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B--Développement.

(Devoir d'élève).

Les mains sont les organes des organes.

Avec la raison, elles l'empire sur tous les

sont le privilège de l'homme, et lui contèrent animaux. La main est caractérisée spécialement par l'indépendance du pouce, qui est opposable aux autres doigts. Ce caractère ne se trouve que chez le singe, qui est dépourvu de pieds proprement dits, propres à la marche verticale: les diverses variétés de singe sont quadrumanes, à la différence de l'homme, qui est bimane et bipède.

La main humaine, dans son aspect général, paraît enveloppée de grâce et de charmes, merveilleuse de vigueur et de dextérité, de sensibilité et de souplesse: c'est un chef-d'œuvre dont la valeur est incomparable, et rien ne saurait suppléer son absence.

Ce chef-d'œuvre est formé d'un grand nombre de petits os, aussi résistants que délicats. Liés et soudés entre eux, ils dessinent à la base le poignet, au centre la paume, aux extrémités les doigts, siège principal du toucher. Les spécialistes ont compté jusqu'à vingt-sept muscles qui ornent et meuvent la main. N'estce pas ce qui en explique la souplesse, l'agilité, la combinaison diverse des signes et de la pose des doigts?

Forte et résistante, la main est l'instrument des métiers et des arts mécaniques. Laboureurs, ouvriers, artisans, serviteurs et manœuvres, toute une catégorie immense de l'humanité doit tout à la main. C'est une banalité de tenter un essai sur le travail des mercenaires épars sur la surface du globe.

Il ne faut pas tant d'art pour conserver ses jours,
Et, grâce aux dons de la nature,

La main est le plus sûr et le plus prompt secours.

LA FONTAINE (Fables X. 15.)

Elle est belle et bonne, cette main noircie et calleuse de l'homme des champs, dont le creux s'emplit de grains de blé qu'il jette en terre et plus tard d'épis de froment qu'il moissonne avec joie !... Elle est belle et bonne, cette main de la ménagère "mise à la pâte," rougie dans l'eau du lavoir, brûlée aux tisons du foyer, ou tirant et poussant l'aiguille laborieuse et infatigable !... Elle est belle et bonne, cette main robuste et potelée du pauvre ma

nœuvre qui brasse le mortier et le ciment, les briques et les pierres ; du modeste ouvrier taillant le marbre ou le granit, minant le rocher, chargeant les tombereaux, tendant le fil électrique, émondant les arbres, conduisant l'attelage !... Belle et bonne aussi, la main de l'artisan qui tisse le coton, la laine, la soie, qui tanne les peaux et vernit le cuir, qui travaille le verre, le fer, la fonte, l'acier, qui, en un mot, s'emploie sans relâche, et l'on dirait sans fatigue, aux productions métallurgiques, industrielles, artistiques.

Tantôt

Fine et légère, délicate et habile, la main de l'artiste exécute les œuvres et les chefs-d'œuvre de l'esprit et du cœur. elle tient le pinceau et la palette, et inspirée par le génie, elle peint les figures immortelles de Vierges de Raphaël, la Cène de Léonard de Vinci, l'Assomption de Murillo, l'Angelus de Millet; tantôt, elle saisit le ciseau et le marteau, et, guidée par l'idéal, elle tire du marbre le Moïse de Michel-Ange, le Vénus de Milo, l'Appollon du Belvédère; tantôt, hardie et audacieuse, elle jette dans les airs le dôme de Saint-Pierre de Rome, la Basilique de Montmartre, et cent flèches gothiques qui hérissent le sol de la vieille Europe. Cette main humaine est l'organe merveilleux de la pensée: elle gravait jadis sur la cire, sur le papyrus, la Révélation des desseins de Dieu, le Testament ancien et le nouveau, les œuvres des génies de l'antiquité, des modernes, des contemporains : sciences, lettres, philosophie, religion sont redevables à la main de la conservation et de la transmission des chefs-d'œuvre de la Grèce, de Rome, de l'Inde, de toutes les nations civilisées du globe.

Mais l'éloquence surtout fait appel à la main pour traduire ses conceptions, ses sentiments, ses mouvements passionnés. Le bras, il est vrai, est la base même du geste oratoire. Mais quel rôle important est dévolu à la main, à la paume et aux doigts ! Tour à tour, ceux-ci se joignent, s'allongent, se referment, se séparent de nouveau ; à l'index tous les solo dans les chants si variés que la main exécute: il indique, ii accuse, il apostrophe, il condamne. Cet art est infini, sans limites comme l'âme humaine dont il est l'interprète visible. Si une main seule parle un langage, que sera-ce de l'intervention des deux mains? Si la main produit le geste qui explique la parole, que ne peut-elle produire même sans le langage articulé, grâce à la mimique: on connaît les ingénieux expédients des sourds-muets.

Et l'art musical, que j'allais oublier? Quelles splendides res

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sources lui prêtent les mains : l'homme tire des instruments les sons de la nature, le chant des oiseaux, les accents de la voix enfantine, les accords de la voix formée à tous les diapasons. Tout l'effet des orchestres et des opéras est attribuable à la flexibilité de ses doigts et de sa main.

* *

Main et doigts de l'homme, vous êtes plus beaux encore quand vous bénissez l'innocence, quand vous pardonnez le crime et le meurtre, quand vous tenez entre le ciel et la terre l'Hostie pacifique qui les reconcilie en un concert de concorde et d'espérance sublime! Ici-bas, vous êtes, par la consécration du pontife, le prolongement même de la main et du doigt de Dieu.

A la vue des merveilles de la nature, on se sent naturellement porté à admirer la main puissante qui les tira du néant (Chateaubriand) l'une de ces merveilles est la main qui écrit ces lignes !... Au ciel ce que Dieu couronne, c'est l'œuvre de nos mains.

:

J. L.

Les Deux Mains.

Un jour, dans sa mauvaise humeur,

La Main Droite en ces mots grondait sa pauvre sœur :
"Il n'est rien que pour vous, tous les jours, je ne fasse,
Mais de travailler seule enfin je me lasse;

Vous ne savez rien toucher, rien tenir ;

Tant pis! et si pour vous, ma sœur, tout est de verre (1),
Je n'en peux mais! d'un repos salutaire

A mon tour je prétends jouir,

Et désormais, je ne veux plus rien faire."
D'un reproche aussi dur, avec quelque raison,
La pauvre Main Gauche s'offense;

Mais sur son éducation

Elle rejette en vain son ignorance :
L'excuse alors n'était pas de saison ;
Et sans différer davantage,
Il fallut se mettre à l'ouvrage.

Elle essaya d'abord des travaux du ménage ;
Devenus plus laborieux,

(1) Parce que la maladroite casse tout.

Ses doigts devinrent plus agiles;

Elle fit mal un jour, un autre jour fit mieux;
Puis, défiant les plus habiles,

A la honte des paresseux,

Les travaux les plus difficiles

Pour elle, enfin, ne furent que des jeux.

Vous qui de ne rien faire avez pris l'habitude,
Retenez cette fable, et rappelez-vous bien
Qu'en fait de savoir il n'est rien

Dont ne viennent à bout le travail et l'étude.

NAUDET.

N° VII.

LA DERNIÈRE MOUCHE.

Hier, la bise soufflait aiguë, perçante, pénétrante Tout faisait silence autour de moi, dans ma chambre de travail, quand le léger bruissement d'une mouche vint rompre la monotomie du calme profond. Attiédie par la fermeture prolongée des fenêtres et de la porte, l'atmosphère ranimait sans doute les pattes engourdies de mon hôtesse ailée : que cherchait-elle, à l'heure tardive du crépuscule ?

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Un intant j'arrêtais la course folle de ma plume, pour examiner les plans d'attaque ou les desseins d'amitié de ma petite compagne. Attaque inoffensive sans doute, mais combien ennuyeuse et agaçante parfois! Amitié gaie sans doute, mais si souvent distrayante et inopportune! Puis-je perdre le souvenir de l'été, dès les premières heures de l'automne? Que de fois, durant les journées étouffantes

Dame mouche s'en vint chanter à mes oreilles

Et fit cent sottises pareilles! (LA FONTAINE, 9, 9.) Que de gambades et de ruses, de circuits indécis et d'assauts persistants! Que de mutineries et de cajoleries impertinentes! La patience s'usait parfois jusqu'à la corde, et le mécontentement éclatait même jusqu'à la colère qui me mettait le mouchoir en

ma'n, comme une arme redoutable. En frappant par devant, l'ennemi me courait sur le dos, sur la tête, m'atteignait aux oreilles ou même en pleine face, jusque sur le nez. Aux accès d'impatience et aux projets de vengeance sanguinaire succédaient des moments de résignation, de pardon, de regret finalement il fallut en venir à des clauses pacifiques. On signa un traité en bonne forme, qui laissait pleins droits aux innocentes créatures.

Dès lors, la liberté dégénéra en licence: l'invasion inonda mon domaine. Livres, cahiers, encrier, statuette, réveille-matin, tout fut visité, envahi, possédé : ma personne elle-même ne m'appartint plus. On me caressa, en retour et en guise de récompense ou de dommages-intérêts; on me chatouilla la tête, le cou, le visage, la main; et l'on porta l'amabilité jusqu'à courir le long de mon porte-plume, jusque sur le bec de ma plume et juste sur la ligne bleue qu'il noircit en composant le traité d'alliance et de paix. Naturellement, je réclamais, et je fis observer que ces derniers restes de ma liberté demeurassent intacts je croyais avoir suffisamment concédé: et, me croiriez-vous, lecteur, de fait on respecta désormais ces lambeaux de ma possession investie et asservie.

on

oh !

Ce dépouillement à peu près total m'a cependant enrichi me croira, si l'on veut. J'ai gagné d'abord un petit trésor pas grand'chose — de patience qui me manquait; puis, j'ai gagné du temps, marchandise qui ne s'achète guère, par la raison bien simple que l'industrie n'en est pas encore fondée, faute de capitaux suffisants; j'ai gagné aussi une livre de mortification comme dirait le doux saint François de Sales-en supportant les caprices de visiteuses importunes; j'ai gagné enfin de bénir Dieu de leur caractère ni méchant ni vengeur : il est tant d'autres petites bêtes du bon Dieu, qui sans avoir des ailes infligent des baisers dont les traces durent plus longtemps que les caresses des mouches !

Vous me croyez loin de mon sujet, sans doute pardonnez, j'y reviens, et voilà mon humble hôtesse, grimpée sur mon encrier. Comme elle remue encore ses deux mains fragiles, ses pattes de devant; puis, ses deux pieds! Les ailes se pressent contre le corps, caressant sa tête si petite! frêles tissus d'été impuissants à le protéger contre les premiers froids d'hiver. Là, à la fenêtre, derrière une pile ou un rang de livres, des cadavres jonchent la planche; elles se sont épuisées sans succès à tenter une fuite à travers les carreaux trompeurs pauvres petites! un printemps et un été, voilà toute leur carrière !

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