Page images
PDF
EPUB

TENIR

Notre Revue termine avec cette copieuse livraison sa quatrième année. Ce succès est dû à ceux qui ont bien voulu encourager l'œuvre que nos collaborateurs ont édifiée.

Publier des travaux inédits sur les questions d'ordre technique et sur les problèmes que pose l'actualité économique, tel a été notre objet. Nous n'avons pas voulu nous en écarter. L'heure que nous vivons, la gravité des événements qui menacent de nous dominer, la nécessité impérieuse d'éprouver, de parfaire et d'organiser toutes nos forces, voilà autant de raisons qui nous ordonnent de tenir.

Née pendant la guerre, la Revue a subsisté au sein de difficultés sérieuses et sans cesse accrues. Nous avons subi la hausse du papier et le contre-coup de l'augmentation des frais de main-d'œuvre. Le chiffre de nos dépenses a grossi de 85 p. 100. Les quatre années que nous avons traversées sans apporter de modification aux conditions de l'abonnement sont la preuve de notre volonté très arrêtée de ne pas alourdir sans nécessité la contribution exigée de nos lecteurs.

Il nous faut aujourd'hui céder devant la réalité. Les administrateurs de la Revue ont été forcés de porter à trois dollars le prix de l'abonnement annuel. Il eut été impossible sans cela de mener à bien l'œuvre commencée. Nous osons espérer que ceux qui s'intéressent à la Revue voudront bien lui rester fidèles. Nous nous permettons même de solliciter plus particulièrement ceux de nos abonnés qui pourraient nous aider, soit en nous faisant parvenir une plus forte somme comme quelques-uns ont bien voulu nous le proposer soit en recueillant quelques abonnements, soit en obtenant pour nous des contrats d'annonce.

[ocr errors]

Nous comptons sur cette bienveillante collaboration de nos lecteurs. En retour, ils peuvent être assurés que nous mettrons toute notre énergie à poursuivre la tâche que nous avons assumée de maintenir, au Canada français, une Revue scientifique qui répande chez nous et qui porte à l'étranger l'expression d'une pensée.

LA RÉDACTION.

SIR WILFRID LAURIER

Au moment de donner le bon à tirer de cette livraison, la douloureuse nouvelle de la mort de Sir Wilfrid Laurier nous atteint.

Il voulut bien être un ami de notre Revue. Dès le début, il nous apporta l'appui de son grand nom. Lorsque nous lui avons demandé de publier les pages remarquables que son expérience lui avait inspirées sur l'importante question du Fédéralisme, il nous répondit avec une condescendance qui nous fut un réconfort. Il écrivait, à cette occasion, à M. Léon Mercier Gouin, secrétaire de la Rédaction: « Quant à votre Revue, elle est incontestablement ce que nous avons et ce que nous avons eu de mieux jusqu'ici. » D'autres allusions nous ont été, en maintes circonstances, le signe de sa constante sympathie.

Nous avons demandé à un de ceux qui l'ont suivi dans sa merveilleuse carrière politique d'exprimer ici même la pensée de son œuvre. Nous ne voulons aujourd'hui que redire à sa mémoire notre reconnaissance profondément affligée.

LA RÉDACTION.

Revue Trimestrielle
Canadienne

MAI 1918

SIX JOURS À BERKELEY

Un nom français est à l'origine de l'Université de Californie. En 1853, le révérend Henry Durant, diplômé de Yale University, fondait, à Oakland, la Contra Costa Academy qui devint, deux ans plus tard, le College of California. Il y eut, à l'ouverture des cours, huit inscriptions. C'était en 1860. Cette même année, le collège reçut à titre de donation un terrain de cent soixante âcres situé un peu plus au nord de la ville, à un endroit qui porte, depuis 1866, le nom de Berkeley.

Ce n'était là qu'une institution secondaire; mais cette première initiative devait conduire à l'établissement d'une université, dont la création était, d'ailleurs, prévue et facilitée par des dispositions formelles de la Constitution de 1849. En 1862, le Morrill Act fut voté par le Congrès américain dans le but de répandre aux ÉtatsUnis l'enseignement de l'agriculture et de la mécanique. En vertu de cette loi, des terres devaient être distribuées aux différents Etats qui jugeraient à propos d'organiser des écoles professionnelles de ce genre. La Californie se fit concéder, de ce chef, une étendue de cent cinquante mille acres. Immédiatement la fondation d'une école d'Agriculture, des Mines et des Arts mécaniques fut décidée. Puis il parut que l'on pouvait donner plus d'ampleur au projet. Le Collège offrait de céder tous ses biens à l'État à la condition que fut constituée une université réunissant une école des Mines, une école de Génie civil, une école d'Arts mécaniques, une école d'Agriculture et une faculté ou, plutôt, une section ou collège des Lettres.

L'Etat accepta cette proposition et, le 23 mars 1868, le gouverneur H. H. Haight signait la charte de l'Université de Californie. 1

En cinquante ans, l'Université s'est prodigieusement développée à l'américaine. Elle est installée à Berkeley, depuis 1873, face à la baie de San-Francisco et à la célèbre Porte d'Or où il arrive, certains jours de l'année, que le soleil sorte triomphalement de l'horizon; à l'ombre des eucalyptus géants dont les ciceroni nous disent les migrations depuis le sol de l'Australie, arbres élégants et droits qui gardent, pendant l'hiver, leurs feuilles longues et fines et cèdent, par lambeaux flexibles, leur écorce grisâtre : ce qui prête à des manifestations d'un goût douteux de la part des entrepreneurs en vols d'oiseau; au milieu des chênes tordus, qui semblent de vieux savants, maigres et secs, mais robustes et obstinés; près des innombrables palmiers, qui sont ici des accessoires de théâtre, et, là-bas, des choses vivantes, vigoureusement plantées dans la terre, portant, au bout d'un corps dénudé, une tête éperdue; dans ce décor si souvent décrit, qui rappelait au sénateur d'Estournelles de Constant la paix de la Côte d'Azur 2 et à M. André Siegfried, d'ordinaire assez calme, les chauds reflets de l'Andalousie3: grand circuit classique des voyages de noces cossus, suprême snobisme du milliardaire en retraite, apaisante harmonie d'une cité intellectuelle.

4

Des premiers bâtiments en bois, assez semblables à ceux de l'Université de la Colombie-Britannique, bâtie en plein Vancouver à côté d'un hôpital de contagieux, il ne subsiste guère, aujourd'hui, que quelques types pauvres qui disparaîtront dès le prochain million. Des édifices en brique, celui, notamment, où se donnent encore des cours de chimie, marquent la seconde étape du progrès. Puis viennent les monuments récents, par quoi l'Université entre dans le définitif. Ils sont de granit ou de marbre blanc. Les toits sont faits de tuiles rouges. L'architecture est remarquable, sobre de lignes, disciplinée, sans rien qui rappelle l'horrible de certaines constructions américaines. On en retient à la fois une impression de richesse et de bon goût : ce qui est bien, croyons-nous, une des choses les plus difficiles à réaliser. Il est juste d'ajouter que les plans furent soumis à un double concours, dont l'un eut lieu à Anvers et l'autre à San-Francisco; et que le premier prix fut

p. 38.

1 University of California Register, 1915-1916. General Statement: History. 2 Les Etats-Unis d'Amérique.

Deux mois en Amérique du Nord.

Maurice Caullery: Les universités et la vie scientifique aux États-Unis,

attribué à un Français, M. Emile Bénard. La mise à exécution fut poursuivie méthodiquement, avec le concours de l'État et grâce à l'ardente générosité des amis de l'Université. On construisit d'abord le fameux Théâtre grec, au flanc de la colline qui forme l'arrière-plan du merveilleux campus. Dix mille personnes peuvent y prendre place sur des gradins échelonnés au grand soleil de Californie. C'est là que les fêtes universitaires ont lieu, les représentations dramatiques, les collations de titres. Des chaises curules, dédiées à d'anciens professeurs, ornent l'orchestra. Ce théâtre fut donné à l'Université par William Randolph Hearst. On chuchote qu'il fut commencé à l'occasion d'une campagne électorale. La campagne tourna mal, le théâtre aussi : il est inachevé. Il garde cela de classique, avec le reste. Le California Hall, où loge l'administration générale, fut ensuite érigé par l'État. Le Hearst Memorial Mining Building fut inauguré en 1907. La bibliothèque — the University Library - fut terminée en 1911. Elle est due à la libéralité de M. Charles Franklin Doe. Elle possède plus de 300,000 volumes. On y remarque la collection du libraire historien Hubert Howe Bancroft, qui fut achetée par l'Université « pour la modeste somme de cent cinquante mille dollars» 2 alors qu'elle en vaut bien le triple et quelque chose en plus, et qui compte deux cent mille manuscrits; la collection Weinhold sur la philologie germanique; la French Thought Library,3 don du gouvernement français, où sont réunis les ouvrages que la France disposa dans la « salle de la Pensée française » lors de l'exposition Panama-Pacifique, en 1915. Les publications périodiques que contient la bibliothèque de Berkeley sont au nombre de six mille. Un système de classification permet de référer, au moyen de fiches spéciales, aux grandes bibliothèques de Washington, de Chicago, de Harvard et de Berlin. Une donation de Mme John H. Boalt et une souscription prélevée parmi les avocats de la Californie ont permis d'ériger le Boalt Memorial Hall of Law, inauguré en 1912. Deux édifices, le Agriculture Hall et le Hilgard Hall sont réservés à l'enseignement agricole. Le Hilgard Hall, le Wheeler Hall, qui porte le nom du président actuel de l'Université et où sont aménagées de vastes salles de cours et un somptueux amphithéâtre, le Gilman Hall, dont l'ouverture officielle a eu lieu pendant les fêtes du cinquantenaire et qui

1 University of California Register.-General Statement: History, p. 47. 2 The Semicentenary: Calendar of the week and guide to Activities, p. 26. The University of California Chronicle: The dedication of the Library of French Thought, livraison d'octobre 1917.

« PreviousContinue »