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trer un nouveau succès obtenu par Pichegru, par Moreau, par Jourdan, par Hoche.

Les Pays-Bas conquis sur l'Autriche, et la portion que la Hollande nous avait cédée, furent déclarés partie intégrante de la France et formèrent neuf départements dont voici les noms et les chefs-lieux : les Deux-Nèthes, Anvers; la Dyle, Bruxelles; la Lys, Bruges; l'Escaut, Gand; Jemmapes, Mons; Sambre-et-Meuse, Namur; les Forêts, Luxembourg; l'Ourthe, Liége; la Meuse inférieure, Maestricht. La rive gauche du Rhin, réunie de fait, ne fut pas organisée encore.

Ces accroissements de territoire, fruits d'une juste conquête, pouvaient à peine compenser l'accroissement qu'avaient pris injustement la Russie, l'Autriche et la Prusse, en s'emparant de la Pologne sans aucun droit, et en faisant trois partages successifs de ce pays, qui disparut alors de la carte d'Europe.

Le moment était arrivé où la Convention allait en apparence se dissoudre et en réalité se reconstituer sous la triple forme de Directoire, Conseil des Anciens et Conseil des Cinq-Cents.

Par deux dernières lois, qu'avait proposées Tallien, elle exclut, jusqu'à la paix, des fonctions publiques les parents et alliés des émigrés, et tous les citoyens qui, dans les assemblées ou électorales ou primaires, avaient signé des arrêtés ou adresses liberticides;

Et elle accorda une amnistie complète à tous les faits révolutionnaires et annula toutes les procédures commencées mais cette amnistie ne s'étendait ni aux faits de royalisme, ni aux émigrés, ni aux prêtres;

En outre elle déclara qu'après la paix la peine de mort devrait être abolie.

Ce furent là les derniers décrets de la Convention.

Elle en avait rendu 8366.

Elle avait siégé trois ans un mois et quatre jours.

Le nouveau tiers pris en dehors de la Convention était en général composé d'hommes qui représentaient l'opinion dominante alors en France, c'est-à-dire qui aimaient la Révolution et qui détestaient les crimes commis en son nom: Tronchet, Portalis, Siméon, Pastoret, Vaublanc, Dupont (de Nemours), Mathieu-Dumas, Barbé-Marbois, Tronçon-Ducoudray. Les Conventionnels prirent leurs précautions contre ce nouveau tiers, et, se trouvant en immense majorité, s'entendirent pour ne nommer au Directoire que des hommes qui eussent voté la mort du roi; les élus furent Barras, Laréveillère-Lepaux, Rewbel, Letourneur, Sieyès. Mais Sieyès, mécontent de ce que, dans la rédaction de la constitution nouvelle, ses idées n'avaient pas prévalu, refusa, pour cette fois, et se fit nommer ambassadeur en Prusse; Carnot fut nommé directeur à sa place.

Le conseil des Anciens siégea au palais des Tuileries;

Le conseil des Cinq-Cents siégea provisoirement dans le magnifique édifice du Manége, remplacé aujourd'hui par les no 34, 36, 38 de la rue de Rivoli, et s'installa un an plus tard au palais Bourbon, appelé aujourd'hui palais du Corps législatif;

Le Directoire eut pour résidence le palais du Luxembourg.

C'est le 5 novembre 1795 que le nouveau gouvernement de la République française fut installé et que la France passa de la dictature révolutionnaire sous un régime constitutionnel.

DIRECTOIRE.

CONSTITUTION DE L'AN III.

XXXIV

COMPLOTS DE BABEUF, DU CAMP DE GRENELLE, DU CAMP
DES SABLONS.

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La Révolution semblait finie. Cependant, comme nous allons voir, elle ne l'était pas; mais les mouvements populaires avaient pris fin; les masses en étaient lasses et n'en voulaient plus; c'est à la surface seulement que l'agitation allait encore se produire; cette mer terrible que venaient de bouleverser les ouragans du 14 juillet et du 10 août, les tempêtes du 30 juin et du 1er prairial, devait plus se remuer qu'au souffle de l'intrigue. Tandis qu'à l'extérieur nos armées se couvraient d'une gloire immortelle, nous n'avons, nous, historien du mouvement intérieur, rien de grand, rien d'émouvant à raconter; point d'orateurs célèbres; les débats législatifs de cette époque n'ont ni intéressé les contemporains, ni laissé de trace dans l'histoire; elle a enregistré seulement quelques coups d'Etat et quelques complots jusqu'à l'acte du 18 brumaire, qui emporta et le gouvernement créé par la constitution de l'an III et cette constitution même.

Le premier de ces complots causa, lorsqu'il fut découvert, un véritable effroi. Les Jacobins, qui se réunissaient

dans le Panthéon, au nombre de près de quatre mille (car la liberté avait été rendue aux clubs politiques), préconisaient sans cesse dans leurs discours les journées de septembre, auxquelles ils ne reprochaient que d'avoir été incomplètes, et se livraient à des déclamations si violentes, que le Directoire les chassa du Panthéon et obtint du Corps législatif une loi réglementaire des clubs. Leurs doctrines alors, s'exagérant de plus en plus, eurent pour organe le Tribun du peuple, journal rédigé par le plus exalté d'entre eux, qui signait Caïus Gracchus Babeuf. Babeuf prêchait ouvertement le partage des terres et d'autres mesures qui devaient amener la dissolution du corps social. Le gouvernement, qui fit épier ses démarches, acquit bientôt la certitude que, non content de prêcher, il conspirait.

En effet, une vaste conjuration avait été ourdie par lui, par le fameux Drouet, alors membre du conseil des CinqCents, et par Darthé, qui, du temps de la Terreur, à Arras, avec Lebon, contraignait les filles des condamnés de danser avec lui la veille du supplice de leurs pères. Les conjurés enrôlés par ces chefs à Paris étaient déjà nombreux, et les ramifications du complot s'étendaient dans les départements. Soulever les faubourgs, égorger le Directoire et les principales autorités, chasser les conseils, réunir sur-le-champ une assemblée dictatoriale formée de Jacobins d'élite, déjà désignés; puis assurer ce que les conspirateurs appelaient le bonheur commun, provisoirement par le pillage des propriétés, et ensuite définitivement par leur partage, tel était le plan. Tandis que Babeuf, Drouet, Darthé, s'en occupaient activement, le gouvernement veillait sur leurs démarches. Tous trois furent arrêtés, rue Bleue, dans la maison d'un menuisier, où ils avaient convoqué un grand nombre de leurs complices; mais il n'y eut que soixante-cinq arrestations, car le complot avait été organisé si habilement que la plupart des

conjurés ne se connaissaient pas entre eux et ne savaient pas quels étaient les chefs.

Le Directoire fit traduire les conjurés devant la haute Cour, à Vendôme; la Constitution nécessitait cette juridiction exceptionnelle, parce que Drouet était député.

Mais Drouet ne fut point emmené à Vendôme. Le Directoire, ne voulant pas faire tomber la tête de l'homme qui, à Varennes, avait livré Louis XVI, le fit évader.

Le procès des conspirateurs dura près d'un an. Les preuves étaient à peu près nulles. Tous furent acquittés, à l'exception de Babeuf et de Darthé, qui furent condamnés à mort. Après le prononcé de l'arrêt, le jeune fils de Babeuf, âgé de onze ans, s'étant jeté dans ses bras au milieu des gendarmes, lui remit secrètement un poignard, et glissa aussi un poinçon à Darthé. Babeuf se perça du poignard, Darthé du poinçon. On laissa les armes dans leurs plaies, afin de prolonger leurs souffrances; et, le lendemain, quand on les guillotina, leur agonie durait encore. Leurs corps furent jetés sans sépulture sur un grand chemin; quelques passants, émus de pitié, les recouvrirent d'un peu de terre.

Il y eut aussi un autre complot jacobin, celui du camp de Grenelle. L'armée de l'intérieur était campée dans cette plaine, près de Paris. Sept ou huit cents Jacobins, ayant à leur tête quelques ex-conventionnels terroristes, voulurent soulever cette armée, sous prétexte de fraterniser; c'était de très-grand matin, avant que la diane eût sonné. Le chef d'escadron Malo, qui les voit arriver, sort à la hâte de sa tente, à demi habillé, réunit quelques dragons et charge les agitateurs à coups de sabre; plusieurs furent blessés ; cent trente-deux furent arrêtés; le reste s'enfuit. On en fusilla un assez grand nombre, entre autres l'évêque constitutionnel de la Creuse, Huguet.

Ce n'était pas seulement les Jacobins qui conspiraient. Il y avait aussi des complots royalistes. Tandis que la

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