné, proscrit dans l'univers, Et que son corps sanglant, privé de sépulture, Et qu'il soit jusqu'au bout tel qu'on l'a vu d'a- 279 C'est-à-dire, je veux qu'il périsse, aussi bien il ne vit plus pour nous. Des millions d'exemples où le subjonctif est employé avec l'ellipse de la phrase antécédente, il n'en est pas un qui, l'ellipse rétablie, ne reproduise le verbe vouloir, ou autre verbe de volonté; preuve incontestable que le trait différentiel du subjonctif, c'est d'être soumis à l'idée d'une volonté quelconque. II. Subjonctif employé sans QUE. Il sera toujours grand et beau de régner sur soi, fût-ce pour obéir à des opinions fantastiques. J.-J. R. Emil. 5. Fusses-tu par-delà des colonnes d'Alcide! Je me croirais encor trop voisin d'un perfide. RAC. Phed. 4, 2. C'est donc les Dieux, et non la mer, qu'il faut craindre, fussiez-vous au fond des abîmes. FÉNÉL. Télém. 6. Tienne qui voudra contre de si grandes extrémités, je ne veux être, si je le puis, ni malheureux ni heureux je m'ajuste et me réfugie dans la médiocrité. LA BRUY. 6. Pour un commencement, ce n'est pas mal trouvé, Vienne encore un procès et je suis achevé. Se charge qui voudra d'affaires plus pressantes. CORN, le Menteur. Mais quand un homme est riche, il vaut toujours son prix, Et l'eût-on vu porter la mandille à Paris, N'eût-il de son vrai nom ni titre ni mémoire, D'Hosier lui trouvera des aïeux dans l'histoire. BOIL. Sat. 5. Périsse le Troyen auteur de nos alarmes ! RAC. Iphig. 2, 2. Meurent plutôt les Grecs, moi, toi-même et Cassandre; Tombe Argos et ses murs. ... LEMERCIER, Agam. 4, 1. Tombe sur moi le ciel, pourvu que je me venge! CORN. Rodog. C'est-à-dire, je veux ou je suppose que ce soit instinct, etc. Que devient, d'après cela, la conjonction soit? Puissent tous ses voisins ensemble conjurés Saper ses fondements encor mal assurés ! Puissé-je de mes yeux y voir tomber la foudre, Voir ses maisons en cendre et ses lauriers en poudre! CORN. Hor. 4, 4. Dût ma muse par-là choquer tout l'univers, Riche, gueux, triste ou gai, je veux faire des vers. BOIL. Sat. 7. Quand tu manges, donne à manger aux chiens, dussent-ils te mordre! VOLT. Zadig. Ecrive qui voudra; chacun à ce métier Peut perdre impunément de l'encre et du pa pier. BOLL. Sat. 9. On peut donner du lustre à leurs inventions: Il regarde en pitié tout ce que chacun dit, C'est-à-dire, je veux ou je désire qu'il ne plaise pas aux Dieux, je voudrais 1280 1281 qu'il plût à Dieu.... Je veux que ce soit instinct ou reconnaissance, etc. Plus l'ellipse est grande, plus il est certain que, dans la phrase sous-entendue, il y aura le verbe vouloir ou un autre verbe évidemment de la même sorte. Je ne sache point. Des enfants étourdis deviennent des d'observation plus générale et plus cerhommes vulgaires; je ne sache point | taine que celle-là. J.-J. R. Emil. 1. Cette phrase est unique. Elle n'a lieu qu'à la première personne: on ne dit pas même tu ne saches pas. Elle est presque inexplicable. III. MONOGRAPHIES. Qu'IMPORTE à Monsieur votre fils que f Charlemagne ait institué les douze pairs de France, et que son successeur ait été bègue? VOLT. Jeannot et Colin. Vous avez peur que je ne meure de joie; mais ne CRAIGNEZ-VOUS pas aussi que je meure de déplaisir de croire le contraire? Mad. DE SÉV. 18 fév. 1671. Mais pour un vain bonheur qui vous a fait ri mer, Faut-il dominer à ce prix, et le commandement est-il si doux, que les hommes le veuillent acheter par des actions si inhumaines? BOSSUET, Hist. univ. C'est-à-dire, pour que les hommes veuillent, etc. On prenait un soin particulier qu'ils ne vissent et n'entendissent rien de malhonnête; c'est-à-dire, afin ou pour qu'ils GARDEZ qu'un sot orgueil ne vous vienne enfu- ne vissent, etc. QUOIQUE VOUS soyez belle, et qu'on QUELQUES vers toutefois qu'Apollon vous ins pire, En tous lieux aussitôt ne courez pas les lire. Ils ont bien ennuyé le roi, toute la cour, Retranché les auteurs ou supprimé la rime. Entre toutes différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, il n'y en a qu'une qui soit la bonne ; on ne la rencontre pas toujours en par Humains, faibles humains, voilà votre devise. Hélas! où QUE vous soyez, vous êtes, AVANT QUE la raison s'expliquant par la voix mort pour moi, mes yeux ne vous ver- Ne dis point: que m'importe où que Je ne vous quitte point, Seigneur, que mon amour n'ait obtenu ce point. CORN. Cinna, 4, 4. C'est-à-dire, avant que mon amour, etc. Il n'y a pas de ministre si occupé, qui O Être clément et bon! QUELS QUE de temps. LA BRUY. ne sache perdre chaque jour deux heures soient tes décrets, je les adore. Id. Il fait bon craindre, ENCOR QUE l'on soit saint. LA F. Les puissances établies par le commerce s'élèvent peu-à-peu et SANS qu'on s'en apperçoive. MONTESQ. Si vous lisiez l'histoire, et QUE VOUS cherchiez un prince également favorisé et persécuté de la fortune, vous le trouverez dans la personne de l'empereur Henri IV. Cité par WAILLY. $ 3. 1282 DES TEMPS. On a vu dans l'Idéologie, 120 etc. et dans la Lexigraphie, 905 etc. que nos verbes n'ont que huit temps. Nous allons donner un nouvel exemple, pris dans le verbe être. PREMIÈRE SÉRIE. T. 1. Je suis la fille du temps, et j'attends T. 2. J'étais lundi chez mon libraire T. 3. Je fus long-temps servante de ca- T. 4. Et je serai le seul qui ne pourrai rien dire, On sera ridicule et je ne pourrai rire ! BOIL. Sat. 9. DEUXIÈME SÉRIE. T. 5. Sois juste et tu seras heureux !' T. 7. Il faudrait que je fusse dans vos T. 8. Je serais content de la liberté qui inspire les génies anglais, si la passion et l'esprit de parti ne corrompaient pas tout ce que cette précieuse liberté a d'estimable. VOLT. Candide. dont nous Nous traiterons dans le même ordre de ces huit temps, ferons le sujet d'autant d'articles. Nous examinerons dans chacun d'eux la phrase, dite temps composé, qui correspond à chacun de ces temps. Ainsi voilà quatre sortes de présents sous une seule forme, ou, pour parler plus exactement, un seul présent, qui peut s'employer dans quatre sortes de circonstances, et qu'on aurait pu représenter sous autant de formes différentes. Mais c'eussent été des richesses superflues, la nature de la phrase suffisant toujours pour faire naître dans l'esprit l'idée de la nuance qu'on veut peindre. L'idée de présent est l'idée commune qui se retrouve dans les quatre sortes de phrases. 1o Dans le premier cas, on considère l'action comme se passant à l'instant même, à l'instant seul de la parole. Il s'agit évidemment d'un présent pur et sans mélange avec d'autres temps. Quand je dis, vos frères ont de l'argent, j'affirme la présence actuelle de l'argent, sans qu'on puisse dire si vos frères avaient de l'argent, il y a un quart d'heure, ou s'ils en auront encore dans une minute. 2o Dans le second cas, je vois l'action, non-seulement comme se fesant présentement, mais encore comme s'étant déjà faite auparavant, comme se fesant encore, et devant même se continuer. Voilà pourquoi on est enclin à se tromper souvent dans cette circonstance, surtout à employer le passé pour le présent. Je disais que vos frères avaient des goûts dépravés, n'exprimerait point qu'ils les ont encore: cette phrase ferait même entendre qu'ils ne les ont plus. 3o Le présent essentiel et le présent habituel se ressemblent, en ce que tous deux ils représentent l'action comme prolongée, continue; ils diffèrent en ce que l'un exprime une continuité nécessaire, et l'autre une simple continuité de fait. Le présent essentiel est plus facile à employer que l'habituel. Cependant on s'y trompe encore assez souvent, comme lorsqu'on dit : Platon croyait qu'il y avait un Être suprême, au lieu de Platon croyait qu'il y a un Être suprême. |