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HISTORIENS

SOUS LA RÉPUBLIQUE.

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«Dans la paix et dans la guerre les mœurs étaient sévères. Partout l'union la plus grande, l'avarice inconnue, le juste et le bon avaient de la force plus encore par la nature que par les lois. Ils faisaient payer aux ennemis leurs querelles et leurs discordes; mais avec les citoyens, les citoyens ne luttaient que de vertus. Ils étaient magnifiques dans le culte des dieux, économes au foyer domestique, fidèles à leurs amis. Par ces qualités, par leur audace, ils servaient à la fois leur cause et celle de la république; la paix naissait de la justice. »

Tel est le tableau que Salluste trace des aïeux de

1 Né 85 ans avant J.-C.

2 98 ans avant J.-C.

ces Romains corrompus parmi lesquels s'est écoulée sa jeunesse, et dont, s'il faut croire les biographes, il avait partagé toutes les souillures. Il est curieux de mettre en regard les lignes du même historien sur ses contemporains.

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Quand ils commencèrent à honorer la richesse, quand la gloire, l'empire, le pouvoir la suivirent, on rougit de la vertu, on eut honte de la pauvreté l'innocence fut traitée de factieuse. Avec l'or, la luxure, l'avarice et l'orgueil s'emparèrent de la jeunesse..... »

Au milieu de toute cette corruption un homme se fit remarquer par ses débauches, ses crimes et par l'audace de son caractère; Catilina domina toutes ces têtes ridées par le vice. Il agita la grande cité en remuant toutes les passions de la populace. Ce fut un factieux digne de poser devant le sombre peintre dont nous allons examiner l'œuvre. Salluste avait été dès vingt ans mêlé aux hommes politiques de son époque. Il avait connu Catilina, César, Crassus, Cicéron, Clodius; son ambition froissée l'avait rejeté dans la solitude, et là, fatigué des âpres voluptés de sa première jeunesse et de toutes les sales intrigues de la politique, il se fit austère, au moins dans ses écrits, et raconta ses souvenirs aux hommes.

Il n'y a pas de peintre plus énergique que Salluste; Tacite est plus profond, mais ses tableaux n'ont pas plus de coloris et de relief. Il affectionne

surtout le portrait; au début de son livre, il trace ainsi celui de l'homme qui est la première figure de sa composition :

«< Lucius Catilina, d'une naissance noble, fut doué d'une grande force d'âme et de corps, mais d'un génie méchant et dépravé. Dès son adolescence, ses plaisirs furent la guerre intestine, les meurtres, les rapines, la discorde civile; tels furent les exercices de sa jeunesse. Son corps supportait à un degré incroyable la faim, le froid, les veilles. Esprit audacieux, rusé, mobile, feignant et dissimulant toute chose, ambitieux de ce qui n'était pas à lui, prodigue du sien, ardent au plaisir, assez éloquent quoique peu instruit. Son imagination vaste désirait des choses sans bornes, incroyables, toujours trop hautes. »

Tel était cet homme qui avait rempli la ville du bruit de ses criminelles amours avec une vestale, et avec tant d'autres femmes nobles. Voilà ce héros qui voulait, disait-il, combattre pour les intérêts du peuple! De nos jours, on s'est pris d'une belle passion pour détruire l'histoire. Après avoir douté, souvent avec raison, d'une foule de faits historiques, qui avaient été crus jusqu'alors sans difficulté, il a fallu leur substituer d'autres faits, ou du moins en changer la nature ou le but. Par exemple, un écrivain demandait, il y a peu de temps, quel était le but de la conjuration de Catilina, qui, disait-il, ne déplaisait pas à César. Voudrait-on par hasard

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