Page images
PDF
EPUB

rende mes devoirs ? et à quoi peut-on attribuer ce qui s'y mêle de mauvais, qu'aux teintures grossières que je reprends quand je demeure abandonné à ma propre foiblesse ? Il faut MONSEIGNEUR, que tous ceux qui donnent leurs veilles au théâtre publient hautement avec moi que nous vous avons deux obligations très signalées : l'une, d'avoir ennobli' le but de l'art; l'autre, de nous en avoir facilité les connoissances. Vous avez ennobli le but de l'art,

dinal de Richelieu était roi, en quelque façon; il en avait la puissance et l'appareil.

Cependant une pension de cinq cents écus, que le grand Corneille fut réduit à recevoir, ne paraît pas un titre suffisant pour qu'il dît, J'ai l'honneur d'être à Votre Éminence.

1 Cette phrase est assez remarquable: ou elle est une ironie, ou elle est une flatterie qui semble contredire le caractère qu'on attribue à Corneille. Il est évident qu'il ne croyait pas que l'ennemi du Cid et le protecteur de ses ennemis eût un goût si sûr. Il était mécontent du Cardinal, et il le loue. Jugeons de ses vrais sentimens par le sonnet fameux qu'il fit après la mort de Louis XIII.

Sous ce marbre repose un monarque sans vice,
Dont la seule bonté déplut aux bons François,

puisqu'au lieu de celui de plaire au peuple que nous prescrivent nos maîtres, et dont les deux plus honnêtes gens de leur siècle, Scipion et Lélie, ont autrefois protesté de se contenter vous nous avez donné celui de vous plaire et de vous divertir; et qu'ainsi nous ne rendons pas un petit service à l'état, puisque, contribuant à vos divertissements, nous contribuons à l'entretien d'une santé qui lui est si précieuse et si nécessaire. Vous nous en avez facilité les connoissances, puisque nous n'avons plus

Ses erreurs,
ses écarts vinrent d'un mauvais choix,
Dont il fut trop long-temps innocemment complice.

L'ambition, l'orgueil, la haine, l'avarice,
Armés de son pouvoir, nous donnèrent des lois;
Et, bien qu'il fût en soi le plus juste des rois,
Son règne fut toujours celui de l'injustice.

Fier vainqueur au-dehors, vil esclave en sa cour;
Son tyran et le nôtre à peine perd le jour,
Que jusque dans sa tombe il le force à le suivre.

Et, par cet ascendant ses projets confondus,
Après trente-trois ans sur le trône perdus,
Commençant à régner, il a cessé de vivre.

Le sonnet a des beautés ; mais avouons que ce n'était pas à un pensionnaire du Cardinal à le faire, et qu'il ne fallait ni lui prodiguer tant de louanges pendant sa vie, ni l'outrager après sa mort.

besoin d'autre étude pour les acquérir que d'attacher nos yeux sur Votre Eminence quand elle honore de sa présence et de son attention le récit de nos poëmes; c'est là que, lisant sur son visage ce qui lui plaît et ce qui ne lui plaît pas, nous nous instruisons avec certitude de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, et tirons des règles infaillibles de ce qu'il faut suivre et de ce qu'il faut éviter. C'est là que j'ai souvent appris en deux heures ce que mes livres n'eussent pu m'apprendre en dix ans ; c'est là que j'ai puisé ce qui m'a valu l'applaudissement du public; et c'est là qu'avec votre faveur j'espère puiser assez pour être un jour une œuvre digne de vos mains. Ne trouvez donc pas mauvais, MONSEIGNEUR, que, pour vous remercier de ce que j'ai de réputation, dont je vous suis entièrement redevable, j'emprunte quatre vers d'un autre Horace que celui que je vous présente, et que je vous exprime par eux les plus véritables sentiments de mon âme:

Totum muneris hoc tui est,

Quod monstror digito prætereuntium

Scenæ non levis artifex:

Quod spiro et placeo, si placeo, tuum est.

Je n'ajouterai qu'une vérité à celle-ci, en vous suppliant de croire que je suis et serai toute ma vie très passionnément',

MONSEIGNEUR,

DE VOTRE ÉMINENCE,

Le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur,

P. CORNEILLE.

'Cette expression passionnément montre combien tout dépend des usages. Je suis passionnément, est aujourd'hui la formule dont les supérieurs se servent avec les inférieurs. Les Romains ni les Grecs ne connurent jamais ce protocole de la vanité : il a toujours changé parmi nous. Celui qui fait cette remarque est le premier qui ait supprimé les formules dans les épîtres dédicatoires de ce genre ; et on commence à s'en abstenir. Ces épîtres, en effet, étant souvent des ouvrages raisonnés, ne doivent point finir comme une lettre ordinaire.

besoin d'autre étude

pour

les acquér

ans;

c'

d'attacher nos yeux sur Votre Eminence
elle honore de sa présence et de son a!
le récit de nos poëmes; c'est là que, lis
son visage ce qui lui plaît et ce qui ne
pas, nous nous instruisons avec certitu
qui est bon et de ce qui est mauvais,
des règles infaillibles de ce qu'il faut :
de ce qu'il faut éviter. C'est là que j'ai
appris en deux heures ce que mes liv
sent pu m'apprendre en dix
j'ai puisé ce qui m'a valu l'applaudiss
public; et c'est là qu'avec votre fave
puiser assez pour être un jour une œ
de vos mains. Ne trouvez donc pas
MONSEIGNEUR, que, pour vous rem
que j'ai de réputation, dont je vou
rement redevable, j'emprunte quat
autre Horace que celui que je vous
que je vous exprime par eux les pl
sentiments de mon âme :

Totum muneris hoc tui est,
Quod monstror digito prætereun

« PreviousContinue »