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DEPUIS

LA FIN DU RÈGNE D'AUGUSTE

JUSQU'A TRAJAN.

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Longtemps on a cru que toute la littérature digne d'étude était contenue dans trois grandes époques Périclès, : Auguste, Louis XIV.

L'admiration s'est concentrée exclusivement sur elles. Puis est venue une époque d'inévitable réaction. On s'est aperçu que l'intelligence humaine n'avait pas été casée ainsi en laps de temps arrêtés; qu'elle avait répandu les flots de sa parole sur plus de siècles et de contrées. Alors on s'est révolté contre les trois siècles admirés ; il y a eu passion violente, colère aveugle; on a ri des trois grands foyers de lumière. On a dit : « C'est beau, mais

c'est froid. » Puis l'enthousiasme pour tout ce qui portait un caractère d'étrangeté et d'absence d'art est allé jusqu'au délire. On a recherché avec une infatigable patience tous les monuments nationaux de la poésie; les chants populaires, le plus souvent informes et sans charme quand ils sont dépouillés de leur musique, ont été mis au jour et salués comme des chefs-d'œuvre. Toute cette fièvre commence à s'apaiser; parmi les débris exhumés, peu de choses vraiment remarquables ont été produites. Sans doute toutes ces poésies nationales peuvent être très curieuses comme documents historiques; par elles se révèlent certaines parties de la vie d'un peuple, ses mœurs, ses coutumes, les détails de son culte ; mais, comme objet d'art, leur lecture exige souvent de véritables efforts. Les chants populaires de la Grèce sont bien loin d'Homère; ceux du Nord, de Spencer, de Shakspeare et de Scott; ceux de la Provence et de l'Italie, du merveilleux poème d'Arioste. Il n'y a que les romances espagnoles, si habilement imitées par M. E. Deschamps, qui nous aient paru dignes de la gloire qu'on leur a faite.

Les hommes sérieux commencent à voir que le genre humain ne s'était pas trompé dans son admiration; l'histoire littéraire n'avait commis que peu d'injustices vraiment énormes. Telles sont celles qui regardent la grande période italienne de Dante, Boccace et Pétrarque, et l'époque anglaise de Shak

speare. Notre examen de Calderon n'est pas encore assez patient, assez éclairé, pour que nous assurions ici qu'il y a eu engouement chez quelques-uns; toutefois nous en avons le pressentiment, comme nous pensons que l'admiration pour Dante a eu dernièrement toute l'ardeur aveugle de la mode, et que le culte de beaucoup pour Shakspeare n'est pas basé sur une religion bien consciencieuse, quelles que soient les sublimes et profondes qualités de ce rare génie1.

Quant à la littérature romaine, il n'y a pas moyen de condamner la vieille croyance du monde, le siècle d'Auguste est bien le grand siècle littéraire de Rome. Virgile et Horace sont bien les grands poètes du peuple-roi. Leur supériorité immense est incontestable.

Peut-être devrions-nous terminer ici ce second volume et ne pas commencer l'histoire littéraire de la décadence. Car vers l'Orient, aux régions saintes qui furent le berceau de la pensée, une parole s'est fait entendre, douce et d'une naïveté inouïe, mais d'une profondeur et d'une sublimité plus étonnantes encore, si elle ne découlait des lèvres divines; parole dont il ne faudrait parler qu'à genoux, et devant laquelle nous nous arrêterons avec adoration et amour, au commencement de notre livre sur la littérature chrétienne. Nous nous

1 Écrit en 1835.

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