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père, et tout donne à penser qu'il y fera lui-même une brillante carrière car il a déjà été gratifié jusqu'ici d'un avancement rapide et de plusieurs distinctions particulières.

M. Gauthier (Pierre), né à Mâcon, chef de division à la préfecture de Saône-et-Loire, a commencé sa carrière à la préfecture dans les bureaux du service vicinal du département : il y était chef de bureau dès 1876. Lorsque le Conseil général décida en 1879 la fusion du service vicinal avec celui des Ponts et Chaussées et remit le tout à l'ingénieur chef, M. Gauthier resta chargé du bureau vicinal de la préfecture et y remplit ses fonctions jusqu'en 1890. A ce moment, M. le Préfet, qui connaissait ses mérites et sa valeur, lui confia la division des finances départementales et des travaux publics qu'il dirige ainsi depuis dix ans. avec un zèle, un tact et une conscience au-dessus de tout éloge. Le Dr Biot appuie tout spécialement ces deux candidatures.

Le général Texier de la Pommeraye, né à Paris, officier breveté de l'ancien corps d'état-major, officier de la Légion d'honneur, a succédé à notre excellent et honoré confrère le général Pendezec dans le commandement de la 29° brigade d'infanterie à Mâcon.

De même que le général Pendezec qui, capitaine d'état-major, prit part à la charge épique de Sedan dans les rangs du régiment auquel il en apportait l'ordre, de même, à Résonville, le général de la Pommeraye apportant aux cuirassiers de la garde, son ancien régiment, l'ordre de charger, prit part avec eux à cette charge historique.

Après la guerre, pendant 7 ans, il fut aide de camp du général de Geslin commandant la subdivision de la Seine. Avant de venir à Mâcon, après avoir commandé comme colonel le 189e d'infanterie à Aurillac, il était, en dernier lieu, général gouverneur de Dijon. Partout le général de la Pommeraye a fait montre des qualités brillantes d'un vigoureux militaire et d'un officier très distingué.

M. de Benoist appuie spécialement la candidature du général de la Pommeraye dont il a été le condisciple.

Ces trois candidatures mises aux voix sont prises en considération; il sera statué définitivement à leur égard dans la prochaine séance.

M. le Président lit à l'assemblée une lettre par laquelle M. le Préfet demande à l'Académie de se prononcer sur son acceptation ou son refus du legs Marion. M. le Secrétaire perpétuel expose que le notaire de l'Académie est actuellement en pourparlers avec l'exécuteur testamentaire et avec les héritiers de M. Marion pour étudier, s'il y a lieu, une entente transactionnelle sur les conditions auxquelles est subor

donnée la libéralité, pour le cas où la quotité de la donation devrait être réduite par suite de la liquidation du passif de la succession. Il est donc absolument impossible, présentement, de connaitre et la somme qui reviendra à l'Académie et l'étendue des charges qu'impliquera sa délivrance par suite, il n'est pas possible de se prononcer d'ores et déjà sur l'acceptation ou le refus de ce legs, et toute décision à cet égard doit être provisoirement ajournée. - M. le Secrétaire perpétuel, dont les conclusions sont adoptées, est chargé de répondre dans ce sens à la lettre de M. le Préfet.

M. le Président demande à l'Académie de se prononcer définitivement sur l'allocation du prix d'honneur de philosophie demandé par M. le Proviseur du Lycée Lamartine dans les termes qui ont été lus le 1er mars. A la séance d'avril, la question d'ailleurs étudiée par le bureau a été complètement et abondamment discutée à tous les points de vue, et la décision en a été définitivement remise à la séance de mai. Aucune observation nouvelle n'étant présentée, l'Académie décide la création d'un prix qui, chaque année dans la distribution solennelle des prix du Lycée Lamartine, sera décerné comme prix de dissertation française de la classe de philosophie, sous le titre de prix d'Honneur offert par l'Académie de Mâcon. L'Académie se réserve le choix des volumes qui constitueront ce prix l'importance du crédit à ouvrir de ce chef au budget des dépenses sera fixée au moment de l'élaboration du budget de chaque année.

L'ordre du jour des affaires d'ordre intérieur étant épuisé, la séance est momentanément suspendue, puis reprise avec les membres associés dans le grand salon de l'Hôtel Senecé.

M. Jean Martin, de Tournus, a la parole pour prononcer son discours de réception comme membre titulaire. Le récipiendaire évoque tout d'abord en termes excellents le souvenir de son regretté prédécesseur M. Bouchard et remercie l'Académie de l'honneur qu'elle lui a fait en l'appelant à lui succéder, puis il présente une étude très documentée et très nourrie sur l'abbaye de Tournus, ayant pour objet spécial d'indiquer les époques de construction ou de modification de l'église, de l'abbaye, des bâtiments claustraux dont la plupart, désaffectés depuis plusieurs siècles de leur destination primitive, tendent tous les jours à disparaître.

Il prend donc son départ en 875, à l'époque où « Geilon, à la tête d'une congrégation errante, obtint de Charles le Chauve l'abbaye de Saint-Valérien, le château de Tournus qui dépendait de la

même abbaye et la ville de Tournus (Turnutium villam) avec tous ses habitants de l'un et de l'autre sexe, et tout ce qui en dépend », et il nous mène jusqu'en 1790, où le château et l'abbaye, sauf l'église, furent vendus comme biens nationaux.

Le travail de M. Martin est conduit avec une sûreté parfaite, tout l'auditoire en suit avec le plus attentif intérêt la lecture, et chacun félicite son auteur de la conscience qu'il met dans ses recherches et dans tous ses travaux.

M. le Président répond à M. Martin. Il salue en lui « un travailleur, un hardi et rude pionnier de la science archéologique, de cette science qui, comme l'épigraphie, n'est plus seulement, de nos jours, l'auxiliaire de l'histoire, mais est devenue l'histoire même ». M. Reyssié fait une substantielle analyse du travail de M. Martin sur les sépultures barbares des environs de Tournus. Ce travail d'un si haut intérêt local et que l'Académie a publié à grands frais dans les Annales de 1897, a fait à son auteur le plus grand honneur, et tout ce qu'en dit M. Reyssié est parfaitement justifié.

Venant ensuite à l'étude présentée tout à l'heure par M. Martin, M. Reyssié loue celui-ci non seulement de ce qu'il a écrit sur Tournus, sur l'abbaye, sur la basilique, mais de tout ce qu'il a fait matériellement. pour sa chère ville, de ses fouilles, de ses déblaiements, de ses restitutions archéologiques. Et finalement, il parle du musée dont M. Martin n'est pas seulement le conservateur, mais le créateur. L'oeuvre de Greuze a trouvé en lui un collectionneur passionné, un classificateur attentif et très avisé, et le travail qu'il a consacré avec patience au plus illustre enfant de Tournus est un véritable monument d'art et de science.

Bref, M. Reyssié termine en déclarant que le nouveau récipiendaire si méritant et si modeste honore également et la ville de Tournus qui lui a donné le jour, et la Compagnie mâconnaise qui est heureuse de le compter parmi ses membres les plus distingués.

Cette fin est saluée par les applaudissements de tous, qui s'adressent aussi bien aux mérites de M. Martin qu'à la façon dont ils viennent d'être analysés et proclamés par le discours de M. Reyssié.

La parole est donnée à Mgr Rameau pour la lecture d'une étude sur le Maréchalat et le Sénéchalat de l'abbaye de Tournus.

Dans ce travail, notre érudit confrère nous édifie sur ces deux offices, dont les titres semblaient réservés autrefois aux grands dignitaires de la couronne royale; il nous indique leur nature, leur durée et

la succession de leurs détenteurs. Un acte de 1541 dit qu'à l'entrée d'un nouvel abbé, le maréchal « menait la mulle, mullet ou aultre beste sur laquelle il serait monté, par la bride dès la première porte de ladite ville jusques à la grande porte de ladite abbaye, après quoi il prenait à son profit ladite mulle ou mullet, ou, au lieu de ce, la valeur. »

Cet acte de 1541 dit encore que le maréchal avait droit de prendre chaque jour à l'abbaye les aliments d'un religieux et « deux porcions monachalles de vin ». Le maréchal devait avoir aussi, pense Mgr Rameau, des attributions plus ou moins militaires; quant au sénéchal qui, dans les derniers siècles, cumula ses fonctions avec celles du maréchal, il était préposé aux vivres et à la direction du réfectoire. Ces deux titres ont dû devenir des titres sinon sans bénéfices, du moins sans fonctions, car depuis la fin du xvIe siècle ceux qui les possédaient héréditairement habitaient Mâcon, c'est-à-dire loin de Tournus et loin de l'abbaye.

Trois familles seulement furent investies de ces offices de 1349 à 1745 1o celle de Jacquet de Chaney; 2o celle des de Sagie, de Mâcon ; 3o celle des Lhuillier ou Lhuilier, de Mâcon également. A ce propos, Mgr Rameau précise l'identité d'un Lhuilier de cette famille, auteur des Noëls mâconnais en patois du pays, dont une édition, aujourd'hui à peu près introuvable, fut publiée à Mâcon, chez Jean-Adrien Desaint, sans date, et qui furent réédités à la suite des Noëls bourguignons de la Monnoye (Paris, Aubry, libraire, 1858), par notre distingué compatriote associé M. Fertiault. M. Fertiault les attribuait à « l'abbé Luilier, originaire et curé de Fuissé ». Or, il n'y eut jamais à Fuissé de curé de ce nom, et d'ailleurs l'avertissement de l'auteur des Noëls est signé le P. Lhuilier. Ce P. Lhuilier, frère de Pierre Lhuilier, maréchal et sénéchal héréditaire de l'abbaye de Tournus, était né à Mâcon et était, en 1669, religieux capucin au monastère de Mâcon il était, du reste, parfaitement familiarisé avec le langage et les idées des gens de Fuissé où sa famille possédait un vignoble, et c'est bien lui le naïf et spirituel auteur des Noé Moconnais.

Les notes fort intéressantes relevées par Mgr Rameau nous montrent, en 1745, les titres du maréchalat et du sénéchalat en la possession de Joseph Lhuilier, secrétaire des États du Mâconnais, et à cette époque le chapitre de Tournus, jugeant sans doute inutilement onéreuse la pérennité de ces charges dont les bénéfices ne correspondaient plus à aucun service, racheta dudit Lhuilier, « moyennant la somme de «2.400 livres, l'office et état de sénéchal et maréchal perpétuel hérédi

XLIV

<< taire de l'abbaye royale de Tournus, avec tous les droits, émolu«ments, gages et honneurs y attribués, pour estre ledit office réuni « et incorporé à la masse capitulaire dudit chapitre. »

Tel fut la fin du maréchalat et du sénéchalat de l'abbaye de Tournus. Cette lecture, d'un intérêt local très curieux, est écoutée avec un grand plaisir, et Mgr Rameau est une fois de plus félicité de ses heureuses trouvailles dans nos archives et de la sagacité déliée avec laquelle il sait en coordonner les résultats, pour éclairer la vie publique des familles notables de notre Mâconnais.

M. le Président invite alors M. Gindriez, de Chalon, membre associé présent, à lire son étude inscrite à l'ordre du jour de la séance et écrite par lui à propos du livre de notre confrère M. Lucien Guillemaut : l'Histoire de la Bresse louhannaise.

Dans une causerie abondante, M. Gindriez nous parle de M. Guillemaut, de la Bresse louhannaise et de beaucoup d'autres choses. A vrai dire, on ne distingue pas avec une entière netteté son sentiment sur la valeur de l'ouvrage dont il prétend parler; le sujet lui-même disparaît peu à peu sous les détails d'une ornementation touffue, aux broderies chatoyantes. Écoutez ces jolies fugues de poésie et d'humour à propos du docteur Guillemaut : « Il emportait dans ses voyages (à travers sa Bresse) un esprit ouvert et curieux, l'amour du sol natal, cette sympathie mystérieuse qui nous met en communication avec les choses, en un mot cette puissance d'investigation et d'évocation qui fait l'historien. Des voix secrètes chuchotaient à son oreille; les vernes de la route murmuraient des mots qu'il ne comprenait pas encore : il croyait aller à ses malades, quand un guide perfide le conduisait à l'histoire. Et c'est le train du monde! quelques notes prises au hasard, quelques documents rassemblés, certaines trouvailles heureuses fixent votre destin; on croit avoir ces bibelots, et ils vous ont; vous les enfermez à double tour, et vous êtes leur prisonnier. Alors ces sirènes chantent et on les écoute. Dans cette musique il y a des paroles, et on les note; et c'est ainsi que M. L. Guillemaut est devenu l'historien de la Bresse. >> Et plus loin, parlant de « cet instinct obscur dont l'expression simpliste est l'amour du clocher et la forme morbide le mal du pays, « qui devient plus délicat quand on le cultive, plus vif quand on l'affine, plus pénétrant et plus actif lorsqu'en l'instruisant on lui donne une raison », il nous dépeint ses enchantements et ses prodiges « On sème alors, dit-il, véritablement sa vie. Tous les génies de la terre s'éveillent. La nature s'anime, la solitude se peuple, le silence

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