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même nombre, impression est d'un autre genre, secours et remèdes d'un autre nombre. Flatteurs et présent diffèrent de nombre, frelons et troupe ne sont ni du même nombre ni du même genre.

APPOSITIONS

Qui n'ont aucun substantif principal exprimé, et semblent se rapporter à une

phrase.

Je ne veux plus souffrir qu'aucune
de mes nymphes lui parle ni le regarde.
J'en jure par les ondes du Styx; serment
qui fait trembler les dieux mêmes.
FENELON, Télém. 7.

Je n'y trouve qu'extravagance,
Faiblesse, injustice, arrogance,
Trahisons, fureurs, cruautés;

Etrange vertu qui se forme

Souvent de l'assemblage énorme
Des vices les plus détestés.

J.-B. ROUSSEAU, Odes, 1, 2. Ne faire sa cour à personne ni attendre de quelqu'un qu'il vous fasse la sienne : douce situation, áge d'or, état de l'homme le plus naturel. La Baux. ch. 12.

J'en jure par les ondes du Styx équivaut dans la pensée à j'en fais le serment; ainsi la phrase de Fénélon peut être traduite par celle-ci : j'en fais le SERMENT par les ondes du Styx, SERMENT qui fait trembler les dieux mêmes. Les grammairiens ont donné le nom de syllepse à cette sorte d'ellipse où le rapport se fait plutôt à la pensée qu'au mot.

Syllepse vient du grec syliepsis, de lepsis et de syn, qui signifie l'action de prendre ensemble; en effet serment n'a pu être apposé dans l'exemple précédent que parce que le sens fait naître l'idée d'un substantif principal, qui n'est pas exprimé, parce qu'on prend ensemble le mot et l'idée, et que s'élevant de l'idée au mot, on agit comme si ce mot existait réellement dans la phrase.

J.-B. Rousseau groupe dans son idée les mots extravagance, faiblesse, etc., et ne voit en tout cela qu'un tout monstrueux; il ajoute comme par apposition, étrange vertu, etc., comme s'il avait dit en termes exprès tout cela étrange vertu.

ARTICLE II.

Du complément ou de la sorte d'apposition appelée vocatif.

Passant, va dire à Sparte que nous sommes morts ici pour obéir à ses saintes lois. J.-J. ROUSSEAU, Emile, 5.

Trône! à t'abandonner je ne puis consentir;
Par un coup de tonnerre il vaut mieux en sortir.
Il vaut mieux mériter le sort le plus étrange.
Tombe sur moi le ciel, pourvu que je me

venge! CORN. Rodog. 5, 2.

Rois, chassez la calomnie.

Ses criminels attentats Des plus paisibles états Troublent l'heureuse harmonie. RAC. Athal. 3, 5. Fils aîné de la grande ourse, frère du taureau, cousin du grand chien (c'étaient les titres de ce pontife), je viens vous compter mes scrupules. VOLT. Zadig.

Eh! monsieur, c'est d'ailleurs une coutume ancienne,

Quand le maître a sa cour, le valet a la sienné. | Est-il quelque ennemi qu'à présent je ne ETIENNE, Les deux Gendr. 4, 2.

Vous êtes orfèvre, monsieur Josse. Vous vendez des tapisseries, monsieur Guillaume. MOL. l'Amour méd. 1, 1.

dompte?

Paraissez Navarrois, Maures et Castillans, Et tout ce que l'Espagne a produit de vaillants. CORN. Cid, 5, 1.

Dans le fond, cette sorte de complément appelée vocatif n'est dans notre langue qu'une apposition. Toi passant va dire à Sparte, on tu iras dire à Sparte, etc.

Toi trône, à t'abandonner je ne puis consentir. Car passant et trône n'exprimant point par eux-mêmes l'idée de la seconde personne, ne peuvent pas représenter le cas que les langues casuées appèlent vocatif, auquel l'idée de seconde personne est essentiellement attachée.

Cette sorte de complément se rapporte toujours à tu, ou à vous exprimé ou sous-entendu. C'est à cause de ces substantifs relatifs que dans notre langue les substantifs absolus trône, roi, fils, monsieur, etc., paraissent répondre au vocatif des langues casuées. Mais cette vertu n'est point en eux, elle est tout entière dans les mots tu ou vous. Nos substantifs ne remplissent donc jamais les fonctions de vocatif.

Eh! vos écrits, monsieur, ne font vivre personne.
Le plus beau des discours ne vaut pas une aumône;

Et quand un malheureux vient vous tendre la main,

Laissez là vos écrits et donnez-lui du pain. ETIENNE, Les Deux Gendr.

Il est évident que ce n'est pas le mot monsieur qui désigne la seconde personne, c'est le mot vous sous-entendu; car il s'emploie également à la troisième et comme sujet et comme régime.

Comment, monsieur se fâche, et monsieur | Je n'aime pas céans tous vos gens à latin,

sollicite!

Monsieur apparemment compte sur son mé

rite. ETIENNE. Les Deux Gendr.

Et principalement ce monsieur Trissotin.
MOL. Fem. Sav, 2, 7.

ARTICLE III.

Du Complément dit Attribut.

302 L'auteur de Pyrame est un poète; mais | Le bien n'est bien qu'autant que l'on peut s'en

Mignard est Mignard, Lulli est Lulli,

et Corneille est Corneille. La BRUY. 11.

L'arrêt qui nous condamne est un arrêt injuste:
Mais il est dans le ciel un tribunal auguste,

Que le faible opprimé jamais n'invoque en vain,
Et j'ose t'y citer, ô pontife romain!
Encor quarante jours, je t'y vois comparaître.
RAYNOUARD, Templ. 5, 13.
La femme est toujours femme.

MOL. Dépit amour. 4, 2.

défaire. LA F. 10, 5.

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Pansa, le plus spirituel, le plus aimable | ne point lutter contre la nature; ces vains des écuyers. C'est tout comme vous efforts usent la vie et nous empêchent le dites, répondit Sancho ; c'est moi qui d'en user. J.-J. R. Emil. 4. suis moi. FLORIAN, Don Quich.

Il faut être soi dans tous les temps et

On n'y respecte rien, chacun y parle haut,
Et c'est tout justement la cour du roi Pétaud.
MOL. Tartuff. 1, 1.

On voit dans la première colonne le même mot employé comme mot principal et comme mot complémentaire; Mignard est affirmé de Mignard, Lulli de Lulli, etc., père de père, etc. Dans la seconde fonction, le substantif produit l'effet d'un adjectif ou modificatif.

Des exemples cités nous détacherons celui-ci, qui nous a pâru extrêmement remarquable :

L'arrêt qui nous condamne est un arrêt injuste:
Mais il est dans le ciel un tribunal auguste,

Que le faible opprimé jamais n'invoque en vain,
Et j'ose t'y citer, ô pontife romain!

Encor quarante jours, je t'y vois comparaitre. RAYNOUARD, Templ. 3, 5. L'auteur aurait pu dire l'arrêt qui nous condamne est injuste, mais quelle différence pour l'effet! Dans ce dernier cas, est-ce une ellipse? Dans la seconde colonne Sancho-Pansa est affirmé de homme qui fait fonction de mot primordial et principal. Le premier moi est affirmé de ce. C'est moi, c'est-à-diré cela, cet objet là est moi. Le second l'est de qui subtantif relatif. Soi est affirmé du substantif homme ou autre sous-entendu. Cour l'est de ce ou cela.

Voulant par-dessus tout se mettre en évidence,
Il s'est constitué l'appui de l'indigence.
Ce n'est point par bonté, vous le devinez bien;
Mais c'est par le dépit qu'il a de n'être rien.
Il veut être fameux. Enfin, je le suppose,
Il s'est fait bienfesant pour être quelque chose.
ETIENNE, Les deux Gendr. 2, 13.

J'étais le grain de sable, je résolus de devenir diamant. VOLT. Zadig.

Combien d'enfants deviennent victimes d'un maître! J.-J. R. Emil. 4. de l'extravagante sagesse d'un père ou

On voit que ce n'est pas toujours le verbe être, ce prétendu lien, qui SÉPARE le substantif principal du substantif complémentaire ou attribut.

Beaumarchais a dit :

Par le sort de la naissance
L'un est roi, l'autre berger.
Le hasard fit la distance,
L'esprit seul peut tout changer.
De vingt rois que l'on encense
Le trépas brise l'autel,

Et Voltaire est immortel.

On peut dire aussi :

L'un NAIT roi, l'autre berger.

Les hommes NAISSENT rois on bergers, on NAÎT poète, on naît médecin, il devien· DRA roi, etc.

Rousseau a dit : les hommes NAISSENT

BEAUMARCHAIS, Mariage de Figaro. | libres, etc.

Le complément appelé vulgairement attribut ne nous paraît pas différer beaucoup des deux autres. Qu'importe le terme apposition, interpellation,

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affirmation ou attribution, si la chose est la même, si le substantif complémentaire, quel qu'il soit, apposé, interpellé, ou attribué, ne fait réellement qu'un avec le substantif principal? Mais nous ne voulons pas trop nous éloigner du langage reçu, et nous offrons cet œuf à Esculape pour avoir l'occasion d'employer un cadre qui appelait des exemples agréables et instructifs.

SOUS-PARAGRAPHE III.

Du complément essentiel, ou régime.

Régime du verbe.

Long-temps dans notre sang Sylla s'était noyé;
II RENDIT Rome libre, et tout fut oublié.
VOLT. Mort de César, 3, 4.
Ma mort SERVIRA Rome autant qu'eût fait ma
vie. VOLT. Brut. 5, 7.

De ce sénat sacré la moitié corrompue,
AYANT acheté Rome, à César l'a vendue.

VOLT. Mort de César, 2, 4.
E, LAISSANT Rome heureuse et sans divisions,
Il ne reste au sénat qu'à juger sous quel titre
De Rome et des humains je dois être l'arbitre.
VOLT, Mort de César, 1, 3.

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Dans la première colonne Rome est le complément des verbes rendit, servira, et des adjectifs actifs ayant, laissant.

Dans la seconde colonne Rome est le complément des invariables dits prépositions d, dans et de.

Dans l'une et l'autre circonstance le complément est nécessaire, en ce qu'il est impossible de concevoir les mots rendit, servira, å, de et dans sans un substantif, tel que Rome ou tout autre qui les complète.

Dans Rome cesserait d'être Rome, Rome n'est employé qu'accidentellement; car on pourrait dire Rome cesserait d'être; ce qui ne serait point la même chose ou bien ce verbe pourrait être, comme il l'est ordinairement, suivi d'un adjectif : Rome cesserait d'être grande, d'être puissante, d'être libre, indépendante, souveraine, etc.

Mais dans les phrases des deux colonnes précédentes, rendit, etc., d et de non-seulement appèlent un mot quelconque qui les complète, mais ce mot doit être un substantif. Cette sorte de complément a donc quelque chose de particulier, et nous avons pu lui donner le nom de complément essentiel ou de régime, tandis que l'autre sorte porte celui de complément accidentel, ou de simple complément.

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Première question.

Le complément essentiel appelé régime, peut-il se subdiviser?

RÉPONSE. On a vu, dans la première colonne des citations, que Rome est régime d'un verbe ou d'un adjectif actif; ce qui répond à l'accusatif des langues qui ont des cas.

Et dans la seconde, que Rome est le régime de d, de et dans.

On distinguera donc, si l'on veut, deux sortes de régimes, le régime du modificatif actif et le régime des invariables dits prépositions; car dans notre langue tous les régimes se rapportent à ces deux-là.

Deuxième question.

On ne pourrait donc pas dire que Rome, dans donne ton sang à Rome, et dans gens qui viennent de Rome, Rome est le régime indirect de donne et de viennent.

RÉPONSE. On a voulu comparer des choses incomparables, le datif et l'ablatif des Latins, qui sont des mots revêtus de telle et de telle forme, avec des phrases. Parce qu'en notre phrase à Rome se rend par un mot, Roma, celle de Rome par le mot Româ, les uns ont prétendu que à Rome, de Rome, sont des cas, c'est-à-dire que plusieurs mots ne sont qu'un mot, que plusieurs groupes de mots ne sont que des formes d'un seul et même mot; doctrine qui n'a d'égale en absurdité que celle des verbes auxiliaires.

D'autres, feignant de reconnaître que nos substantifs n'ont point de cas, ont créé, pour remplacer ce nom, celui de régime direct et de régime indirect.

Régime est toujours pris dans un sens passif pour signifier le substantif qui est régi.

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Ainsi Rome est régime de rendit, de servira, laissant, etc.; car c'est par eux qu'il est régi ou gouverné ; c'est d'eux qu'il est dépendant.

Dans donne ton sang d Rome, Rome est régi par d, il est sous sa dépendance immédiate; c'est donc de cet invariable qu'il est complément essentiel; il ne l'est ni directement ni indirectement du verbe donne.

Troisième question.

On a dit que Rome est régime d'ayant; il semble pourtant qu'il le soit d'acheté.

RÉPONSE. Dans le second hémistiche à César l'a vendue, la construction

est :

a la (ou elle) yendue à César.

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