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Que fi nous laiffons une fois croître en nous ces dignes enfans des Richeffes, ils y auront bientôt fait éclore l'Infolence, le Déreglement, l'Efronterie, & tous ces autres impitoiables Tyrans

de l'ame.

Si-tôt donc qu'un homme oubliant le foin de la Vertu, n'a plus d'admiration que pour les chofes frivoles & periffables: il faut de neceffité que tout ce que nous avons dit arrive en lui: il ne fçauroit plus lever les yeux, pour regarder au deffus de foi, ni rien dire qui paffe le commun: il fe fait en peu de tems une corruption generale dans toute fon ame. Tout ce qu'il avoit de noble & de grand fe flétrit & fe feche de foi-même, & n'attire plus que le mépris.

Et comme il n'eft pas poffible qu'an Juge qu'on a corrompu, juge fainement & fans palfion de ce qui eft jufte & honnête : parce qu'un efprit qui s'eft laiffé gagner aux prefens, ne connoît de jufte & d'honnête, que ce qui lui eft uti. le: Comment voudrions- nous que dans ce temps où la corruption regne fur les mœurs & fur les efprits de tous les hommes: où nous ne fongeons qu'à attraper la fucceffion de celui-ci; qu'à tendre des pieges à cét autre, pour nous faire écrire dans fon teftament qu'à tirer un infame gain de toutes chofes, vendant pour cela jufqu'a nôtre ame, miferables Efclaves de nos propies paffions: Comment,dis-je, se pourroitil faire que dans cette contagion generale, il fe trouvât un homme fain de jugement, & libre de paffion, qui n'étant point aveuglé, ni feduit par Î'amour du gain, pût difcerner ce qui eft veritablement grand, & digne de la pofterité? En un mot, étant tous faits de la maniere que j'ay dit, ne vaut-il pas mieux, qu'un autre nous com mande

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mandé, que de demeurer en nôtre propre puil fance: de peur que cette rage infatiable d'acquerir, comme un Furieux qui a rompu fes fers, & qui fe jette fur ceux qui l'environnent, n'aille porter le feu aux quatre coins de la terre; Enfin, lui dis-je ; c'eft l'amour du luxe qui eft caufe de cette faineantife où tous les Efprits, excepté un petit nombre, croupiffent aujourd'hui. En éfet fi nous étudions quelquefois, on peut dire c'eft comme des gens qui relevent de mala, pour le plaifir, & pour avoir lieu de nous vanter, & non point par une noble émulation, & pour en tirer quelque profit loüable & folide. Mais c'eft affés parlé là deffus. Venons maintenant aux Paffions dont nous avons promis de faire un Traité à part. Car, à mon avis, elles ne font pas un des moindres ornemens du DifCours, fur tout pour ce qui regarde le Sublime.

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REMARQUES. Mon cher Terentianus. ] Le Grec porte, mon cher Pofthumius Terentianus: mais j'ai retranché Pohumius, le nom de Terentianus n'étant déja que trop long. Au refte on ne fçait pas trop bien qui étoit ce Terentianus. Ce qu'ily a de conftant, c'eft que c'étoit un Latin, comme fon nom le fait allés connoître, & comme Longin le témoigne lui-même dans le Chapi

tre 10.

Cecilius] C'étoit un Rheteur Sicilien. Il vivoit fous Augufte & étoit contemporain de Denys d'Halycarnaffe avec qui il fut lié même d'une amitié affés étroite.

La baffeffe de fon file, &c. C'est ainsi qu'il faut entendre ταπεινότερ repov. Je ne me fouviens point d'avoir jamais vû ce mot emploié dans le fens que lui veut donner Monfieur Dacier, & quand il s'en trouveroit quelque exemple, il faudroit toûjours, à mon avis, revenir au fens le plus naturel, qui eft celui que je lui ai donné. Car pour ce qui eft des paroles qui fuivent dans wolicies, cela veut dire ; que fon ftile eft par tout inferieur à fon fujet. Y ayant beaucoup d'exemples en Grec de ces Adjectifs mis pour l'Adverbe.

Pour le deffein qu'il a eu de bien faire. ] Il faut prendre ici le mot d'izwe comme il eft pris en beaucoup d'endroits pour une fimple pensée. Cecilius n'eft pas tant à blâmer pour ses défauts,qu'à

Louer pour la pensée qu'il a euë, pour le deffein qu'il a eu de bien faire. Il fe prend auffi quelquefois pour Invention: mais il ne s'agit pas d'invention dans un traité de Rhetorique : c'est de la raison & du bon fens dont il eft befoin.

Et dont les Orateurs. ] Le Grec porte aidpão Wodatingis, viris Politicis: c'est à dire les Orateurs, entant qu'ils font oppofés aux Declamateurs & à ceux qui font des difcours de fimple oftentation. Ceux qui ont lû Hermogene, fçavent ce que c'eft que womrings Móyos, qui veut proprement dire un ftile d'ufage & propre aux affaires, à la difference du ftile des Declamateurs, qui n'eft qu'un ftile d'aparat, où fouvent l'on fort de la Nature, pour éblouir les yeux. L'Auteur donc par viros Politicos entend ceux qui mettent en pratique fermonem politicum.

Inftruit de toutes les belles connoiffances. ] Je n'ai point exprimé oírov: parce qu'il me fem. ble tout-à-fait inutile en cet endroit.

Et rempli toute la Pofterité du bruit de leur gloire] Gerard Langbaine qui a fait de petites Notes trés-fçavantes fur Longin, pretend qu'il y a ici une faute, & qu'au lieu de noveværelais αγώνα, il faut mettre υπέρεβαλον ευκλείαις. Ai dans fon fens, il faudroit traduire, ont porté leur gloire au delà de leurs fiécles. Mais il fe trompe: wet barov veut dire ont embrasse, ont rempli toute la pofterité de l'étendue de leur gloire. Et quand on voudroit mêine entendre ce paffage à fa maniere, il ne faudroit point faire pour cela de correction: puifque ibanov fignifie quelquefois Ligbadov, comme on le voit dans ce vers d' Homere ll. 4. 56 γὰρ ὅσον ἐμὸς άρεσε περιβάλ λετον ΐπποι.

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c. Je ne fçai pourquoi Monfieur le Févre veut changer cet endroit,qui à mon avis s'entend fort bien, fans mettre mavrâs au lieu de warròs. Surmonte tous ceux qui l'écoutent. Se met au dessus de tous ceux qui l'écoutent.

Car comme les vaisseaux, &c. Il faut fuppléer au Grec, ou fous entendre, qui veut dire dles vaiffeaux de charge, κ ὡς ἐπικινδυνότερα αυτ

α, &c. & expliquer arepálsa, dans le fens de Monfieur le Févre & de Suidas, des vaiffeaux qui flottent manque de fable & de gravier dans le fond qui les foutienne, & leur donne le poids qu'ils doivent avoir, aufquels on n'a pas donné le left. Autrement il n'y a point de fens.

Nous en pouvons dire autant, &c. ] J'ai fupplée la reddition de la comparaison, qui manque en cet endroit dans l'original. *** Felles font ces pensées, &c. Il y a ici une Lacune confiderable. L'Auteur après avoir montré qu'on peut donner des regles du Sublime, commençoit à traiter des Vices qui lui font oppofés, & entr'autres da Stile enflé qui n'eft autre chofe que le Sublime trop pouffé. Il en faifoit voir l'extravagance par le paffage d'un je ne fçai quel Poëte Tragique dont il refte encore ici quatre vers: mais comme ces vers étoient déja fort galimathias d'eux-mêmes, au raport de Longin, ils le font devenus encore bien davantage par la perte de ceux qui les precedoient. J'ai donc crû que le plus. court étoit de les paffer: n'y ayant dans ces quatre vers qu'un des trois mots que l'Auteur raille dans la fuite. En voilà pourtant le fens confufément- C'eft quelque Capanée qui parle dans une Tragedie. Et qu'ils arrêtent la flamme qui fort à longs flots de la

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