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merce, et il fut permis de faire usage d'or et d'argent;

Le décret qui déclarait hors la loi toutes les personnes désignées sous l'appellation d'ennemis de la patrie et tous les citoyens qui leur donnaient asile, fut annulé;

Il fut décrété qu'aucune assemblée ou autorité quelconque ne garderait ou ne prendrait le titre de révolutionnaire ;

Le nom de la place de la Révolution fut changé en celui de place de la Concorde.

Pendant que l'ordre se rétablissait à l'intérieur, la France se montrait à l'extérieur plus redoutable que jamais.

Partout nos armées, chassant l'ennemi devant elles, faisaient sur son territoire de nouveaux progrès. Il n'osait plus sur aucun point livrer de grande bataille; mais tous les jours la nouvelle de quelque place forte conquise par nos soldats sur les rives du Rhin, en Belgique, en Hollande, en Espagne, venait exciter l'allégresse générale.

Au milieu de tous ces exploits, la conquête de la Hollande, par Pichegru, fut comme une merveilleuse transition entre la campagne de 1794 et celle de 1795. Elle eut lieu pendant l'hiver. Pichegru attendit que le Wahal fût entièrement gelé; alors, secondé de Souham et de Macdonald, il fait passer toutes nos troupes sur la glace; l'armée hollandaise et anglaise, frappée de terreur, n'essaye pas même de se défendre, et se disperse ou se rend. Le prince d'Orange s'enfuit en Angleterre. Toutes les villes se soumirent à nos troupes, qui se firent admirer par leur discipline autant que par leur bravoure.

Ce qui signala surtout cette campagne, ce fut la prise de la flotte hollandaise, mouillée près du Texel. Pichegru, ne voulant pas qu'elle eût le temps de se détacher des glaces et de faire voile vers l'Angleterre, envoya pour la prendre une division de cavalerie et quelques batterie

d'artillerie légère. Le Zuyderzée était gelé; nos escadrons traversèrent au galop ces plaines de glace, et la flotte se rendit à eux.

La paix fut conclue avec la Hollande, qui prit ensuite le nom de République batave; et non-seulement la paix, mais aussi une alliance offensive et défensive fut conclue. Sieyès en fut l'heureux négociateur.

Presque au même moment, la grande coalition européenne vit se détacher un de ses membres les plus puissants, malgré les efforts de Pitt: la Prusse demanda la paix. Au nom de la France, Barthélemy à Bâle en fixa les conditions. Il fut convenu que les troupes françaises abandonneraient la partie des États prussiens qu'elles occupaient sur la rive droite du Rhin et conserveraient celle qu'elles occupaient sur la rive gauche; la France s'engageait à ne pas traiter en ennemis ceux des princes allemands à qui le roi de Prusse accorderait sa médiation.

L'Espagne aussi se lassa d'une guerre qui l'épuisait inutilement. Dugommier, vainqueur à la Montagne Noire, y avait péri frappé d'un obus. Mais déjà son successeur Pérignon s'était emparé de Figuière et de Rosas, et menaçait Barcelone; Moncey avait pris Villaréal, Bilbao, Vittoria, et allait envahir la Vieille-Castille. Le cabinet de Madrid demanda la paix. Ce fut encore Barthélemy qui à Bâle signa ce traité. Nous rendîmes à l'Espagne les places que nous avions conquises sur elle, et elle nous céda la partie espagnole de Saint-Domingue. A la nouvelle de ce traité, l'Espagne fit éclater, comme la France, la plus vive joie, et le ministre favori du roi d'Espagne, le fameux Godoï, reçut à cette occasion le titre de prince de la Paix.

FIN DE LA CONVENTION.

XXXIII

JOURNÉE DU 13 VENDÉMIAIRE

AN IV (5 OCTOBRE 1795).

Depuis le 9 thermidor, la Convention avait cessé la guerre que, sous la domination des Montagnards, elle avait déclarée à la civilisation, aux lettres et aux arts; quoique toujours implacable envers les prêtres non assermentés, elle permit, sur le rapport de Lanjuinais, la célébration des cultes dans les édifices qui y étaient originairement destinés.

Elle mit les monuments publics sous la garde des autorités constituées; et on cessa de les mutiler sous prétexte d'effacer les vestiges de la féodalité ou du christianisme.

Pour réorganiser l'enseignement public, elle établit à Paris une grande École normale, où furent appelés de tous les départements les hommes instruits qui voulurent se former à l'art d'enseigner; les cours étaient professés par les plus hautes capacités de cette époque, si féconde en talents; puis, des établissements d'enseignement semi-secondaire, semi-supérieur, furent institués dans les départements, sous le nom d'écoles centrales. Paris eut de hautes écoles de médecine et de législation.

La Convention créa, en remplacement des académies qu'elle avait supprimées, l'Institut de France, composé des cinq classes ou académies qui subsistent encore. Sieyes n'oublia pas de s'y faire placer.

Elle créa le Conservatoire de musique; celui des arts et métiers.

Elle établit l'uniformité des poids et des mesures dans toute la France et leur donna pour base le système métrique. Elle créa le Bureau des longitudes, et le composa

d'hommes du plus haut mérite: Lagrange, Laplace, Lalande, Cassini, Méchain, Delambre, Bougainville.

Elle fonda l'École polytechnique, qui eut pour premiers professeurs Monge, Prony, Fourcroy, Guyton-Morveau, Berthollet, Vauquelin, Chaptal.

En un mot, elle parut entrer dans les voies d'une république grande et glorieuse, favorable à tous les progrès de la civilisation, à toutes les aspirations du génie, puissante à la fois par les armes et par tous les arts de la paix.

Tandis que, victorieuse au dehors et au dedans, la Convention s'occupait ainsi à rétablir l'ordre et aussi à discuter la constitution nouvelle, le feu de la guerre civile menaçait de se rallumer.

L'aversion déclarée de toute la population pour les Terroristes avait ranimé les espérances des émigrés et des royalistes de l'intérieur.

La chouannerie, qui n'avait jamais cessé en Bretagne, fut organisée avec beaucoup d'habileté par Puisaye, dans toute l'étendue de cette province et dans quelques cantons de la Normandie.

Lorsque Puisaye crut que la chouannerie pouvait se transformer en une véritable guerre, il courut à Londres, où une foule d'émigrés français étaient réunis ; il obtint de Pitt de les former en corps d'armée et lui promit qu'à l'arrivée de cette armée une insurrection générale royaliste, préparée et organisée par ses soins, éclaterait sur tous les points de la Normandie et de la Bretagne, et que le feu mal éteint de la Vendée se rallumerait. En effet, Charette reprit les armes dans la basse Vendée, et, à la tête de douze mille hommes, fit quelques progrès; et Stofflet, ranimant les débris de la haute Vendée, releva aussi le drapeau blanc. L'armée des émigrés se forma, à Londres, sous le commandement de d'Hervilly, ancien chef de la garde constitutionnelle de Louis XVI; il avait pour premier lieutenant Charles de Sombreuil, frère de la jeune fille que

son dévouement a rendue illustre. Comme presque tous les émigrés voulaient un grade, on leur donna pour soldats un grand nombre de prisonniers de guerre, qui saisissaient cette occasion de rentrer dans leur patrie, mais avec la pensée secrète de déserter aussitôt et de se joindre aux républicains.

Un immense armement fit donc voile des côtes d'Angleterre pour la France; 10 000 soldats, des munitions et des armes pour 80 000, des habits pour 60 000, des canons et autres pièces d'artillerie de tout calibre, des provisions de bouche en abondance, deux millions en or, et, à ce qu'on dit, une assez grande quantité de faux assignats, fabriqués à Londres, chargeaient plus de cent bâtiments de transport qu'escortait une flotte anglaise de quinze vaisseaux de ligne. Une flotte française était aussi en mer; un engagement eut lieu, l'avantage resta aux Anglais. D'Hervilly et ses émigrés purent débarquer en Bretagne, sur la plage de Carnac, où Puisaye les attendait pour se joindre à eux, à la tête de quelques milliers de chouans.

Hoche, à la tête d'une armée républicaine, s'avançait rapidement vers ce point. Les deux généraux royalistes, après avoir perdu huit jours à se disputer le commandement en chef, et s'être vus pendant ce temps abandonnés d'un grand nombre de leurs soldats, s'emparèrent de la presqu'île de Quiberon, et du fort Penthièvre, qui en défend l'accès du côté de terre; quittant la plage de Carnac, que l'armée de Hoche allait envahir, ils s'établirent dans l'étroite presqu'île, sous la protection de leur fort et du feu de l'escadre anglaise. Là, ils attendaient un renfort de 10 000 Anglais, que Pitt avait promis et qu'il n'envoya pas. Ils espéraient aussi voir arriver Charles-Philippe comte d'Artois; mais ce prince fut retenu à Londres. Dans un combat de nuit contre les troupes républicaines, au débouché de la presqu'île, d'Hervilly fut blessé à mort. La confusion se mit alors dans l'armée royaliste. Un com

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