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et Guichard fils, avaient été enlevés comme otages par les Autrichiens et emmenés, à la suite de la colonne, à Mâcon, où ils se trouvèrent le lendemain 10 mars, jour de la bataille livrée aux troupes du général Munier, puis de là à Chalon-sur-Saône. Ils furent rendus à la liberté le 19 du même mois.

M. Mutin fit, en présence du conseil, le récit de leur captivité et demanda qu'il soit fait mention au procès-verbal de l'accueil hospitalier qu'ils avaient reçu des Chalonnais pendant leur séjour dans leur ville.

Quelques jours après ces événements, le maire de Cluny, M. Furtin, accompagné de deux membres du conseil municipal, se présentait au château de Cormatin. Après avoir manifesté à Mme la comtesse de Pierreclau leurs remerciements dans les termes les plus chaleureux, ils lui donnèrent lecture d'une adresse des habitants de Cluny et lui en laissèrent une copie, dont voici le contenu :

« Les maire, adjoints, juge de paix, suppléant, curés et notables de la ville de Cluny, soussignés, déclarent et attestent qu'en l'année 1814, lors de l'invasion étrangère, l'État-major de la colonne autrichienne, dirigée contre Cluny, s'établit au château de Cormatin où résidait Mme la comtesse de Pierreclau; que c'est aux bons offices de cette dame et à son généreux dévouement que la ville doit de ne pas subir les représailles auxquelles elle s'était exposée lorsque les alliés se présentèrent à ses portes; que le premier témoignage de reconnaissance exprimé à Mme de Pierreclau, par l'acte du conseil municipal du 27 mars 1814, lui sera renouvelé comme acte de justice et de vérité, dans toutes les circonstances où il lui sera agréable de le recevoir, le service qu'elle rendit aux habitants de Cluny devant être dorénavant, et pour toujours, gravé dans leurs cœurs. »

Suivent cent signatures.

Cette adresse était accompagnée d'un extrait de la délibération du 27 mars.

La population de Cluny voulut s'associer tout entière aux sentiments de ses magistrats. La première fois que Mme de Pierreclau traversa la ville, ses chevaux furent dételés et, malgré ses supplications de n'en rien faire, sa voiture fut traînée triomphalement par les habitants. Quand la tranquillité fut rétablie, la ville lui donna des fêtes superbes, terminées par un banquet et un bal, où elle eut le plaisir d'être complimentée par tous ses amis réunis. Enfin, pour perpétuer le souvenir du service rendu, le clergé émit le vœu que le nom de la bienfaitrice fût gravé sur les cloches des églises, afin que le nom de Mme de Pierreclau soit en quelque sorte répété à tous les échos par les vibrations. sonores de l'airain.

Si la guerre a ses heures lugubres, il en est d'autres où l'on voit les sentiments les plus généreux dont s'honore l'humanité briller d'un doux éclat à travers les éclairs sanglants des champs de bataille. L'épisode que je viens de raconter méritait, il me semble, d'être tiré de l'oubli. Il honore tous ceux qui s'y trouvèrent mêlés.

A. ARCELIN,

Membre titulaire de l'Académie de Mâcon.

EXCURSION DE L'ACADÉMIE

AU CHATEAU DE CORMATIN, A L'ÉGLISE DE CHAPAIZE, AU CHATEAU ET AU MENHIR DE NOBLES

ET AUX RUINES DE BRANCION

Le jeudi matin 25 septembre 1900, débarquaient à la gare de Cormatin 25 à 30 membres (titulaires ou associés) de l'Académie de Mâcon, entre autres MM. Arcelin, Chante-Grellet, Charmont, de Contenson, Dubel, Duréault, Gauthier, Lacroix, Paris, Virey, etc., etc.

M. le professeur Delore, de la Faculté de médecine de Lyon, dont l'annonce de candidature au titre de membre associé avait été accueillie avec une telle sympathie qu'il pouvait se regarder d'ores et déjà comme des nôtres, et plusieurs dames, entre autres Mme Lacroix, Mme et Mile Charmont, etc., s'étaient jointes à l'expédition.

A défaut de M. le président Reyssié qui, retenu par une indisposition, avait, de même qu'un grand nombre de confrères, envoyé l'expression de ses très vifs regrets, M. Arcelin, vice-président, assisté de MM. Duréault, secrétaire perpétuel, et Lacroix, trésorier, prit la direction de la caravane qui se rendit directement au château de Cormatin, possédé jusqu'en ces dernières années par notre confrère M. de Lacretelle, aujourd'hui décédé. Le nouveau propriétaire de cette magnifique demeure,

M. Gunsbourg, qui en a entrepris avec largesse la restauration et le réameublement, l'a enrichie d'une profusion de meubles de styles divers, d'une quantité d'objets anciens d'art ou de curiosité et d'une galerie de tableaux de toutes les écoles. Il a fait aux visiteurs, avec beaucoup de courtoisie et de bonne grâce, les honneurs de cette habitation seigneuriale qui, commencée par Antoine du Blé vers 1610, fut achevée par son fils Jacques du Blé vers 1616 ou 1617.

Le château de Cormatin formait autrefois un quadrilatère composé de trois corps de logis et d'une porte monumentale qui fermait la cour d'honneur. Cette porte a disparu depuis longtemps et l'aile gauche fut démolie en 1812.

Le corps du fond et l'aile droite subsistent seuls aujourd'hui. C'est dans l'aile droite que se trouvent les appartements historiques datant de l'époque de la construction et se composant actuellement de cinq pièces du rez-de-chaussée, décorées de boiseries et de peintures. Ils sont remarquables plutôt par la richesse de l'ornementation que par la pureté du style. On y voit un portrait équestre de Louis Chalon d'Uxelles, frère aîné du maréchal, tué en 1669 au siège de Candie; un trumeau de cheminée, attribué à Guido Reni: Vénus demandant des armes à Vulcain pour Achille; des paysages du peintre flamand Van der Veld. Le cabinet du maréchal d'Uxelles est la pièce la plus finie et la plus riche. On y a semé à profusion les peintures et les dorures. Sur la cheminée, une sainte Cécile, portrait, dit-on, d'une dame d'Uxelles; tout autour, des figures allégoriques : la justice, la réflexion, la force, la tempérance.

On monte au premier étage par un escalier monumental, en pierre, qui donne accès aux salles où le propriétaire actuel a installé sa galerie de peinture, dont la description ne peut être entreprise ici tant il y aurait de choses à signaler. Sauf les salles

historiques conservées intactes, tout le château, nous l'avons dit plus haut, a été restauré par M. Gunsbourg.

La visite s'est terminée par une promenade dans le parc, dont les eaux abondantes et les vastes ombrages encadrent merveilleusement cette belle demeure.

En somme, la visite à Cormatin est d'un véritable intérêt et mériterait qu'on lui consacre une journée entière: mais le temps était limité et la nécessité de remplir le programme de l'excursion projetée ne l'a pas permis ce jour-là.

Le déjeuner nous attendait à l'Hôtel de la Poste, et il fut mangé aussi gaiement que copieusement arrosé, car l'aimable châtelain de Cormatin, invité par nous à partager notre repas, avait absolument tenu à s'y faire précéder par un vaste panier de

vins variés et excellents.

Au sortir de table on prit en voiture le chemin de Chapaize dont la très remarquable église commandait une attention particulière.

L'église de Chapaize, que son clocher signale au loin, est le seul reste d'un ancien prieuré de l'abbaye de Saint-Pierre de Chalon c'est un des monuments les plus caractéristiques et les plus anciens de notre région.

M. Virey, qui l'a étudiée à fond dans ses belles recherches sur l'Art roman dans l'ancien diocèse de Mâcon, en fit les honneurs avec une remarquable compétence.

Construite au début de la période romane, vraisemblablement, d'après M. Virey, dans les premières années du xre siècle, l'église de Chapaize, de proportions assez vastes, comprend trois nefs: la nef principale est voûtée en berceau brisé et les collatéraux sont voûtés par des compartiments d'arêtes. Les gros piliers cylindriques qui supportent les retombées des grandes arcades et, par l'intermédiaire de colonnes engagées, les doubleaux de la

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