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lon la coutume. Il y en avait un qui disait qu'il viendrait une guerre dorique accompagnée de la peste ou de la famine; car l'ambiguité de la prononciation du mot grec souffre les deux interprétations; mais l'expérience faisait conclure en faveur de la première. Je ne doute point pourtant que s'il arrivait quelque autre guerre dorique qui apportât la famine, la dernière alors ne prévalût. On alléguait aussi l'oracle rendu aux Lacédémoniens: que la victoire serait pour eux s'ils faisaient bien leur devoir, et qu'Apollon les assisterait, et l'on croyait qu'il aurait son accomplissement comme l'autre. Du reste, la maladie, qui avait commencé justement à la venue des ennemis, ne ravagea que peu ou point le Péloponnèse ; mais elle fut, comme j'ai dit, très violente à Athènes, et dans tout le reste du pays à proportion.

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Ce morceau offre le caractère le plus distinctif de Thucydide, l'observation rigoureuse des faits, un air de réalité, toujours bien rare, même dans les grands artistes.

La mort surprit Thucydide avant l'accomplissement de son œuvre. Un élève de Socrate, Xénophon, publia les manuscrits du grand historien, puis il se mit à continuer ces annales, qu'il conduisit jusqu'à la bataille de Mantinée. On dit que les Grecs donnèrent à Xénophon le titre d'abeille grecque et de muse athénienne; mais il faut peutêtre plutôt attribuer ces louanges à l'auteur des

dialogues philosophiques, dans lesquels il nous a conservé les paroles de Socrate, qu'à l'historien qui continua Thucydide. En effet, cette suite est loin des livres qui la précèdent. M. Letronne, dans son savant article de la Biographie universelle, s'exprime ainsi à ce sujet: «Les évènements y sont présentés avec ordre; la narration en est rapide, mais presque partout sèche, dénuée de couleur et de développement, rarement mêlée, comme dans Thucydide, de ces réflexions qui éclairent sur les causes et les conséquences des évènements, de ces vues profondes qui annoncent dans l'historien la faculté de généraliser les faits, talent que Thucydide possédait à un si haut degré. » L'écrivain grec publia son livre sous le titre des Helléniques. L'autre ouvrage historique de cet auteur, l'Anabase, contient toute l'histoire de l'expédition des Grecs à la suite de Cyrus le jeune, et de leur retraite après sa mort, jusqu'au moment où Xénophon eut amené ses troupes à Thymbron, ce qui comprend un intervalle de deux ans. On peut le diviser en deux parties: la première comprend la marche de Cyrus, la bataille de Cunaxa, et la retraite des Grecs à travers la Babylonie, l'Assyrie et l'Arménie, jusqu'à leur arrivée à Cotyose sur les bords du Pont-Euxin; intervalle de quinze mois qui forme le sujet des quatre premiers livres ; la seconde partie se termine à la jonction des troupes avec l'armée de Thymbron, et comprend

un intervalle d'environ huit mois. Ces deux parties de l'ouvrage ne sont ni d'un égal intérêt, ni peutêtre d'un égal mérite. La seconde est naturellement moins attachante que la première, où l'intérêt croît à chaque page en faveur de cette armée qui se fraie une route à travers les obstacles de tout genre qui entravent sa marche et compromettent son existence on peut ajouter aussi qu'outre la moindre importance des faits, la narration, dans la seconde partie, se traîne davantage sur des détails d'un médiocre intérêt. Ce n'en est pas moins, dans son ensemble, un morceau à peu près achevé qui renferme de curieux détails sur la géographie des contrées que l'armée avait parcourues, et de précieux documents pour l'art militaire1. »

Voilà, avec la vie d'Agésilas, tout ce que Xénophon a laissé de travaux historiques. Car la Cyropédie a été justement classée parmi les romans de philosophie morale et de haute politique dans le genre du Télémaque de Fénélon.

Xénophon est plus religieux que Thucydide et moins sombre qu'Hérodote, qui aime à représenter la divinité comme châtiant sévèrement les nations de leurs crimes. Thucydide s'occupe assez peu de Dieu. Il fait l'homme grand, gouvernant les choses humaines par son génie, les dominant les dominant par l'énergie de son caractère; encore une fois il est le plus

LETRONNE, lieu cité.

198 HISTOIRE DES LETTRES AVANT LE CHRISTIANISME.

Grec des trois. Il y eut autrefois dans la Grèce, avant Jésus-Christ, quelques centaines d'historiens; trois ou quatre sont parvenus à la postérité dans toute leur gloire. Il ne nous reste de Strabon qu'une Géographie, dont l'examen n'entre pas plus dans notre plan que celui des écrits de Polybe, cet écrivain militaire que le plus grand stratégiste moderne regrettait tant sur son rocher solitaire.

Diodore de Sicile, né à Argyre, vécut sous Jules César et sous Auguste. Il passa trente années à composer son Histoire universelle, fruit de ses voyages et de curieuses recherches faites pendant son séjour à Rome. Cet écrivain ne peut être placé sur la même ligne que les grands maîtres; mais les quinze livres qui nous restent de son ouvrage sont pleins de détails intéressants, au milieu de réclts fabuleux. Les historiens modernes citent souvent Diodore pour tout ce qui concerne les peuples de l'Orient et de la Grèce.

X

Démosthènes 1.

Si la Grèce a donné la philosophie au genre humain, elle lui a aussi donné l'éloquence de l'homme d'État, du tribun. Avant elle, ce genre n'aurait pu naître; car dans la civilisation orientale, où le despotisme était le gouvernement normal, il n'y avait pas de place pour l'orateur populaire. Rien ne peut donner une idée de la puissance énorme qu'exerçait à Athènes la voix du tribun que le peuple avait adopté. Sans doute, en des temps orageux, pendant notre première révolution, on a vu

Né 385 ans avant J.-C.

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