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PRÉFACE

En 1866 je faisais au Collège de France un cours sur l'histoire des faits et des doctrines économiques. Je pris pour sujet la question du luxe. Des raisons diverses me déterminaient dans ce choix. D'abord cette question était, comme on dit, à l'ordre du jour. Le développement du luxe l'avait posée devant l'opinion. Le théâtre en montrait les abus unis à ceux de l'agiotage. Les livres et les brochures se multipliaient pour ou contre le luxe privé. Le luxe public soulevait les mêmes discussions. Les sciences qui s'occupent des questions sociales ne pouvaient s'abstraire d'un si grand intérêt. Un motif plus théorique me guidait aussi. La plupart de ces solutions me paraissaient peu satisfaisantes: la question était souvent mal posée; on aboutissait presque toujours à des satires ou à des apologies également excess ves. Ceux-ci ne voulaient pas tenir compte de l'élément de luxe que toute civilisation renferme. Ceux-là sacrifiaient la morale à

certaines formes brillantes de la richesse et au plaisir. Trouver le nœud de ces contradictions, les concilier dans une vue scientifique supérieure, au profit de tous les grands principes, était fait pour tenter un professeur, qui avait de longue date pris comme objet de son enseignement l'union de la morale et de l'économie politique.

En une année de cours j'avais réussi à dire à peu près ce que je voulais là-dessus, c'est-à-dire l'essentiel. J'avais pu juger avec une sévérité trop justifiée le mauvais luxe sans lui offrir en holocauste la richesse, la civilisation, le juste développement des facultés humaines.

Mais il m'avait fallu négliger une quantité de développements historiques, qu'un enseignement comme celui dont j'étais chargé n'aurait pu donner sans perdre

son caractère.

Ces développements historiques m'attiraient singulièrement. Décidément mon sujet m'avait conquis plus que je ne croyais moi-même. J'y revenais en dehors de toute préoccupation d'enseignement. Je me mis à en faire désormais l'objet de recherches suivies, qui se rattachaient aux mêmes principes, mais qui avaient leur importance et leur intérêt à part. Avec un cadre ainsi agrandi, ce n'était plus à un auditoire, mais à un public de lecteurs, que je pouvais songer à m'adresser. Voilà comment ce qui fut la matière d'un cours pendant une année seulement, a pu devenir un livre qui n'a cessé de m'occuper pendant douze ans. Le livre ne devait

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