La, substantif relatif, est évidemment le régime de a. Qu'est-ce qu'on a? Rome. On a Rome vendue ou considérée comme vendue, et certes Rome n'est pas régime de vendue; elle est si peu régie, gouvernée par vendue, que c'est au contraire à cet adjectif qu'il fait la loi. Si acheté est aussi un adjectif passif, il ne peut non plus rien régir, rien gouverner. Rome ne peut donc être régime d'achete. Mais est-ce un adjectif passif, ou un mot actif? Dans le livre que j'ai acheté, personne ne doute que acheté ne soit un adjectif passif, qui s'accorde avec le substantif LIVRE. Si dans le vers de Voltaire, ayant acheté Rome, ACHETÉ était un mot actif, un supin, un, que sais-je? il y aurait donc deux acheté différents du tout au tout, puisque l'un serait actif et l'autre passif. Au reste, cette question tient à la grande difficulté des adjectifs dits participes; c'est là qu'elle sera traitée à fond. Première sorte de régime. 1007 Pour qu'on ne puisse pas abuser du Une traîtresse voix bien souvent vous appèle; pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. MONTESQ. Espr. des Lois. 2. Un maître nous insulte et nous nous proster- Et ce Roger, qui, d'un art délicat, tromper. VOLT. Brut. 1, 1. Ne vous pressez donc nullement. La F.8. Les consolations indiscrètes ne font qu'aigrir les grandes afflictions. J.-J. R. Heloise. 1, 2. Dans tous ces exemples, nous n'avons noté que les régimes des modificatifs actifs, arrête, prosternons, etc. Ces modificatifs sont toujours ou des verbes transitifs, ou des adjectifs actifs, dits participes présents. Aucune autre sorte de mots variables n'a dans notre langue la propriété de régir des substantifs. Nous disons mots variables; car nous avons déjà vu et nous verrons plus amplement encore que plusieurs invariables, comme à, de, dans, etc. ont aussi cette propriété. Le moraliste même a sa malignité : JOBEZ, Epitre à Palissot. Mes maximes sont belles Pour qui sait les bien pratiquer. FR. DE NEUF. 1. 5, Fab. 8. Se rappeler, signifiant rappeler à soi, c'est-à-dire à sa mémoire, exige après lui un complément; et c'est nécessairement quelqu'un ou quelque chose qu'on se rappèle. Il faut donc éviter avec soin de dire: je m'en rappèle, ou je me rappèle de cela. C'est une faute de donner à des verbes un régime que l'usage leur refuse. Il ne faut donc pas imiter La Rochefoucauld, lorsqu'il dit : «Elles ne laissent pas d'opiniàtrer 1 Car quoiqu'on dise s'opiniátrer, on ne » leurs pleurs, leurs plaintes, leurs sou- dit pas opiniátrer quelque chose. pirs. » LAROCHEP. Max. 240. Ellipse de l'adjectif, cause du régime. 1008 1009 Les auteurs sont pleins de cette sorte d'ellipses. La cause est facile à trouver lorsqu'on voit l'effet, et que cette cause a déjà été énoncée. Quelquefois l'adjectif ou le verbe causatif est sous-entendu sans avoir été précédemment exprimé. Ellipse du régime et du verbe. César envoya-t-il un cartel à Caton, C'est-à-dire, Pompée envoya-t-il un ou Pompée à César, pour tant d'affronts cartel à César, etc. Ellipse du régime seul. 1010 Quoi! vous les livreriez à ce juge implacable, L'hypocrite ose-t-il affronter le trepas? 3. Il est impossible de soupçonner, de punir, de condamner, d'interroger, etc., sans soupçonner, punir, condamner, interroger quelqu'un ou quelque chose. Ces verbes doivent avoir essentiellement un régime qui, s'il n'est exprimé, est nécessairement sous-entendu, Prétendus régimes du verbe. Sont presque tous grammairiens. J'ai fait des souverains et n'ai pas voulu l'être. Je sens que je suis curieux depuis que j'ai fait fortune et que j'ai du loisir. VOLT. Homme aux 40 écus, Je n'emploîrai jamais des moyens aussi bas. ETIENNE, Les 2 Gendres, 2, 9. Dans ces phrases eau, effets, sens, loisir, moyens, sont régimes de la préposition de. Ils sont sous son influence immédiate; ils sont donc le régime de cette préposition, et non pas celui des verbes voulez, voit, donne, etc., avec lesquels ils n'ont point de contact. Comment a-t-on pu croire que ces substantifs précédés de de, mot emprunté aux Latins qui le font toujours suivre de l'ablatif, soient le régime d'un verbe, et même le régime direct, le régime qui répond à l'accusatif des Latins. Quel est donc, dans ces phrases et autres semblables, le régime du verbe ? C'est un substantif sous-entendu, tel que partie, quantité, etc. Voulez-vous du pain? c'est-à-dire voulez-vous une partie, peu ou beaucoup de pain? On voit de grands effets, c'est-à-dire on voit quantité, nombre de grands effets. Nous disons avec deux sens bien différents : Donnez-moi du pain donnez-moi le pain. Ici la langue latine, qui ne peint souvent qu'à grands traits, négligeant les nuances, traduit nos deux phrases par une seule, da mihi panem. Mais peut-on conclure de là que du pain signifie le pain, c'est-à-dire que la partie et le tout soient la même chose? Si les Latins voulaient traduire fidèlement donne-moi du pain, ils diraient da mihi de pane, et, comme nous, ils feraient comprendre qu'ils veulent, non pas tout le pain, mais une partie de cette substance. SECONDE SORTE DE RÉGIME, Ou régime des prépositions, vulgairement appelées datif, ablatif, etc. Prétendu datif. 1012 Qui va répondre à Dieu parle aux hommes | Je donne à Décimus la Grèce et la Lycie, sans peur. A Marcellus le Pont, à Casca la Syrie. Qu'importe à ma patric, aux Romains que | Tout homme à son état doit plier son courage. ments. VOLT. Mort de César, 1, 2. yeux; Parce que les Latins traduisent quelquefois par le datif notre périphrase à Dieu, aux hommes, etc., des grammairiens qui veulent par-tout voir dans le français ce qu'ils ont vu dans le latin, trouvent aussi un datif dans notre langue, ou un régime indirect. Mais cette doctrine ne peut supporter l'analyse. Car à répond à l'ad des Latins, qui est toujours suivi d'un accusatif; à comme ad régit le substantif qui le suit; et à dieu, à toi, etc., n'est pas plus un seul mot, ou un cas que ad deum, ad te. Or, jamais at-on dit que ad deum fût le régime d'un verbe? Substantifs régis. Monsieur, il ne faut pas trouver étrange que nous venions à vous; les habiles gens sont toujours recherchés. MoL. Méd. malgré lui. 1, 6. Mars. VOLT. Henriade, Chant 3. Infinitifs régis. Mon Dieu! comme ou s'accoutume aisément à être riche; il n'est pas si facile de s'accoutumer à élre pauvre. PICARD, Les Marionn. 1, 7. Il se tue à rimer, que n'écrit-il en prose! Voilà ce que l'on dit, et que dis-je autre chose? BOIL. Sat. 9. Jamais jeune garçon n'aspira de luimême à être tailleur! Il faut de l'art pour porter à ce métier de femme le sexe pour lequel il n'est pas fait. J.-J. R. Emil. 5. Il y a du plaisir à réfuter des gens qui n'osent parler. J.-J. R. Emil. 3. Dans les exemples suivants à est sans régime exprimé. A des bœufs mugissants l'Egypte rend homma- ¡A de moindres faveurs les malheureux pretenge. RAC. Fils. dent; A de plus hauts partis Rodrigue doit prétendre. Seigneur, c'est un exil que mes pleurs vous demandent. Rac. Androm. 1, 4. CORN. Le Cid. 1, 6. L'Egypte rend hommage à...... des bœufs mugissants, c'est-à-dire.... à une partie des boeufs mugissants; car elle n'adore pas tous les bœufs mugissants, mais une partie de ces bœufs. A ne peut être conçu sans un substantif qui le suive, et qui marque le but où l'on tend. De, au contraire, désigne le rapport opposé. 1013 QUESTIONS DIFFICILES A RÉSOUDRE, Si quelquefois les substantifs relatifs ne sont pas réellement au datif. Bien certainement les groupes de la seconde colonne à moi, à toi, à lui, à soi, à nous, à vous, à eux, ne sont pas des cas; mais me, te, se, leur de la première sont beaucoup plus difficiles à juger. D'abord lui, nous et vous sont des formes qui remplissent toutes les fonctions, que les Latins expriment par des cas; ne sont donc pas des cas formels. On cherche les rieurs, et moi, je les évite. Rica et moi sommes peut-être les pre miers Persans que l'envie de savoir ait fait sortir de leur pays. MONTESQ. 1 Lettre pers. Moi, je voulais partir aux dépens de ses jours! Il est encore évident que moi, de même que les substantifs absolus homme, Léopold, etc., peut se trouver dans toutes les positions que les Latins représentent par des cas. Il n'est donc pas un cas. Quand on l'emploie sans préposition comme dans dites-moi, c'est la position seule et la phrase dans laquelle il se trouve qui font connaître qu'il y a ellipse de la préposition; dites-moi est donc pour dites à moi. Aussi, lorsqu'on vent attirer davantage l'attention, rétablit-on l'ellipse, et dit-on parlez à moi. On doit appliquer le même raisonnement à nous et vous. Mais me, te, se, sont des formes des substantifs moi, toi, soi, et ils |