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PREFACE.

E tous les Auteurs Grecs il n'y en a

D point de plus difficiles à traduire

que

les Rheteurs, fur tout quand on debroüille le premier leurs ouvrages. Cela n'a pas empêché que Monfieur D*** en nous donnant Longin en François, ne nous ait donné une des plus belles traductions que nous aions en nôtre Langue. Il a non feulement pris la naïveté & la fimplicité du ftile Didactique de cet excellent Auteur, il en a même fi bien attrapé le Sublime qu'il fait valoir aussi heureusement que lui toutes les grandes figures dont il traite &qu'il emploie en les expliquant. Comme j'avois étudié ce Rheteur avec foin, je fis quelques découvertes, en le relifant fur la traduction, & je trouvai de nouveaux fens dont les Interpretes ne s'étoient point avifés. Je me crus obligé de les communiquer à Monfieur D***. fallay donc chés lui, quoique je n'euffe pas l'avantage de le connoître. Il ne reçut pas mes Critiques en Auteur, mais en homme d'efprit & en galant homme; il convint de quel

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de

ques endroits, nous disputâmes long-tems fur d'autres; mais dans ces endroits même dont il ne tomboit pas d'acord, il ne laiffa pas de faire quelque estime de mes Remarques, & il me témoigna que fi je voulois, il les feroit imprimer avec les fiennes dans une feconde édition. C'est ce qu'il fait aujourd'hui. Mais de peur groffir fon Livre, j'ai abregé le plus qu'il ma été poffible & j'ai tâché de m'expliquer en peu de mots. Il ne s'agit ici que de trouver la verité, & comme Monfieur D*** confent que fi j'ai raison l'on fuive mes Remarques, je ferai ravi que s'il a mieux trouvé le fens de Longin, on laisse mes Remarques pour s'atacher à fa traduction, que je prendrois moi-même pour modelle fi j'avois entrepris de traduire un ancien Rheteur.

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Vand nous leufmes enfemble le petit Traité que cecilius mes que la baffeffe de fon ftile répondoit affés mal à la dignité de fon fujet. a ] C'eft le fens que tous les Interpretes ont donné à ce paffage mais comme le Sublime n'eft point neceffaire à un Rheteur pour nous donner des régles de cet art, il me femble que Longin n'a pu parler ici de cette pretendue baffeffe du ftile de Cecilius. Il lui reproche feulement deux chofes, la premiere que fon livre eft beaucoup plus petit que fon fujet, que ce Livre ne contient pas toute fa matiere, & la feconde qu'il n'en a pas même touché les principaux points ouyΓραμμάκου (απεινότερον ἐφάνη τ' ὅλης επιδέσεως, ne peut pas fignifier à mon avis le file de ce Livre eft trop bas; mais ce Livre eft plus petit que fon fujet, ou trop petit pour fon fujet. Le feul mot ans le determine entierement. Et d'ailleurs on trouvera des exemples de óg pris dans ce même fens. Longin en difant que Cecilius n'avoit executé qu'une partie de ce grand deffein, fait voir ce qui l'oblige d'écrire aprés lui fur le même fujet.

Cet Auteur peut-être n'eft-il pas tant à repren dre pour fes fautes qu'à louer pour fon travail & pour le deffein qu'il a eu de bien faire. b] Dans le texte il y a deux mots ἐπινοία & σπεδή. Monfieur D*** ne s'eft attaché qu'à exprimer toute la a Chap. 1.

force du dernier. Mais il me femble que cela n'explique pas affés la pensée de Longin qui dit que Cecilius n'eft peut-être pas tant à blâmer pour fes défauts, qu'il eft à louer pour fon invention, pour le deffein qu'il a eu de bien faire, Emvoia fignific deffein, invention, & par ce feul mot Longin a voulu nous aprendre que Ce. cilius étoit le premier qui eût entrepris d'écrire

du Sublime.

Il donne au difcours une certaine vigueur noble, une force invincible qui enleve l'ame de quiconque nous écoute. e] Tous les Interpretes ont traduit de même,mais je croi qu'ils le font fort éloignés de la penfée de Longin, & qu'ils n'ont point du tout fuivi la figure qu'il eniploie fi heureusement. Τὰ ὑπερφυα προσφέρονται βίαν, eft - ce qu'Horace diroit adhibere vim, au lieu de wavy's, il faut as avec un omega comme Monfieur le Févre l'a marqué. Úrous wave Tangowy nada, eft une mataphore prise du manege & pareille à celle dont Anacreon scft (ervi, σὸ δ ̓ ἐκ αsις ἐκ ἐιδὼς ὅτι τὸ ἐμῆς ψυχῆς lioneuris. Mais tu n'as point d'oreilles, & tu ne feais point que tu es le maître de mon cœur. Longin dit donc, il n'en est pas ainfi da Sublime, par un efort auquel on ne peut refifter, il se rend entierement maître de l'Auditeur.

Quand le Sublime vient à éclater. ] Nôtre langue n'a que ce mot éclater pour exprimer le mot erexe qui eft emprunté de la tempête & qui donne une idée merveilleufe à peu près comme ce mot de Virgile, abrupti nubibus ignes. Longin a voulu donner ici une image de la foudre que l'on voit plûtôt tomber que partir.

Telles font ces pensées, &c.] Dans la Lacune fuivante Longin rapportoit un paffage d'un e Chap. 2. Poëte

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