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tagnes consacrées à Dieu, mais de hautes montagnes.

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Dans le nouveau Testament même il y a plusieurs passages qui ne sauraient être entendus sans la connaissance des idiotismes, c'est-à-dire, des façons de parler des auteurs originaux. Le mot hébreu qui répond au mot latin verbum se prend ordinairement en hébreu pour chose signifiée par la parole c'est le mot générique qui répond à negotium cu res des Latins, Transeamus usquè Bethleem, et videamus hoc verbum quod factum est. Passons jusqu'à Bethléem, et voyons ce qui y est arrivé. Ainsi lorsqu'au troisième verset du chapitre VIII du Deuteronome il est dit: (Deus) dedit tibi cibum mannâ quod ignorabas tu et patres tui, ut ostenderet tibi quod non in solo pane vivat homo, sed in omni verbo quod egreditur de ore Dei. Vous voyez que in omni verbo signifie in omni re, c'est-à-dire, de tout ce que Dieu dit, on veut, qui serve de nourriture. C'est dans ce même sens que Jésus-Christ a cité ce passage: Le démon lui proposait de changer les pierres en pain; il n'est pas nécessaire de faire ce changement, répond JésusChrist; car l'homme ne vit pas seulement de pain, il se nourrit encore de tout ce qu'il plaît à Dieu de lui donner pour nourriture, de tout ce que Dieu dit qui servira de nourriture; voilà le sens littéral ; celui qu'on donne communément à ces paroles n'est qu'un sens moral.

Division du sens spirituel.

Le sens spirituel est aussi de plusieurs sortes: 1o le sens moral; 2° le sens allégorique; 3o le sens anagogique.

1° Sens moral.

Le sens moral est une interprétation selon laquelle on tire quelque instruction pour les mours. On tire un sens moral des histoires, des fables, etc. Il n'y a rien de si profane dont on ne puisse tirer des moralités, ni rien de si sérieux qu'on ne puisse tourner en burlesque. Telle est la liaison que les idées ont les unes avec les autres : le moindre rapport réveille une idée de moralité dans un homme dont le goût est tourné du côté de la morale; et au contraire, celui dont l'imagination aime le burlesque, trouve du burlesque par tout.

Thomas Walleis, jacobin anglais, fit imprimer, vers la fin du quinzième siècle, à l'usage des prédicateurs, une explication morale des métamorphoses d'Ovide. Nous avons le Virgile travesti de Scarron. Ovide n'avait point pensé à la morale que Walleis lui prête; et Virgile n'a jamais eu les idées burlesques que Scarron a trouvées dans son Enéide. Il n'en est pas de même des fables morales; leurs auteurs mêmes nous en découvrent les moralités ; elles sont tirées du texte comme une conséquence est tirée de son principe.

2° Sens allégorique.

Le sens allégorique se tire d'un discours qui, à le prendre dans son sens propre, signifie toute autre chose c'est une histoire qui est l'image d'une autre histoire, ou de quelque autre pensée. Nous avons déja parlé de l'allégorie.

L'esprit humain a bien de la peine à demeurer indéterminé sur les causes dont il voit ou dont il ressent les effets ainsi lorsqu'il ne con

naît pas les causes, il en imagine, et le voilà satisfait. Les païens imaginèrent d'abord des causes frivoles de la plupart des effets naturels: l'amour fut l'effet d'une divinité particulière; Prométhée vola le feu du ciel; Cérès inventa le blé, Bacchus le vin, etc. Les recherches exactes sont trop pénibles, et ne sont pas à la portée de tout le monde. Quoi qu'il en soit, le vulgaire superstitieux, dit le P. Sanadon, fut la dupe des visionnaires qui inventèrent toutes ces fables.

Dans la suite, quand les païens commencèrent à se policer, et à faire des réflexions sur ces histoires fabuleuses, il se trouva parmi eux des mystiques qui en enveloppèrent les absurdités sous le voile des allégories et des sens figurés, auxquels les premiers auteurs de ces fables n'avaient jamais pensé.

Il y a des pièces allégoriques en prose et en vers les auleurs de ces ouvrages ont prétendu qu'on leur donnât un sens allégorique; mais, dans les histoires et dans les autres ouvrages dans lesquels il ne paraît pas que l'auteur ait songé à l'allégorie, il est inutile d'y en chercher. Il faut que les histoires dont on tire ensuite des allégories, aicut été composées dans la vue de l'allégorie; autrement les explications allégoriques qu'on leur donne ne prouvent rien, et ne sont que des applications arbitraires, dont il est libre à chacun de s'amuser comme il lui plaît, pourvu qu'on n'en tire pas des conséquences dangereuses.

Quelques auteurs ont trouvé une image des révolutions arrivées à la langue latine, dans la statue que Nabuchodonosor vit en songe; ils trouvent dans ce songe une allégorie de ce qui devait arriver à la langue latine.

Cette statue était extraordinairement grande;

la langue latine n'était-elle pas répandue presque par tout?

La tête de cette statue était d'or, c'est le siècle d'or de la langue latine; c'est le temps de Térence, de César, de Cicéron, de Virgile; en un mot, c'est le siècle d'Auguste.

La poitrine et les bras de la statue étaient d'argent; c'est le siècle d'argent de la langue latine; c'est depuis la mort d'Auguste jusqu'à la mort de l'empereur Trajan, c'est-à-dire, jusque environ cent ans après Auguste.

Le ventre et les cuisses de la statue étaient d'airain; c'est le siècle d'airain de la langue latine, qui comprend depuis la mort de Trajan jusqu'à la prise de Rome par les Golts, en 410.

Les jambes de la statue étaient de fer, et les pieds partie de fer et partie de terre; c'est le siècle de fer de la langue latine, pendant lequel les différentes incursions des barbares plongèrent les hommes dans une extrême ignorance; à peine la langue latine se conserva-t-elle dans le langage de l'Eglise.

Enfin une pierre abattit la statue; c'est la langue latine qui cessa d'être une langue vivante. C'est ainsi qu'on rapporte tout aux idées dont on est préoccupé.

Les sens allégoriques ont été autrefois fort à la mode et ils le sont encore en Orient; on en trouvait par tout, jusque dans les nombres. Métrodore de Lampsaque, au rapport de Tatien, avait tourné Homère tout entier en allégories. On aime mieux aujourd'hui la réalité du sens littéral. Les explications mystiques de l'écriture sainte, qui ne sont point fixées par les apôtres, ni établies clairement par la révélation, sont sujettes à des illusions qui mènent au fanatisme.

3° Sens anagogique.

Le sens anagogique n'est guère en usage que lorsqu'il s'agit des différents sens de l'écriture sainte. Ce mot anagogique vient du grec anagogue, qui veut dire élévation: ana, dans la composition des mots, signifie souvent au-dessus, en haut; agogue veut dire conduite de ago, je conduis: ainsi le sens anagogique de l'écriture sainte est un sens mystique, qui élève l'esprit aux objets célestes et divins de la vie éternelle, dont les saints jouissent dans le ciel.

Le sens littéral est le fondement des autres sens de l'écriture sainte. Si les explications qu'on en donne ont rapport aux mœurs, c'est le sens moral.

Si les explications des passages de l'ancien Testament regardent l'Eglise et les mystères de notre religion par analogie ou ressemblance, c'est le sens allégorique; ainsi le sacrifice de l'agneau pascal, le serpent d'airain élevé dans le désert, étaient autant de figures du sacrifice de la croix.

Enfin, lorsque ces explications regardent l'Eglise triomphante et la vie des bienheureux dans le ciel, c'est le sens anagogique; c'est ainsi que le sabbat des Juifs est regardé comme l'image du repos éternel des bienheureux. Ces différents sens, qui ne sont point le sens littéral, ni le sens moral, s'appellent aussi en général sens tropologique, c'est-à-dire, sens figuré. Mais, comme je l'ai déja remarqué, il faut suivre dans le sens allégorique et dans le sens anagogique ce que la révélation nous en apprend, et s'appliquer sur-tout à l'intelligence du sens littéral, qui est la règle infaillible de ce que nous devons croire et pratiquer pour être sauvés.

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