trouva bientôt au milieu de la campagne. Le soleil répandait de s flots de lumières sur les moissons: la nature entière se réveillait. Chaque buisson devenait salle de concert pour les oiseaux; tout était joyeux. Mais Agnès était triste. Elle marchait silencieuse, et c'était pitié de voir ses petits pieds nus se précipiter sur la route rocailleuse. Elle était pressé d'arriver au paradis. Elle s'ap Assez loin de la ville, elle rencontra un groupe d'ouvriers, qui se rendaient à leurs travaux : c'était toute une famille. proche de celle qu'elle pense être la mère, de celle qui paraît plus compatissante. radis. "Ma bonne dame, je vous prie, dites-moi le chemin du pa -Hélas, pauvre petite, la route est dure et longue; mais va tout droit ton chemin, prie Dieu et tu es sûre d'y arriver... Agnès entend ces paroles avec joie, remercie généreusement et reprend son chemin. Elle marche avec rapidité; elle court, elle vole, ses pieds ne sentent point les cailloux. Elle va ainsi jusqu'au soir. Enfin, elle tombe épuisée au bord du chemin. "Ma bonne mère sera bien contente de moi; quand je lui dirai que j'ai beaucoup marché," pense-t-elle en soupirant. Au bord de la route, il y avait un ruisseau : Agnès s'y pencha, car elle avait grand'soif. Puis elle se blottit au milieu des blés pour prendre quelque repos, après avoir joint les mains et murmuré: "Jésus, tout pour vous! comme sa mère lui avait appris à le faire, et elle s'étendit pour dormir. Le sommeil vint promptement. Agnès fut soudain saisie d'un profond étonnement. "Qui m'a amenée ici? comment y suis-je arrivée ? O Dieu, que c'est beau ! Que d'or ! que de lumière! Mes yeux ne peuvent la supporter ! On me dit que c'est le paradis! Oh! qu'il est beau, le paradis ! Soudain, elle se vit environnée d'une troupe de petits enfants qui portaient chacun sur le front une brillante étoile. "Viens, petite sœur, viens jouer avec nous; nous sommes les élus du Seigneur.. La petite Agnès se mêle à leur joyeuse troupe, montant et descendant d'un vol plus rapide que celui de l'hirondelle. "Mes bons petits frères, dit-elle, menez-moi vers ma mère; car c'est elle que je suis venue voir." Bientôt elle aperçoit une femme debout devant elle; une couronne d'or relève la majesté de son visage, un long manteau couvert d'étoiles la couvre jusqu'aux pieds. "O ma mère, ma mère ! s'écrie Agnès ravie; et elle s'avance pour se jeter dans ses bras. En ce moment, le bruit d'une voiture se fait entendre; Agnès se réveille. "Où suis-je ?" se dit-elle. Elle promème un moment ses regards autour d'elle; elle voit le chemin, le ruisseau, les blés.... et comprend que son sommeil n'a été qu'un rêve enchanteur. La pauvre petite reprend sa marche, de village en village; ses pieds fatigués sont ensanglantés, ses longs cheveux en désordre, ses joues pâles et creuses; sa robe est trempée par la pluie. Quinze jours se sont écoulés, depuis que l'orpheline a quitté sa demeure; ses forces et son courage sont épuisés: elle ne peut se traîner. Elle se trouve au pied d'une colline; une grande maison apparaît au sommet: c'est un couvent. Agnès, voyant la coupole dorée de la chapelle briller sous les derniers feux du soleil, se dit : "Cela ne peut être que l'entrée du ciel.” Elle reprend sa marche : la montée est pénible, mais l'espérance lui donne des ailes, car elle monte toujours... Enfin, elle est à la porte, et n'a que la force de la heurter. Une sœur accourt au bruit : 66 Que cherches-tu chez nous, pauvre petite? "Je cherche ma mère, qui m'a quittée, et je ne puis pas trouver le chemin du paradis pour aller près d'elle." La bonne Sœur conduit l'enfant pâle et muette à l'infirmerie du monastère. On s'empresse de l'entourer de soins, mais elle tremble de fièvre, et ses membres sont glacés. Après quelque temps, Agnès s'écrie: "O ma mère, j'arrive enfin... recevez-moi." Elle tend ses petits bras, comme pour saisir un objet invisible, et elle ferme les yeux en présence des bonnes Sœurs. Elle a rejoint sa mère dans le Paradis. II.-Récit en vers. Remarque: Il est facile de comparer ce développement poétique avec le thème qui précède. Les amateurs de poésie ne manqueront point d'admirer le talent de l'auteur, qui est un lauréat de l'Académie française. I Et Jeanne est orpheline. On l'a mise en tutelle. "Jamais plus je ne vois ma mère... Où donc est-elle ?" "Ta mère, pauvre enfant, elle est au Paradis !" Une flamme a brillé dans ses yeux agrandis. Le lendemain, dès l'aube, l'heure où l'Angelus sonne, Oh! les beaux rayons d'or sur les blondes moissons! Je vais au Paradis... Y serai-je demain ?" "Pauvre mignonne, hélas ! la route est longue et dure." Mais, va toujours tout droit... Courage! Prie. Endure." II Elle a marché longtemps, pauvrette !... Vers le soir, J'ai volé tout le jour comme fait l'hirondelle, La douce enfant naïve et rêveuse se lève. Elle entre dans le champ... On la voit, comme un rêve, Puis s'étendant bientôt dans les blés assoupis... III "Où suis-je ici? Quel est ce corridor? O mon Dieu, que c'est beau! Que de lumière et d'or !" Et son âme tressaille, heureuse, épanouie... "Où suis-je donc, mon Dieu ? Au Paradis, sans doute." Elle a vite oublié la longueur de la route... Soudain, elle aperçoit une troupe d'enfants : -"Viens donc, petite sœur, en nos bras triomphants! Mais Jeanne doucement: "Je voudrais voir ma mère." Lors, de ses tristes yeux coule une larme amère... L'enfant sombre se lève... Elle dit un Ave, Puis vaillante, reprend la route longue et dure... Le moissonneur disait: "Courage! Prie. Endure." IV La pauvre! Elle a marché longtemps, des nuits, des jours. Le lointain Paradis fuyait, fuyait toujours. Elle appelait Jésus, Marie en son rosaire, On lui donnait du pain dans les fermes, des fruits; V Une maison, là-haut, au flanc de la colline, "Le Paradis sans doute, ô ma mère, ô mon Dieu !" —“Où vas-tu, pauvre enfant, pâle et triste chimère ? Que cherches-tu chez nous, si haut, si loin ?" "Ma mère ! Elle est au Paradis.... Est-ce là le chemin ?.... O si bonne Madame, y serai-je demain ?...." A l'entour de l'enfant voici les Sœurs ensemble.... "O ma mère, dit-elle, à toi! J'arrive à toi!.... Enfin je t'ai trouvée.... O mère !... Embrasse-moi....” Et vers la vision s'agitaient ses mains blanches, Une flamme a brillé dans ses yeux agrandis.... Et l'enfant a rejoint sa mère au Paradis. R. P. JEAN VAUDON, |