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11.—PARTIE PRATIQUE.

N° I.

LE PRINTEMPS.

Nous te saluons tous, enfant de la nature,
Que l'hiver trop longtemps dérobait à nos yeux;
Au souffle bien-aimé de ton haleine pure
Nos cœurs, en ce moment, s'éveillent tout joyeux!

Bien avant que ton front rayonnant de lumières
Eût à l'horizon bleu fait briller un beau jour,
Depuis longtemps déjà de secrètes prières
Doucement sur nos bords appelaient ton retour!

Tu parais, beau printemps: du sommet des montagnes,
Des frimas menacants disparaît la blancheur,

Un tapis verdoyant s'étend sur nos campagnes
Et tout revêt bientôt un aspect enchanteur.

Tout renaît, tout sourit, tout tressaille de joie
Lorsque dans nos vallons tu répands tes bienfaits,
Et les légers oiseaux que le tropique envoie
De leurs chères chansons reprennent les couplets.

Ils dévorent l'espace, et d'une aile précise
Reviennent tout joyeux en leur ancien vallon,
Ne craignant plus, enfin, les affronts de la bise,
Et bien surs des faveurs de la belle saison :

C'est avec plaisir que nous reproduisons ce "salut" au Printemps. Hélas! la "Revue littéraire" ne connaît encore que la prose. Mais son goût s'accommode volontiers de l'ambroisie des "nourrissons des Muses." Elle félicite le Séminaire, ainsi que l'auteur des vers qui l'honore des primeurs de son talent pour un philosophe, c'est du luxe, un luxe de raison toutefois, de clarté, de bon goût.

Sous ton soleil ardent ces tristes ponts de glace,
Qui recouvraient partout la nappe de nos eaux,
Disparaissent aussi pour donner libre place
Aux évolutions des rapides vaisseaux.

L'intrépide marin remonte en son navire
Et sur l'onde d'azur le lance avec fierté,
Et la brise de mer que sa narine aspire
Lui fait en un instant retrouver sa gaieté.

Les sources que le froid rendit longtemps muettes,
Font entendre, à l'envi, des murmures joyeux;
Et bientot, sans façons, les riantes fauvettes
Y viennent ajouter leurs chants mélodieux !

Nos bois depuis longtemps tristes et solitaires
Recouvrent leurs sentiers d'un tapis sans pareil ;
Ils nous font des berceaux pleins d'ombre et de mystères,
Pour les grand jours d'été ruisselants de soleil !

Puis, l'on voit, tout le jour, courir dans les prairies
D'agréables essaims de tout petits agneaux,
Jouant et bondissant dans les herbes fleuries
Et se désaltèrent dans l'onde des ruisseaux.

Alors le laboureur, de sa main vigilante,
Creusant dans les sillons, du matin jusqu'au soir,

Y dépose joyeux la semence abondante,

D'une riche moisson, réconfortant espoir !

Et pour nous, écoliers, qui vivons d'espérances

Le printemps n'a-t-il pas d'indicibles faveurs ?
Voici les grands congés ! puis bientôt les vacances !

Et nous sentons la joie accourir en nos cœurs !

"La nature a son luxe et ses pompes secrètes."

En profane prosateur, la "Revue sait se borner à l'éloge général et à l'encouragement sympathique. Oserait-elle conseiller à M. Gravel de sus pendre à l'aile de l'Oiseau-Mouche d'autres fleurs printanières, puis quelques épis d'été, et des grappes d'automne? Le message recevra bon accueil de la Revne" qui se complaira au modeste rôle d'écho.

Oh! toi qui dois mourir, et reparaître encore,
Oui, nous te saluons avec un long soupir !
Espérant voir un jour la radieuse aurore
De cet autre printemps qui ne doit plus finir !

MÉDÉRIC GRAVEL.

(L'Oiseau-Mouche, 11 mai 1901.)

N° II.

LA VRAIE AMITIÉ

(Devoir d'élève).

La Boëtie, l'ami tant regretté de Montaigne, a définit l'amitié : un nom sacré, une chose sainte, qui ne se met qu'entre gens de bien, et ne se prend que par une mutuelle estime."

On profane bien souvent ce nom sacré en le donnant à la première relation venue.

Peut-être ferais-je de même, si ma bonne mère ne m'avait donné d'excellents conseils, le jour de mon départ pour le pension

nat.

"Ma chère enfant, me dit-elle, il est difficile de vivre sans avoir quelque personne à qui l'on ouvre son cœur, à qui l'on fasse confidence de ses secrets. C'est un besoin de notre âme, auquel nous ne saurions nous soustraire; il faut que la tristesse ou la douleur soit partagée pour s'adoucir; instinctivement, nous cherchons le baume qui ferme nos blessures; de même, nous voulons doubler nos joies, en les partageant avec un autre.

Cet essai modeste, un peu timide et court, laisse regretter que son auteur n'ait pas élargi le cadre d'un sujet si intéressant.

I.-Début: La citation commence toujours bien une composition littéraire ici, elle est excellente et de bon goût, puisque les mots "nom sacré," "chose sainte❞ vont trouver leur développement dans ce qui suit.

II. Milieu: La nécessité, l'importance, les effets, le caractère, les avantages et les dangers... de l'amitié: voilà, en résumé, les conseils de la mère, c'est-à-dire les idées que développe l'élève sous la forme d'avis et d'avertissements maternels. C'est ingénieux; est ce aussi naturel et fondé en vérité expérimentale? Oui, pour le fond même, car la mère peut avoir laissé entendre tout cet enchaînement, d'une façon équivalente au moins et en quelques

"Celle que tu choisiras pour amie peut avoir une grande ininfluence sur ta vie entière. Insensiblement, ses défauts ou ses qualités, ses vices ou ses vertus s'inoculeront dans ton âme.

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"Souviens-toi toujours de ces deux proverbes si vrais : "Dis-moi qui tu hantes, et je te dirai qui tu es. "Qui se ressemble, se rassemble. "

"Les rois ont des courtisans, les négociants des associés, les méchants des complices, l'homme vertueux seul peut avoir des amis.

"Il y a deux sortes de jeunes filles, dans le monde : la jeune fille sage et pieuse, et la jeune fille mondaine, qui ne prie que du bout des lèvres, et qui, aux objections que lui font des personnes sensées, répond: "Il faut que jeunesse se passe !"

"Je t'en prie, ma chère fille, fuis cette enfant frivole: elle serait pour toi un serpent dont le poison s'enfiltrerait dans tes veines et finirait par te donner la mort.

"N'aie pas la présomption de dire: "Je la ramènerai à Dieu," hélas ! que de jeunes filles sages et pures ont été victimes de cette illusion! Non, non, mon enfant; éloigne-toi de pareilles compagnes. Recherche pour ton amie, pour l'amie de ton âme cette enfant pieuse qui travaille à corriger ses défauts, et aspire à la perfection. Ses exemples t'encourageront à gravir l'âpre sentier de la vertu ; demande ses conseils, elle t'ouvrira les yeux sur tes défauts. Ce sera ton ange gardien visible.

"Ah! une véritable amie est le plus précieux des trésors ; sache la trouver, mon enfant.... Encore une fois, n'oublie pas que c'est là la vraie amitié; tout le reste n'est que de la camaraderie.” Cette leçon maternelle est restée gravée dans mon cœur en caractères ineffaçables. Je choisirai, autant que je le pourrai,

termes à elle.

Non, pour la forme réelle et textuelle du langage: ce qui d'ailleurs n'est pas la question présente.

III. Fin: Conséquences pratiques de la “leçon maternelle" qui rendent cette conclusion logique, vraie, naturelle.

Remarques: Le style du morceau est correct, concis, simple. Il ne se dépouille point des généralités vagues, ternes, fades du style écolier: on aura tout dit en un mot- - à part une réserve ou deux - en renvoyant l'élève aux conseils qui précèdent sur "l'art de l'expression." Vous usez trop de phrases toutes faites: "excellents conseils..." "faire confidence de ses secrets..." "vices et vertus s'inoculeront..." "un serpent dont... mort"... "victimes de l'illusion "... "gravir l'âpre sentier de la vertu."... Renouvelez votre style par la métaphore à l'aide de l'analyse des bons auteurs classiques.

mes amies, dans un âge un peu audessus du mien: J'en mûrirai plus promptement.

Mais, si j'exige d'elles certaines qualités, en retour, je veux être désintéresée, fidèle, constante dans l'amitié, mais jamais. aveugle sur leurs défauts ou leurs divers degrés de mérite. Je réglerai ma conduite envers elles suivant cette parole. "Faites aux autres ce que vous voudriez qu'on vous fît à vous-même." R. M. G.

N° III.

LA VRAIE AMITIÉ.

Plan.

Le devoir qui précède nous inspire l'idée de soumettre aux élèves un plan assez complet sur le sujet.

I. Début: Rappeler ce que l'Ecriture-David et Jonathas-Platon, Cicéron, Montaigne, les moralistes du XVIème siècle ont dit de plus original sur l'amitié.

II. Milieu: a) Etablir la nature, les caractères précis de l'amitié vraie et solide.

b) Eléments de l'amitié: indulgence, désintéressement, égalité, liberté, choix, charité chrétienne.

c) Distinction de l'ami de la simple connaissance, du camarade: inconvénients, dangers de la camaraderie, où elle conduit.

d) Devoirs de l'amitié : tact, bonté, constance surtout dans le malheur, correction aimable...

III. Conclusion: La vraie amitié conduit au bien moral des cœurs, à la vertu, à Dieu, à l'union dans la gloire céleste.

Est-il besoin de remarquer que le développement se fera aisément à l'aide d'un recueil de notes, de citations de l'Ecriture (Livres sopientiaux), de l'histoire profane et ecclésiastique, d'exemples connus, célèbres, traditionnels. Un dictionnaire-celui de Littré surtout-sera une mine féconde pour un travailleur intelligent et judicieux,

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