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sentir les défauts, il sera pour vous un Arisi turque (1).

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Thersite fut le plus mal fait, le plus lâche, le plus ridicule de tous les Grecs : Homère a rendu les défauts de ce Grec si célèbres et si connus que les anciens ont souvent dit un Thersite pour un homme difforme, pour un homme méprisable. C'est dans ce dernier sens que M. de la Bruyère a dit « Jettez-moi dans les troupes comme un « simple soldat, je suis Thersite; mettez-moi à «la tête d'une armée dont j'ai à répondre à toute « l'Europe, je suis Achille ».

:

Edipe, célèbre dans les temps fabuleux pour avoir deviné l'enigme du Sphinx, a donné lieu à ce mot de Térence, Davus sum, non @dipus.

Je suis Dave, monsieur, et ne suis pas Edipe.

C'est à dire, je ne sais point deviner les discours énigmatiques. Dans notre Andrienne française on a traduit,

Je suis Dave, monsieur, et ne suis pas devin.

Ce qui fait perdre l'agrément et la justesse de l'opposition entre Dave et dipe: Je suis Dave, donc je ne suis pas lipe, la conclusion est juste; au lieu que, je suis Dave, donc je ne suis pas devin, la conséquence n'est pas bien tirée, car il pourrait être Dave et devin.

M. Saumaise a été un fameux critique dans le

(1) Vir bonus ac prudens versus reprehendet inertes, Culpabit duros, incomptis adlinet atrum

Transverso calamo signum; ambitiosa recidet
Ornamenta, parum claris lucem dare coget;
Arguet ambiguè dictum; mutanda notabit;
Fiet Aristarchus. Horat. art. poet. v. 444.

dix-septième siècle : c'est ce qui a donné lieu à

ce vers de boileau,

Aux Saumaises futurs préparer des tortures.

c'est-à-dire, aux critiques, aux commentateurs à venir.

Xantipe, femme du philosophe Socrate, était d'une humeur fâcheuse et incommode on a donné son nom à plusieurs femmes de ce ca

ractère.

Pénélope et Lucrèce se sont distinguées par leur vertu, telle est du moins leur commune réputation on a donné leur nom aux femmes qui leur ont ressemblé; au contraire, les femmes débauchées ont été appelées des Phrynées ou des Laïs ce sont les noms de deux fameuses courtisanes de l'ancienne Grèce.

Aux temps les plus féconds en Phrynées, en Laïs, Plus d'une Pénélope honora son pays.

Typhis fut le pilote des Argonautes; Automé don fut l'écuyer d'Achille; c'était lui qui menait son char; de là on a donné les noms de Typhis et d'Automédon à un homme qui, par des préceptes, mène et conduit à quelque science ou à quelque art. C'est ainsi qu'Ovide a dit qu'il était le Typhis et l'Automédon de l'art d'aimer.

Thyphis et Automedon dicar amoris ego.

Sous le règne de Philippe de Valois, le Dauphiné fut réuni à la couronne (1). Humbert,

(1) Termes de la confirmation du dernier acte de transport du Dauphiné, en faveur de Charles fils deJean, uc de Normandie. Cet acte est du 16 juillet 1349.

D

dauphin de Viennois, qui se fit ensuite religieux de l'ordre de S. Dominique, se dessaisit et dévestit du Dalphiné et de ses autres terres, et en saisit réellement, corporellement et de fait Charles, petit-fils du roi, présent et acceptant pour li et ses hoirs et successeurs; et plus bas, transporte audit Charles, ses hoirs et successeurs et ceux qui auront cause de li perpétuellement et héritablement en saisine et en propriété pleine ledit Dalphiné.

nom,

Charles devint roi de France, cinquième du et dans la suite « il a été arrêté que le « fils aîné de France porterait seul le titre de << dauphin.

On fait allusion au dauphin, lorsque, dans les familles des particuliers, on appelle dauphin le fils aîné de la maison, ou celui qui est le plus aimé on dit que c'est le dauphin, par antonomase, par allusion, par métaphore ou par ironie. On dit aussi un Benjamin, faisant allusion au fils bien-aimé de Jacob.

Voyez les preuves de l'histoire du Dauphiné de M. de Valbonnay et ses mémoires pour servir à l'histoire du Dauphiné. A Paris, chez de Bats. 1711.

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« On s'est persuadé que la condition en faveur du premier né de nos Rois, était tacitement renfermée « dans ces paroles, quoiqu'elle n'y soit pas littéralement exprimée, » comme on le croit communément. Hist. du Dauphiné, page 603. édit. de 1722.

Dans le temps de cette donation faite à Charles, Jean père de Charles, était le fils aîné du Roi Philippe de Valois, et fut son successeur, c'est Jean II. Après la mort du Roi Jean 11. Charles fils qui était déja Dauphin, lui succéda au royaume, c'est Charles V. dit le Sage. Ainsi ce ne fut pas le fils aîné du Roi qui fut le premier Dauphin, ce fut Charles, fils de l'aîné.

1A COMMUNICATION DANS LES PAROLES. 87

VI.

LA COMMUNICATION DANS LES PARoles.

Les rhéteurs parlent d'une figure appelée simplement communication; c'est lorsque l'orateur, s'adressant à ceux à qui il parle, paraît se communiquer, s'ouvrir à eux, les prendre eux-mêmes pour juges. Par exemple: En quoi vous ai-je donné lieu de vous plaindre? Répon dez-moi, que pouvais-je faire de plus? Qu'auriez vous fait à ma place? etc. En ce sens, la communication est une figure de pensée, et par conséquent, elle n'est pas de mon sujet.

La figure dont je veux parler est un Trope, par lequel on fait tomber sur soi-même ou sur les autres une partie de ce qu'on dit. Par exemple un maître dit quelquefois à ses disciples, nous perdons tout notre temps; au lieu de dire, vous ne faites que vous amuser. Qu'avons-nous fait? veut dire en ces occasions, qu'avez-vous fait? ainsi nous dans ces exemples n'est pas le sens propre, il ne renferme point celui qui parle. On ménage par ces expressions l'amourpropre de ceux à qui on adresse la parole, en paraissant partager avec eux le blâmede ce qu'on leur reproche; la remontrance étant moins personnelle, et paraissant comprendre celui qui la fait, en est moins aigre, et devient souvent plus utile.

Les louanges qu'on se donne blessent toujours l'amour-propre de ceux à qui l'on parle. Il y a plus de modestie à s'énoncer d'une manière qui fasse retomber sur d'autres une partie du bien qu'on veut dire de soi: ainsi un capitaine dit

quelquefois que sa compagnie a fait telle ou telle action, plutôt que d'en faire retomber la gloire sur sa seule personne.

On peut regarder cette figure comme une espèce particulière de synecdoque, puisqu'on dit le plus pour tourner l'attention au moins.

VII. LA LITO TE.

La litote, ou diminution, est un Trope par lequel on se sert de mots qui, à la lettre, paraissent affaiblir une pensée dont on sait bien que les idées accessoires feront sentir toute la force on dit le moins par modestie ou par égard; mais on sait bien que ce moins réveillera l'idée du plus.

Quand Chimène dit à Rodrigue, va, je ne të hais point, elle lui fait entendre bien plus que ces mots-là ne signifient dans leur sens propre.

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Il en est de même de ces façons de parler, je ne puis vous louer, c'est-à-dire, je blâme votre conduite; je ne méprise pas vos présents, signifie que j'en fais beaucoup de cas : il n'est pas sot veut dire qu'il a plus d'esprit que vous ne croyez: il n'est pas poltron, fait entendre qu'il a du courage Pythagore n'est pas un auteur méprisable (1), c'est-à-dire, que Pythagore est un auteur qui mérite d'être estimé : je ne suis pas difforme (2), veut dire modestement qu'on est bien fait, ou du moins qu'on le croit ainsi.

On appelle aussi cette figure exténuation, elle est opposée à l'hyperbole.

F (1) Non sordidus autor naturæ verique. Hor. l. 1. od2

28.

(2) Nec sum adeò informis. Virg, Ecl. 2. v. 25,

ت

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