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Les caractères sur lesquels ont appuyé nos honorables correspondants pour attribuer ce buste à Trajan ont été :

1o La richesse du costume militaire;

2o Le bouclier hexagonal représenté sur le trophée qui orne la cuirasse et qui se voit sur les monnaies de Trajan (Cohen, Ire édition, no 53);

3° L'égide, parfois ornée, comme ici, d'une tête de Méduse, sur les monnaies de Trajan;

4o Le bouclier des Daces, semblable à celui qui se retrouve sur

la colonne Trajane;

5° La bosse du front;

6° Les rides du front;

7° L'abaissement des cheveux sur le frcnt;

8° La forme un peu ondulée du nez;

9° La largeur de la bouche;

10° Le pli de la lèvre supérieure;

11o Le sillon profond à la base du nez;

12o Les sillons profonds qui descendent des ailes du nez au

menton;

13° Les sillons qui coupent verticalement les joues dans leur région postérieure;

14° L'absence de barbe, tandis que les empereurs qui ont succédé à Trajan ont tous porté la barbe;

15° Enfin, la ressemblance de ce buste avec celui de Marciane, sœur de Trajan.

Les détails qui semblent caractéristiques et indubitables pour attribuer ce buste à Trajan sont nombreux; quelquesuns, cependant, ont été appréciés inversement: la cuirasse, en particulier, avec sa tête de Méduse, fait dire à un de nos correspondants : « C'est évidemment un empereur, car eux seuls

<< portaient la cuirasse avec tête de Méduse, à l'exception de Trajan, dont la cuirasse avait une tête d'Isis. »

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Cette même tête de Méduse sert de thème à quelques-uns pour affirmer que ce buste ne peut être celui d'un empereur romain, considérant que cette tête n'est pas un attribut impérial; ils en concluent que ce doit être l'effigie de quelque chef prétorien, ou d'un centurion.

D'autres ont même été plus loin, et dans leur réponse semblent contester l'authenticité du morceau, précisément à cause de la tête de Gorgone dans le bouclier recroquevillé. D'ailleurs, chacun des caractères déjà indiqués a été diversement apprécié et a servi de pivot aux argumentations les plus dispa

rates.

Quelques personnes ont trouvé que la facture de ce buste était lourde, peu affinée, due probablement à un artiste médiocre. Plusieurs de nos correspondants en fixent l'époque à la fin du Ie siècle ou au début du ive, et le rapprochent des bustes en marbre trouvés en grand nombre aux Martres Tolosanes, vers 1830.

D'autres, au contraire, ne craignent pas d'affirmer que ce morceau a été très probablement apporté de Rome, qu'il est dû à un artiste grec ou romain, qu'il est d'un beau style, qu'il a une grande valeur et mérite les honneurs d'un grand musée, ajoutant que les sculptures gallo-romaines sont beaucoup plus grossières et attestent une pénible décadence de l'art. Le fini de certains détails remarqués dans ce buste ne laissent pas de doute sur son origine et sa date.

En tout cas, d'un avis un peu général, ce serait l'effigie de Trajan, déjà un peu âgé.

Cette diversité d'opinion vous démontre, Messieurs, que la question est loin d'être tranchée. Le sera-t-elle jamais? Et n'en

est-il pas souvent de même en face de tout morceau antique, lorsque manquent certains caractères absolument probants, ne permettant pas le doute.

Pour nous, s'il nous est permis de formuler une opinion, après tant d'hommes compétents qui nous ont adressé la leur, nous dirions l'artiste a eu l'intention de représenter Trajan; c'en est bien le profil, mais l'inhabileté du sculpteur n'a pas donné aux traits la même valeur de face, et la trop grande largeur de la tête diminue la beauté et l'harmonie de l'ensemble, supprimant par là-même l'unité de la ressemblance.

C'est comme une photographie faite par un débutant dont l'appareil ne serait pas placé exactement en face du sujet et à hauteur convenable; dans ce cas-là, vous le savez, la physionomie est déformée.

Quant à la destination de ce buste, les réponses reçues sont presque unanimes pour le considérer comme ayant été un ornement dans une villa somptueuse, chez quelque riche galloromain.

D'autres ont voulu y voir quelque présent fait par l'empereur lui-même à un fidèle serviteur ou à un centurion.

Quelques-uns ont pensé qu'il avait pu être une effigie impériale destinée à être présentée à la foule et portée au haut d'une hampe, pendant les cérémonies. Mais il nous semble que ses dimensions relativement exiguës, la présence du trou inférieur, destiné évidemment à contenir un goujon, dans le but de le fixer sur un socle, ne laissent aucun doute sur sa destination d'ornement, en même temps que de glorification du maître, dans la demeure d'un citoyen fortuné de la région.

D'ailleurs, la localité d'où provient ce buste a été très riche en débris de l'époque romaine: vases, monnaies, lampes, ustensiles de fer, de bronze, armes, etc., et M. Picot, l'un de nous, pendant

son séjour à Cormatin, a pu rassembler une collection des plus riches, des plus variées. D'autre part, M. le capitaine Hannezo, un de nos associés correspondants, a fait paraître un travail très intéressant sur des hipposandales trouvées dans la même région. La tradition locale rapporte qu'une ville romaine tout entière existait non loin de là; et il serait désirable que des fouilles méthodiques pussent être entreprises pour remettre au jour les richesses que la terre a peut-être recouvertes.

Mâcon, 25 mai 1899.

Dr BIOT,

Secrétaire adjcint de l'Académie de Mâcon.

H.-F. PICOT,

Membre associé de l'Académie de Mâcon.

Cette

note était achevée, lorsque nous avons reçu de M. Joulin, de Toulouse, directeur des poudres et salpêtres, une très aimable lettre, par laquelle il nous signalait l'existence, dans les vitrines du Musée d'Arles, d'une tête, sans corps, qui lui avait semblé très exactement semblable à celle de ce buste, mais il n'a pu avoir aucun renseignement sur ce fragment, qui ne portait aucune inscription. De notre côté, le temps nous a manqué pour échanger avec le conservateur du Musée une correspondance qui aurait peut-être apporté quelque indication complémentaire.

L'ARCHÉOLOGIE BARBARE

DANS LE DÉPARTEMENT DE SAONE-ET-LOIRE

DURANT LA PÉRIODE BURGONDE

La partie orientale du département actuel de Saône-et-Loire, et principalement les bords de la Saône, me paraissent avoir été occupés par les Burgondes, dès les premiers temps de leur prise de possession du sol gaulois.

En 443, lorsque l'empereur Valentinien II concéda à ces barbares, culbutés, refoulés par les hordes d'Attila, une vaste étendue de territoire où il leur fut permis de se fixer, il est probable qu'ils se répandirent et rayonnèrent même au delà des limites qui leur étaient assignées, non par troupes nombreuses, mais par groupes isolés, par familles peut-être; sans opposition de la part de la population gallo-romaine, tant leurs mœurs douces et paisibles étaient loin de porter dans les campagnes l'effroi qu'y répandaient les Francs, tant leur caractère savait se plier aisément aux coutumes romaines.

C'est là une particularité qui me semble résulter des faits nombreux que j'ai pu constater dans les six cents lieux environ de sépultures, relevés dans la Burgondia (Bourgogne française et Suisse occidentale). Il n'est pas rare, en effet, de découvrir de

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