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QU'IL fasse mieux, ce jeune jouvencel,
A qui le Cid donne tant de martel,
Que d'entasser injure sur injure,
Rimer de rage une lourde imposture,
Et se cacher ainsi qu'un criminel. 2
Chacun connoît son jaloux naturel,
Le montre au doigt comme un fou solennel,
Et ne croit pas en sa bonne écriture

Qu'il fasse mieux.

Paris entier ayant vu son cartel,

L'envoie au diable, et sa muse au bordel. 3

Ce rondeau fut fait par Corneille en 1637, dans le temps du différend qu'il eut avec Scudéri, au sujet des Observations sur le Cid.

2 Scudéri n'avait pas d'abord mis son nom à ses Observations sur le Cid: il en fut fait deux éditions, sans qu'on sût de quelle part elles venaient. Cela se découvrit néanmoins, et les brouilla ensemble.

3 Ce terme grossier * n'est pas tolérable; mais Régnier et beaucoup d'autres l'avaient employé sans scrupule. Boileau même, dans le siècle des bienséances, en 1674, souilla son chef-d'œuvre de l'Art poétique par ces dans lesquels il caractérisait Régnier :

deux vers,

Heureux si, moins hardi dans ses vers pleins de sel,

Il n'avoit point traîné les muses au bordel!

Ce fut le judicieux Arnaud qui l'obligea de réformer ces deux vers,

* Ce mot était beaucoup plus tolérable dans ce rondeau, où l'auteur emploie le style de Marot, qu'il ne l'eût été dans l'Art poétique de Boileau. Le temps où vivait Corneille était d'ailleurs moins chaste en paroles et plus chaste en réalité que le nôtre. Voltaire, qui affecte ici ce scrupule, ne l'ignorait pas ; et pourtant il s'est permis en ce même genre des libertés que Corneille n'eût jamais prises. P.

Moi, j'ai pitié des peines qu'il endure;
Et comme ami je le prie et conjure,
S'il veut ternir un ouvrage immortel,
Qu'il fasse mieux.

où l'auteur tombait dans le défaut qu'il reprochait à Régnier. Boileau substitua ces deux vers excellens :

Heureux si ses discours, craints du chaste lecteur,

Ne se sentoient des lieux que fréquentoit l'auteur!.

Il eût été à souhaiter que Corneille eût trouvé un Arnaud; il lui eût fait supprimer son Rondean tout entier, qui est trop indigne de l'auteur du Cid.

FIN DES PIÈCES SUR LE CID.

HORACE,

TRAGÉDLE.

1639.

C'est le titre que Corneille donna toujours à cette tragẻdie. Celui des Horaces a prévalu depuis dans la conversation et sur les affiches des spectacles. Ainsi l'usage étend son empire même sur des objets qui ne sont pas de sa compétence.

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