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Vifs et emportés les jeunes gens ne songent qu'à se satisfaire.

JACQUEMARD, Gram, franç.

O qu'heureux sont les gens qui ne veulent pas souffrir les injures, d'être instruits en cette doctrine? PASC 7' Let. pr.

Les a-t-on instruits, ces braves gens, de l'arrivée de leur bienfaiteur? BUTET.

Les faux honnêtes gens sont ceux qui déguisent leurs défauts aux autres et à eux-mêmes. Les vrais honnêtes gens sont ceux qui les connaissent parfaitement et les confessent. LAROCHEF. Max. 207.

D'après la première analogie, il semblerait que les adjectifs heureux, vifs et emportés, faux, vrais, devraient être au féminin. Mais les trois premiers ne sont ainsi placés que par inversion. C'est comme s'il y avait les jeunes gens vifs et emportés ne songent qu'à se satisfaire. Les deux derniers faux et vrais sont du masculin, parce que l'adjectif honnête qui n'a qu'une forme pour les deux genres fait naître invinciblement l'idée d'hommes.

NUMÉRO IX.

Adjectif FEU, NU, DEMI.

1042 Et j'ai toujours été nourri, par feu mon père, | Vous souvient-il, seigneur, du feu roi NicaDans la crainte de dieu, monsieur, et des ser

gents. RAC. les Plaid. 2, 5.

J'ai oui dire à feu ma sœur que sa fille et moi naquîmes la même année.

MONTESQ. 52 Let. pers.

nor?

J'ai oui dire à ma feue sœur, la feue reine, votre feue mère. WAILLY.

L'adjectif feu vient du latin functus, d'où defunctus, dont nous avons aussi défunt. La manière extraordinaire dont il est placé dans feu mon père, feu ma sœur, avant l'adjectif déterminatif mon, ma, a fait croire qu'il n'est point adjectif; et peut-être est-ce la cause qu'il reste invarié. Mais lorsqu'il est replacé après le, mon ou autre adjectif déterminatif, il est plus facile à juger, et on lui fait prendre le genre du substantif.

Si nul n'avait su marcher nu-pieds, qui de longs cheveux. VOLT. l'Ingénu.
sait si Genève n'eût point été prise?
J.-J. R. Emil. 2.
Saint Louis porta la couronne d'épines
nu-pieds, nu-tête, depuis le bois de Vin-
cennes jusqu'à Notre-Dame. WAILLY.

Il était nu-tête et nu-jambes, les pieds
chaussés de petites sandales, le chef orné

Le chevalier sans éperons, sans bottes,
La tête nue, et le regard baissé,
Nous avoua ce qui s'était passé.
VOLT. Contes en vers.

On dit les pieds nus, la tele nue, les jambes nues. WAILLY.

Nu-pieds, nu-jambes, nu-tête, ont été d'abord des négligences qui sont ensuite devenues usuelles.

Si l'on demandait de quel genre est l'adjectif nu, dans ces sortes de locutions, nous répondrions qu'il y est employé d'une manière absolue, sans rapport du moins immédiat avec aucun substantif. Car lorsqu'on dit:

la reine Didon s'approcha de l'autel nu-pieds, nu-tête, il est évident que nu ne se rapporte ni à tête, ni à pieds, ni à Didon. Nu produit à-peu-près l'effet de nûment.

L'adjectif demi, lorsqu'il est placé devant le substantif, reste aussi invariable. On écrit une demi-heure, une demi-portion, des demi-lumières, des demi-mesures; mais lorsqu'il est après le substantif exprimé ou sousentendu, il varie selon le substantif auquel il se rapporte; il viendra dans une heure et demie, il n'aura pas la portion entière, mais la demie.

J'y ai parlé toute ma demi-heure, et sans le sable j'eusse bien fait changer ce malheureux proverbe qui court déjà dans Paris : il opine du bonnet comme un moine en Sorbonne. » PASCAL, 1 Let. prov.

NUMÉRO X.

ADJECTIF PRIS SUBSTANTIVEMENT, c'est-à-dire avec ellipse du

substantif.

1948 Ellipse d'un substantif singulier mas

1044

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Dans toutes ces phrases et dans mille autres semblables, les quatre sortes d'adjectifs, qualificatifs, actifs, passifs et déterminatifs, fournissent plus ou moins d'exemples de cet emploi.

Ellipse du substantif féminin singulier.
Le désir peut loger chez une précieuse.

LA F. 7, 5.

J'ai du lard et des œufs.
Toute Française, à ce que j'imagine,
Sait, bien ou mal, faire un peu de cuisine.
VOLT. la Begueule.

La påle est au jasmin en blancheur compa

rable;

La noire à faire peur, une brune adorable;

Ellipse du substantif féminin pluriel.

C'était ceci, c'était cela,
C'était tout, car les précieuses
Font dessus tout les dédaigneuses.
LA F. 7, 5.

Exceptez-en quelques vieilles dolentes,
Des jeunes cœurs, jalouses surveillantes,
Il était cher à toute la maison.

GRESSET, Ver-Vert, 1.

Ellipsedu substantifféminin singulier.
La maigre a de la taille et de la liberté ;
La grasse est dans son port pleine de majesté ;
L'orgueilleuse a le cœur digne d'une cou-

ronne;

Ellipse du substantif féminin pluriel. Nous n'avons pas les yeux à l'épreuve des belles,

Ni les mains à celles de l'or. La F. 8, 7. La vieille n'avait point de plus pressant souci La fourbe a de l'esprit, la sotte est toute Que de distribuer aux servantes leur tâche. bonne. MoL. Misant. 2, 5.

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LA F. 5, 6.

Cet emploi de l'adjectif, quelle que soit sa sorte, avec l'ellipse du substantif femme et femmes, est déjà beaucoup moins fréquent que le précédent. Heureux qui dans ses vers peut d'une voix lé- On verra par quels soins ta sage prévoyance Au fort de la famine entretint l'abondance. BOIL. Ep. 1.

gère,

Passer du grave au doux, du plaisant au sé

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Rien de trop est un point

Dont on parle beaucoup et qu'on n'observe point. LA F.

C'est-à-dire heureux celui qui sait passer du ton grave au ton doux, etc. Nous fesons cas de l'objet beau, etc. Au moment ou à l'endroit fort de la famine. Le mot point lui-même n'est autre chose que l'adjectif passif point, féminin pointe, voilà un point, c'est-à-dire un objet point, ou qui est point. Le prétendu adverbe point n'est aussi que le même mot, mais plus méconnaissable, parce qu'il est employé dans une phrase encore plus elliptique.

L'ellipse d'un substantif singulier objet, ou de tout autre substantif masculin répondant au singulier neutre des Latins, est extrêmement fréquente.

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Le nombre de ces adjectifs ainsi employés avec ellipse d'un substantif singulier est incalculable. L'ellipse d'un substantif féminin, autre que femme, est infiniment plus rare. Cependant on dit :

à l'étouffée, pour à la manière étouffée.

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145

à l'anglaise,

Quand les Français... à l'étourdie,

S'en allèrent dans l'Italie....

VOLT. Poés. mêlées.

Nous l'avons en dormant, Madame, échappé belle. MOL. Femm. sav. 3, 4.

française.
anglaise.

Chez les méchants on se gåte sans peine,
Et le galant vit fort à la romaine.

VOLT. Contes en vers.

Il est revenu de plus belle, c'est-à-dire de plus belle manière.

C'est encore ainsi que nous croyons employer des substantifs lorsque nous disons:

L'armée pour la troupe armée.

La mêlée pour la troupe mêlée.

Une tranchée pour une terre tranchée.
Une cognée, une fusée, une saignée, etc.

Il faudrait un volume pour rapporter tous les adjectifs qui, d'une manière ou d'une autre, sont susceptibles d'être employés avec ellipse de leur substantif, ou comme on dit substantivement. Mais il suffit d'être sur la voie, et de plus amples détails deviendraient fastidieux.

NUMÉRO XI.

Adjectifs pris absolument, ou comme on dit adverbialement.

Vous les hachez menu comme chair à pâtés.

MOL. Menteur, 4, 3.
La pluie tombait dru et menu. ACAD.

L'enseigne fait la chalandise.
J'ai vu dans le palais une robe mal mise

Gagner gros; les gens l'avaient prise
Pour maître tel, qui traînait après soi
Force écoutants; demandez-moi pourquoi ?
LAF. 7, 15.
Je ne saurais plus écrire depuis que
mes lettres ne vont point à vous. Me voilà
demeuré tout court.

Mad. DE SEV. 18 oct. 1671. Nous nous tenions ferme, de peur que dans cette violente secousse le mot qui

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C'est pour céder à l'attraction, ou à l'euphonie, qu'on dit des roses fraîches écloses, des herbes fraiches cueillies; car on ne peut pas dire que les roses ni les herbes sont fraîches, mais qu'elles sont frais ou fraîchement cueillies ou écloses. Fraiches, quoique sous sa forme du féminin, est véritablement employé d'une manière absolue, c'est-à-dire sans rapport à un substantif auquel il soit facile de le rattacher.

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On verra dans les adjectifs déterminatifs les différens emplois de tout, quelque, même.

S 4.

De l'adjectif qualificatif.

1047 Le paragraphe précédent suffit pour régler la syntaxe de cette sorte d'adjectif.

1048

S 5.

De l'adjectif déterminatif.

La syntaxe des adjectifs déterminatifs a été à-peu-près épuisée dans le premier paragraphe où les adjectifs ont été considérés indépendamment de la sorte à laquelle ils peuvent appartenir.

Mais les adjectifs déterminatifs, outre les difficultés communes de syntaxe, en offrent de particulières, qui sont relatives à leur signification et å leur emploi incomplètement ou peu idéologiquement définis dans les dictionnaires. Nous avons cru nécessaire d'examiner d'abord ce qu'ils ont de plus facile à remarquer, c'est-à-dire ce qu'ont de commun les divers adjectifs déterminatifs, ensuite d'en parcourir la liste d'ailleurs peu nombreuse. Ici, comme dans tout le cours de cet ouvrage, nous suivrons la voie des exemples; d'où nous déduirons quelques généralités que le lecteur pourra toujours apprécier, ayant sous les yeux les faits qui ont dû leur servir de base. D'où la subdivision de ce paragraphe en deux articles.

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