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de notre propre aveu, formulé le dogme de cette manière. Nous ne comprenons rien à cette objection. Nous la comprendrions si nous avions avancé que tous les Pères absolument avaient toujours retenu tous les éléments essentiels de la vérité chrétienne. Bien loin d'avoir avancé rien de pareil, nous avons dit juste le contraire. Nous avons voulu simplement montrer le mal fondé de cette affirmation péremptoire, répétée à plusieurs reprises par M. de Pressensé, savoir, que « la notion d'une rançon sanglante directement payée à Dieu est entièrement étrangère à toute l'antiquité chrétienne, » et nous croyons, malgré tout, que notre démonstration demeure. Il n'est pas nécessaire, en effet, pour établir la foi constante et universelle de l'Eglise sur un point, de fournir la preuve qu'aucun docteur n'a jamais professé d'idées contraires; il suffit de prouver que cette foi a eu des représentants à tous les âges et dans toutes les grandes fractions de l'Eglise, et qu'il y a une chaîne non interrompue de témoignages qu'on peut invoquer en sa faveur. Autrement, il n'est pas un seul article de la foi chrétienne dont on pût dire qu'il a fait partie de la foi de l'Eglise universelle. M. de Pressensé n'ignore pas que le mérite des œuvres se trouve dans Hermas, dans Origène, dans Tertullien et dans bien d'autres Pères encore. En conclura-t-il que c'est là aussi un point qui <«< rentre dans le mouvement varié des explications théologiques? » Et, sans sortir du sujet qui nous occupe, M. de Pressensé place en dehors de la foi chrétienne toute doctrine qui ne retient pas l'objectivité du salut, qui n'affirme pas que le sacrifice de JésusChrist a transformé la relation de Dieu à notre égard. Or, il ne trouvera rien de semblable chez Lactance. Clément d'Alexandrie lui-même, sauf quelques rares passages où il se fait l'écho et peut-être l'écho inconscient de la foi générale de l'Eglise, réduit l'office de Jésus-Christ à celui d'un simple révélateur. Est-ce à dire que l'objectivité du salut ne fait pas partie du trésor de l'Eglise, et qu'il faut la ranger parmi les questions qui rentrent dans la variété des explications théologiques ? Non, M. de Pres

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sensé, pas plus que nous, ne souscrit à cette conclusion. Pourquoi? Parce qu'il suffit, non pas que tous les docteurs de l'Eglise, mais que l'Eglise elle-même, dans tous les temps, ait cru à cette objectivité et qu'on en puisse retrouver des traces non équivoques, pour établir qu'elle appartient à la grande catholicité évangélique. Nous demandons qu'on se souvienne de la même règle quand il s'agit de l'expiation, et notre conclusion, bien loin d'en être ébranlée, en recevra une pleine confirmation.

Note C (p. 140).

On insiste et l'on cite à tout propos la page de Vinet où il reproche au Réveil son antinomisme. Dans cette page Vinet signale il est vrai, « l'antinomisme comme une des faiblesses du Réveil et comme l'un des défauts de la prédication du Réveil ; » il y affirme que la repentance est «< une condition du salut, que le salut n'est offert dans l'Evangile qu'à la repentance, et que la foi ne sauve qu'en tant qu'elle implique ou qu'elle produit la repentance; » mais en quoi cela établit-il, je vous prie, que Vinet ait répudié la théologie du Réveil ? Ne peut-on relever des lacunes, des imperfections dans une Eglise, dans une école, dans une tendance théologique à laquelle on appartient, sans rompre avec cette tendance, avec cette école, avec cette Eglise? Quoi! parce que j'aurai dit que les Français sont vaniteux, légers, je ne serai plus Français, j'aurai renié mon pays! Parce que M. de Pressensé aura dénoncé les misères, les désordres, les défaillances du protestantisme et des Eglises libres en particulier, M. de Pressensé devra être accusé de passer au catholicisme, de déserter la bannière de l'indépendance pour se ranger au régime des concordats! N'avions-nous pas raison de dire que cette manière d'argumenter n'est pas sérieuse?

Mais Vinet a présenté la repentance comme une condition de salut, et le Réveil pas !...

En êtes-vous bien sûr ?

J'ouvre au hasard la littérature du Réveil, et voici ce que je lis dans un Commentaire sur le livre des Psaumes, traduit de l'anglais de Matt. Henry et de Th. Scott et publié en 1839 par la Société des Livres religieux de Toulouse: « Quoique la repentance et la confession ne méritent pas le pardon des péchés, elles sont toutefois indispensables pour que nous jouissions vraiment de cette grâce. En cela se montrent toute la sagesse et toute la bonté de ce décret qui attache la manifestation de la miséricorde divine à notre égard, aux larmes de la repentance et à une humble confession de nos fautes » (Tom. I, p. 233).

« Le salut n'est point sans condition, » écrit M. le professeur Jalaguier. « En appelant les hommes à la foi, l'Evangile les appelle aussi à la repentance. » Matt. IX, 13; Marc I, 15; Act. XX, 21. (Revue théologique, tom. II, p. 369.)

<«< La foi, dit-il encore (p. 406), renouvelle le cœur ; elle est la semence de la sanctification, la racine de la vie spirituelle, la source de la charité; la foi qui ne régénère pas ne justific pas non plus; elle n'est point la foi évangélique. La véritable soi est indissolublement liée à la repentance et à l'obéissance; car, d'un côté, elle suppose un vif sentiment du péché et un ardent désir du pardon; d'un autre côté, nous unissant à Christ elle a pour tendance et pour effet nécessaires de nous pénétrer des sentiments qui étaient en lui. »

« On peut objecter, lisons-nous aussi daus les Essais de Th. Scott, que les Ecritures parlent fréquemment de la repentance, de la conversion, de la charité, de l'obéissance, de l'observation des commandements de Dieu et du pardon des ennemis, comme de choses absolument nécessaires pour que nous soyons acceptés de Dieu et pour que nous soyons admis à jouir de l'héritage céleste. Comment cela s'accorde-t-il avec la justification par la foi seulement ? Il n'est pas douteux que toutes ces dispo

sitions sont nécessaires. Sans elles, il n'y a même point de salut pour ceux du moins qui ont eu le temps et l'occasion d'exercer ces vertus, et tout homme en qui elles se trouvent ne saurait être exclu du ciel. Ce sont là « des choses convenables au salut, » puisqu'elles préparent le cœur à recevoir Jésus par la foi, ou qu'elles servent à prouver qu'on l'a déjà reçu. Cependant Christ lui-même est tout notre salut. C'est par la foi seule que nous le recevons et que nous nous approprions ses grâces, non point en croyant sans preuves que Christ nous appartient, mais en nous attachant à lui, suivant la parole de Dieu, afin que, de cette manière, il puisse nous appartenir» (T. I, p. 325).

La nécessité de la repentance était donc pleinement reconnue par les hommes du Réveil comme par Vinet lui-même. Ce qu'ils n'admettaient pas, ce que Vinet n'admettait pas plus qu'eux, c'est que la repentance et les autres éléments du christianisme pratique qui sont inséparables de la foi, entrent pour une part quelconque dans l'acte de notre justification.

« Les deux grandes conditions évangéliques sont la foi et la régénération. Elles sont absolument exigées l'une et l'autre ; celui qui refuse de s'amender demeure sous la condamnation aussi bien que celui qui refuse de croire. Sous ce rapport, la foi et la régénération s'offrent comme absolument indispensables et semblent se placer sur la même ligne. Mais au point de vue particulier de la justification, la foi devient condition fondamentale et même condition unique; non-seulement elle s'élève au-dessus des autres éléments de la vie chrétienne, mais elle s'en sépare et se montre seule c'est qu'elle est condition à un autre titre que la conversion, la sanctification ou les œuvres; ou, pour mieux dire, elle est plus que condition, elle est moyen. Elle l'est, non par sa valeur intrinsèque, mais en tant que reconnaissant l'entière impossibilité du salut par les œuvres de la loi, elle s'élève, se soumet, s'attache à la dispensation de grâce, dont elle saisit et s'applique les promesses. Elle devient cause occasionnelle ou instrumentale de la justification, parce qu'elle en fait agir

sur l'âme la cause méritoire, savoir Christ et Christ crucifié; et, dans cet acte, elle paraît seule, se dépouillant en quelque sorte des sentiments et des faits moraux qui la précèdent, l'accompagnent ou la suivent, et qui, jugés à la rigueur, laisseraient encore exposé à la colère à venir; elle renonce à tout ce qui est de l'homme, et par cela même défectueux et impur sous mille rapports, pour ne regarder qu'au don de la miséricorde; elle se repose uniquement sur celui qui nous a été fait, de la part de Dieu, sagesse, justice, sanctification et rédemption » (Jalaguier, Revue théologique, tom. II, p. 372).

En réalité, la notion de la foi que la théologie nouvelle nous présente comme un progrès n'est qu'un retour au passé, une vieille erreur que nos réformateurs ont combattue: Calvin, plusieurs fois dans son Institution, et Mélanchthon dans son Argument sur l'épitre aux Romains « Alii hoc modo depravant, dit-il, fide, id est interiori cultu non externis operibus, justi sumus.» C'est la même notion qu'ont professée la plupart des rationalistes, quoiqu'il soit juste de reconnaître qu'elle a été adoptée aussi par des hommes d'une piété réelle et d'un christianisme vivant. «< Dogmatis de justificatione Summa, dit Wegsheider..., ad hanc sententiam simplicem revocari potest : homines non singulis quibusdam recte factis operibusque operatis, nec propter meritum quoddam iis attribuendum, sed sola vera fide, id est animo ad Christi exemplum ejusdemque præcepta composito et ad Deum et sanctissimum et benignissimum converso, ita ut omnia cogitata et facta ad Deum ejusque voluntatem sanctissimam pie referant, Deo vere probantur et benevolentiæ Dei confisi spe beatitatis futuræ pro dignitate ipsorum morali iis concedendæ certissima imbuuntur » (Institutiones theologiæ Christianæ dogmaticæ. Pars. III, cap. 1, § 455).

- Mais, poursuit-on encore, Vinet n'a-t-il pas présenté la foi comme une œuvre?

Sans doute il l'a présentée comme telle, et nous n'éprouvons aucun embarras à citer ici ses propres paroles : « Résumons

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