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comme voulue

par une personne ou par un être quelconque. La syntaxe va montrer l'application de ce principe.

Le subjonctif était donc nécessaire dans les phrases suivantes :
Observations.

Exemples.

Et qui est ce sot-là, qui ne veut pas Voilà la volonté morale ou libre, la voque sa femme soit muette? MOL. Méd. malgré lui. 2, 6. Slonté d'un être animé.

Le bien que nous avons reçu de quel- Voilà la volonté physique ou néces qu'un veut que nous respections le mal (saire, celle d'un être inanimé. qu'il nous fait. LAROCHEF. Max. 236.

Il est dit que si, un pape parlant d'un

Il est dit n'exprime ordinairement

peut être traduit par il est

décidé, il est voulu.

évêque, l'appèle son fils au lieu de l'ap-qu'une simple énonciation; maïs ici, vu peler son frère, au préjudice de la société le contexte, il qui est entre tous les évêques du monde dans l'episcopat, l'acte où se trouvera cette expression soit nul.

PASCAL, Lettr. prov.

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C'est ainsi que plusieurs verbes semblables sont employés.

Voyez l'observation du passage précédent.

C'est-à-dire, c'est une chose, étrange qui veut, qui exige que les hommes soient sujets, etc.

C'est-à-dire, la justice VEUT que les méchants soient punis; mais la suffisance veut qu'ils soient, etc.

C'est-à-dire, la justice veut qu'un CORN. Cid.meurtrier périsse.

C'est assez, pour le bonheur du sage d'une femme et d'un champ qui soient à lui. J.-J. R. Emil. 5.

Quoi! Martial fait des vers! Je pensais} qu'il ne fit que des gants. MOL.

Il semblait que ma vue excitât son audace,
Que tous les Grecs bravés dans leur ambassa-
deur

Dussent de son hymen relever la splendeur.
RAC, Androm. 5,3,

C'est-à-dire, c'est assez d'une femme et d'un champ ; mais je veux, je suppose qu'ils soient à lui.

C'est-à-dire, je pensais VOULANT qu'il ne fil que des gants.

C'est-à-dire, il semblait vouze, par la conduite qu'il tenait, que ma vue excitát leur audace,

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Exemples.

Vivent les collèges d'où l'on sort si habile homme! MoL. Mal. imag. 2, 6.

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C'est-à-dire, je DÉSIRE qu'il ne plaise

pas à Dieu.

C'est-à-dire, inventez des ressorts EXIGEANT qu'ils puissent m'attacher.

A Dieu ne plaise qu'il soit assez malheureux pour y briller! J.-J. R. Emil. 4. Inventez des ressorts qui puissent m'attacher. BOIL. Surmontez la difficulté, instruiseznous du fait, sans avoir l'air de nous instruire. Amenez sur le théâtre des per-personnages nécessaires, et je veux qu'ils sonnages nécessaires, qui aient des raisons aient des raisons de parler. de parler. VOLT. sur Corn.

C'est-à-dire, amenez sur le théâtre des

Telle est toujours la cause du subjonctif; savoir, une idée de volonté libre ou nécessaire, soit qu'elle soit exprimée par un mot, ou réveillée par l'ensemble de la phrase. Nous allons consacrer le reste de cet article à des tableaux comparatifs de l'indicatif et du subjonctif.

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C'est-à-dire, il se porte bien; pour cela, je ne veux pas qu'il n'ait pas mal au pied.

C'est-à-dire, il se porte bien, excepté

en ceci : il a mal au pied.

Dans la première colonne on ne dit point qu'une femme plaira, que je serai tranquille; mais on soumet ces actions à une idée de volonté, qui peut avoir son effet ou ne pas l'avoir.

Dans la seconde, je pense, je sais que cette femme me plaît ou me plaira; que je serai tranquille dans telle retraite ; qu'il a mal au pied; que tel chemin conduit à Paris, etc.

Première suite du tableau comparatif.
Subjonctif.

Sous ce nom de liberté, les Romains!
se figuraient, avec les Grecs, un Etat où
personne ne fût sujet que de la loi, et où
la loi fût plus puissante que les hommes.
BOSSUET, Hist. univ. 3o part.

Vous vous figurez que ce soit un jeu. Mad. DE SÉV. NOTA. Madame de Sévigné ne veut pas, ne se figure pas que ce soit un jeu.

Madame de Chaulnes arriva à beau pied, sans lance, entre onze heures et minuit. On pensait, à Vitré, que ce fussent des Bohèmes.

Mad. DE SEV. 22 juillet 1671. NOTA. Madame de Sévigné ne veut pas que ce fussent des Bohèmes.

Tu ne crois pas qu'il y ait des Dieux. NOTA. Celui qui parle ainsi ne veut pas non plus qu'il y en ait.

Vous ne croyez pas que je puisse résister à cette douleur.

Mad. DE SEV. Pensez-vous que votre protection me! soit nécessaire dans ce pays?

Indicatif.

Sous ce nom de liberté, ils se figuraient un état où personne n'est sujet

que

de la loi.

NOTA. En s'exprimant ainsi, celui qui parle énonce un principe qu'il croit réalisé.

Ne vous effrayez point; figurez-vous que c'est un jeu.

NOTA. Celui qui parle ainsi croit que c'est un jeu.

Je pensais que c'était un petit chien.
Mad. DE SET.

Je pensais que ce devait être tout le contraire. J.-J. R. Nouv. Hél.

Malheureux! tu ne crois pas qu'il y a des Dieux.

NOTA. Celui qui parle ainsi croit qu'il y a des Dieux: mais il a tort d'insulter celui qui n'y croit pas.

Vous ne croyez pas (moi je crois) que je pourrai résister à cette douleur.

Pensez-vous que votre protection m'est nécessaire dans ce pays? Mad. DE Sév.

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On voit qu'à la suite du même verbe, tantôt on emploie l'indicatif, tantôt le subjonctif : c'est donc à l'idée qu'il faut s'attacher. Si l'on se conçoit bien, on ne dira point ce qu'en effet on ne veut pas dire.

Une remarque qui ne peut guère échapper à la vue de ces exemples, c'est que le subjonctif peut être causé par la volonté ou par une affection tacite de celui qui parle.

Cette nuance est délicate, il est vrai; mais c'est à vaincre de semblables difficultés que consiste l'art d'écrire. En de pareilles circonstances, l'instinct est presque toujours plus sûr que la réflexion.

Deuxième suite du tableau comparatif.

Subjonctif.

Lorsque le vieux Andronic fit dire au patriarche qu'il se målåt des affaires de l'Eglise, et qu'il le laissât gouverner celles de l'empire; c'est, répondit le patriarche, comme si le corps disait à l'âme Je n'ai que faire de votre secours pour exercer mes fonctions.

MONTESQ. Grand. et décad. des Rom. Je n'entends pas qu'on me fasse la loi, comme je n'entends point la faire à per

sonne.

Tu prétendais qu'on t'obéit, et qu'au besoin on s'ensevelit sous les ruines de ton palais.

Indicatif.

Vous avez l'audace de battre un philosophe! Il faut douter de toute chose; et vous ne devez pas dire que je vous ai battu, mais qu'il vous semble que je vous ai battu (1).

:
MOL. Mariage forcé, 1,
8.
Qui vous a dit que j'ai pour elle l'âme atteinte?
MOL. Ecole des Maris, 2, 3.

Je n'entends pas qu'il ne fera jamais de dégât..... qu'il ne brisera point un meuble de prix. J.-J. R. Emil. 2.

Traître, tu prétendais qu'en un lâche silence
Phèdre ensevelirait ta coupable espérance.
RAG. Phedr. 4, 2.

On voit encore qu'à la suite du même verbe, on emploie l'un ou l'autre mode, selon l'idée qu'on a dans l'esprit.

Subjonctif.

Un oracle fatal ordonne qu'elle expire!

Un oracle dit-il tout ce qu'il semble dire?

RACINE.

Indicatif.

Ordonné qu'il sera fait rapport à la cour
Du foin que peut manger une poule en un jour.
RAC. les Plaid. 1, 7.
Il ordonna que les vétérans recevraient
leurs récompenses en argent, et non en
terres. MONT. Grand. et Décad. des Rom.

Ordonner, résoudre, arrêter, decider, qui, dans leur sens primitif, sont

(1) Sganarelle, en disant qu'il faut douter de toute chose, ne fait que parodier la doctrine du philosophe sceptique; mais lui sait bien qu'il a battu le philosophe, et c'est cette idée qui a déterminé l'indicatif.

Valère, qui aime Isabelle, a dû se servir du mode indicatif. Il aurait employé le subjonctif dans le cas contraire. Qui vous a dit que j'aie pour elle l'âme atteinte?

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des verbes de volonté, peuvent être suivis de l'indicatif, quand l'exécution de l'ordre est tellement sûre, que l'action ordonnée, résolue, peut être regardée comme un fait qui aura nécessairement lieu. Tels sont les ordres des souverains et ceux des cours de justice, qui, agissant au nom du souverain, en imitent le langage. Ordonné qu'il sera fait rapport, est plutôt une déclaration d'un fait qu'un ordre. Il est déclaré qu'il sera fait, etc. C'est ainsi que Bossuet, parlant de Cyrus, a dit: Il fit résoudre que les laboureurs seraient épargnés de part et d'autre.

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BOSSUET, Hist. univ. 2TM° partie.

Troisième suite du tableau comparatif.

Subjonctif.

Trouvez-vous toujours que le Rhône de l'eau? De bonne foi n'avez-vous point été effrayée d'une mort si proche et si inévitable?

Mad. De Sév. 4 mars 1671.

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Indicatif.

Hé, mon Dieu! je connais mon Don Juan sur le bout du doigt, et connais votre cœur pour le plus grand coureur du monde. Et ne trouves-tu pas, dismoi, que j'ai raison d'en user de la sorte?

MOL. Festin de Pierre, 1, 2. Crois-tu que toujours ferme aux bords du précipice

Elle pourra marcher sans que le pied lui glisse?
BOIL. Sat. 10.
Dans un lâche sommeil crois-tu qu'enseveli
Achille aura pour elle impunément pâli?

RAC. Iphig. Quel conseil, cher Abner, croyez-vous qu'on doit suivre? RAC. Athal. 3, 2.

Où avez-vous vu que des gens ruinés ont des amis? Redites-moi ce lieu fortuné, si différent de tous ceux que je

connais.

Un jour dans le fond d'un vallon
Un serpent mordit Jean Fréron.
Que pensez-vous qu'il arriva ?,
Ce fut le serpent qui creva.

VOLT. Poésies mêlées.

Dans la seconde colonne, on n'interroge que pour le seul effet oratoire, que pour communiquer aux autres le sentiment, l'opinion à laquelle on est déjà arrêté. L'interrogation n'exprime point le doute, ne soumet point l'action qui suit à une volonté quelconque, libre ou nécessaire. C'est une simple formule, c'est l'interrogation des rhéteurs: elle est extrêmement fréquente.

Quoi tu crois, cher Osmin, que ma gloire passée.

Flatte encor leur mémoire, ét vit en leur pensée ? RAC. Baj. 1, 1.

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