Page images
PDF
EPUB

vertus civiles et pacifiques sont préférables aux vertus militaires.

« La lance, dit Mézerai, était autrefois la << plus noble de toutes les armes dont se ser«vissent les gentilshommes français: » la quenouille était aussi plus souvent qu'aujourd'hui entre les mains des femmes: de là on dit en plusieurs occasions lance, pour signifier un homme, et quenouille pour marquer une femme: fief qui tombe de lance en quenouille, c'est-àdire, fief qui passe des mâles aux femmes. Le royaume de France ne tombe point en quenouille, c'est-à-dire, qu'en France les femmes ne succèdent point à la couronne; mais les royaumes d'Espagne, d'Angleterre et de Suède tombent en quenouille; les femmes peuvent aussi succéder à l'empire de Moscovie.

C'est ainsi que, du temps des Romains, les faisceaux se prenaient pour l'autorité consulaire; les aigles romaines, pour les armées des Romains, qui avaient des aigles pour enseignes. L'aigle, qui est le plus fort des oiseaux de proie, était le symbole de la victoire chez les Egyptiens.

Salluste a dit que Catilina, après avoir rangé son armée en bataille, fit un corps de réserve des autres enseignes, c'est-à-dire, des autres troupes qui lui restaient, reliqua signa in subsidiis arctiùs collocat.

On trouve souvent dans les auteurs latins pubes, poil follet, pour dire la jeunesse, les jeunes gens; c'est ainsi que nous disons familièrement à un jeune homme, vous êtes une jeune barbe, c'est-à-dire, vous n'avez pas encore assez d'expérience. Canities, les cheveux blancs, se prend aussi pour la vieillesse. Non deduces canitiem ejus ad inferos. Deducetis canos meos cum dolore ad inferos.

Les divers symboles dont les anciens se sont servis, et dont nous nous servons encore quelquefois pour marquer ou certaines divinités, ou certaines nations, ou enfin les vices et les vertus; ces symboles, dis-je, sont souvent employés pour marquer la chose dont ils sont le symbole. En vain au Lion belgique

Il voit l'Aigle germanique
Uni sous les Léopards.

Par le lion belgique, le poëte entend les Provinces Unies des Pays-Bas ; par l'aigle germanique, il entend l'Allemagne; et par les léopards, il désigne l'Angleterre, qui a des léopards dans ses armoiries.

Mais qui fait enfler la Sambre
Sous les Jumeaux eflrayés.

Sous les jumeaux, c'est-à-dire, à la fin du mois de mai et au commencement du mois de juin. Le roi assiégea Namur le 26 de mai 1692, et la ville fut prise au mois de juin suivant, Chaque mois de l'année est désigné par un signe, vis-àvis duquel le soleil se trouve depuis le 21 d'un mois ou environ, jusqu'au 21 du mois suivant.

Sunt Aries, Taurus, Gemini, Cancer, Leo, Virgo, Libraque, Scorpius, Arcitenens, Caper, Amphora, Pisces.

Aries, le bélier, commence vers le 21 du mois de mars, ainsi de suite.

« Les villes, les fleuves, les régions, et même les trois parties du monde, avaient autrefois leurs symboles, qui étaient comme des armɔi. «ries par lesquelles on les distinguait les unes « des autres. >>

Le trident est le symbole de Neptune; le paon

est le symbole de Junon; l'olive ou l'olivier est le symbole de la Paix et de Minerve, déesse des beaux-arts; le laurier était le symbole de la victoire les vainqueurs étaient couronnés de laurier, même les vainqueurs dans les arts et dans les sciences, c'est-à-dire, ceux qui s'y distinguaient au dessus des autres. Peut-être qu'on en usait ainsi à l'égard de ces derniers , parce que le laurier était consacré à Ap llon, dieu de · la poésie et des beaux-arts. Les poëtes étaient sous la protection d'Apollon et de Bacchus ; ainsi ils étaient couronnés quelquefois de laúrier, et quelquefois de lierre, doctarum ederæ præmia frontium.

La palme était aussi le symbole de la victoire. On dit d'un saint, qu'il a remporté la palme du martyre. Il y a dans cette expression une métonymie; palme se prend pour victoire, et de plus, l'expression est métaphorique; la victoire dont on veut parler est une victoire spirituelle. « A l'autel de Jupiter, dit le P. de Montfauon mettait des feuilles de hêtre; à celui « d'Apollon, de laurier; à celui de Minerve, « d'olivier; à l'autel de Vénus, de myrthe; à «< celui d'Hercule, de peuplier; à celui de Bac«< chus, de lierre, à celui de Pan, des feuilles « de pin. »

«< con,

6o LE NOM ABSTRAIT POUR LE CONCRET. J'explique dans un article exprès le sens abstrait et le sens concret ; j'observerai seulement ici que blancheur est un terme abstrait; mais quand je dis que ce papier est blanc, blanc est alors un terme concret. Un nouvel esclavage se forme tous les jours pour vous dit Horace, c'est-àdire, vous avez tous les jours de nouveaux esclaves. Tibi servitus crescit nova. Servitus est un abstrait, au lieu de servi, ou novi amatoreș

,

qui tibi serviant. Invidiâ major, au dessus dè l'envie, c'est-à-dire, triomphant de mes envieux, Custodia, garde, conservation, se prend en latin pour ceux qui gardent, noctem custodia ducit insomnem.

Spes, l'espérance, se dit souvent pour ce qu'on espère. Spes quæ differtur affligit animam.

Petitio, demande, se dit aussi pour la chose demandée. Dedit mihi dominus petitionem meam,

C'est ainsi que Phèdre a dit, tua calamitas non sentiret, c'est-à-dire, tu calamitosus non sentires. Tua calamitas est un terme abstrait, au lieu que tu calamitosus est le concret. Credens colli longitudinem pour collum longum; et encore corvi stupor, qui est l'abstrait, pour corvus stupidus, qui est le concret. Virgile a dit de même, ferri rigor, qui est l'abstrait, au lieu de ferrum rigidum, qui est le concret.

7° Les parties du corps qui sont regardées comme le siége des passions et des sentiments intérieurs se prennent pour les sentiments mêmes c'est ainsi qu'on dit il a du cœur, c'est-àdire, du courage.

:

Observez que les anciens regardaient le coeur comme le siége de la sagesse, de l'esprit, de l'adresse ainsi habet cor, dans Plaute, ne veut pas dire, comme parmi nous elle a du courage, mais elle a de l'esprit, vir cordatus, veut dire en latin un homme de sens, qui a un bon discernement.

,

Cornutus, philosophe stoïcien, qui fut le maître de Perse, et qui a été ensuite le commentateur de ce poëte, fait cette remarque sur ces paroles de la première satyre sum petu lanti splene cachinno. « Physici dicunt homines splene ridere, felle irasci, jecore amare, cor

de sapere et pulmone jactari. » Aujourd'hui on a d'autres lumières.

Perse dit que le ventre, c'est-à-dire la faim, le besoin, a fait apprendre aux pies et aux corbeaux à parler.

La cervelle se prend aussi pour l'esprit, le jugement. O la belle tête ! s'écrie le renard dans Phèdre, quel dommage! elle n'a point de cervelle! On dit d'un étourdi, que c'est une tête sans cervelle: Ulysse dit à Euriale, selon la traduction de madame Dacier, jeune homme, vous avez tout l'air d'un écervelé: c'est-à-dire, comme elle l'explique dans ses savantes remarques, vous avez tout l'air d'un homme peu sage. Au contraire, quand on dit, c'est un homme de tête, c'est une bonne tête, on veut dire que celui dont on parle est un habile homme, un homme de jugement. La téte lui a tourné, c'est-à-dire, qu'il a perdu le bon sens, la présence d'esprit. Avoir de la tête, se dit aussi figurément d'un opiniâtre: tête de fer, se dit d'un homme appliqué sans relâche, et encore d'un entêté.

La langue, qui est le principal organe de la parole, se prend pour la parole: c'est une méchante langue, c'est-à-dire, c'est un médisant; avoir la langue bien pendue, c'est avoir le talent de la parole, c'est parler facilement.

8o Le nom du maître de la maison se prend aussi pour la maison qu'il occupe: Virgile a dit, jam proximus ardet Ucalegon, c'est-à-dire, le feu a déja a pris à la maison d'Ucalégon.

On donne aussi aux pièces de monnoie le nom du souverain dont elles portent l'empreinte. Ducentos Philippos reddat aureos, qu'elle rende deux cents Philippes d'or; nous dirions deux cents louis d'or.

Voilà les principales espèces de métonymie,

« PreviousContinue »