Page images
PDF
EPUB

portait le même nom que lui! "Stat magni nominis umbra.” L'ombre de ce grand nom a couvert et rehaussé le descendant qui s'en prévalait.

Dans la personne de son neveu, c'est Napoléon lui-même promu par des milliers de suffrages, qui remontait sur le trône. Et l'on peut dire, sans avoir besoin pour cela de solliciter les faits, que l'avènement de Louis-Napoléon marque le point culminant de de la légende napoléonienne.

[ocr errors]

qui avait

Nous allons constater maintenant que la politique si longtemps servi la mémoire de l'Empereur s'est tournée finalement contre lui par un de ces revirements qui lui sont coutu mière.

Une ardente réaction fut dirigée, sous le second Empire, contre ce que le fameux Proudhon appelait "la longue conspiration bonapartiste de 1825 à 1852." La cause de cette volte-face, il faut la chercher dans l'irritation profonde que le coup d'Etat fit naître dans une certaine fraction de l'opinion, surtout parmi les républicains. "Cette opération de police un peu rude," comme l'appelait indulgemment le vicomte de Voguë dans un récent discours académique, créa au second Empire des ennemis irréconciliables d'autant plus que, pendant les premières années de son règne, Napoléon III inaugura un régime résolument autoritaire.

Dans ce temps de silence forcé, entre 1852 et 1860, ils firent leur examen de conscience et se demandèrent où chercher les causes du succès foudroyant de Napoléon III. Avec la clairvoyance de la haine, ils devinèrent bientôt que c'était la gloire de l'oncle qui avait protégé le neveu et que, sans cette malheureuse légende napoléonienne, l'exaltation de Louis-Napoléon eût été très problématique.

De là à tenter une sorte de revision totale du règne de Napoléon I, il n'y avait qu'un pas, et le pas fut vite franchi. La plupart des œuvres publiées sur Napoléon I, pendant le second Empire, sont plus ou moins ouvertement inspirées par des rancunes politiques. C'est au tacticien que s'attaque le colonel Chavras, dans son Histoire de la campagne de 1815, publiée en 1863; c'est l'administrateur et l'organisateur que Lanfrey veut démolir, dans son Histoire de Napoléon, d'ailleurs inachevée et dont le tome premier parut en 1867. Chacun se taille sa besogne, mais le but secret est toujours le même. N'oublions pas non plus l'ouvrage, d'ail

leurs impartial et désintéressé celui-là, que le comte d'Haussonville, père de l'académicien actuel, publia de 1868 à 1870 sur la longue lutte entre Napoléon et Pie VII. Il est douteux qu'il ait acquis de nouveaux fidèles à la mémoire de l'empereur.

Je sais bien qu'à tout prendre il ne faut pas s'exagérer l'in fluence de ces livres hostiles. Ils étaient trop savants, trop documentés pour avoir pu agir sérieusement sur la masse, qui ne se laisse ébranler que dans la mesure où l'on sollicite son imagination ou ses passions: mais enfin, il y a eu, sous le second Empire, une sorte de désaffection des lettrés à l'égard de la légende napoléonienne. Ils essayaient de remuer la pierre angulaire du pouvoir nouveau afin d'ébranler tout l'édifice. Puis vint la tourmente de "l'année terrible," où sombra la dynastie impériale.

Et alors une grande partie de la nation-à raison ou à tort, car n'entre-t-il pas toujours quelque injustice dans ces inévitables réactions populaires ?-rendit Napoléon III responsable des maux affreux qui venaient de fondre sur elle.

Par contre-coup la légende napoléonnienne subit une espèce d'éclipse de 1871 à 1880, et même au delà. Il suffit de dresser la statistique des ouvrages relatifs à Napoléon, au cours du siècle dernier, pour constater que dans cette période un très petit nombre seulement furent publiés. Le silence s'établit autour du fondateur de la dynastie déchue.

Dans la préface des "Mémoires" de Madame de Rémusat (1880), le petit-fils de l'auteur, M. Paul de Rémusat fait une instructive remarque-"Nous avons vu, dit-il, changer plusieurs fois l'opinion sur les premières années de ce siècle. Il n'est pas nécessaire d'être très avancé dans la vie pour avoir connu un temps où la légende de l'Empire était admise même par ses ennemis, où l'on pouvait l'admirer sans danger, où les enfants croyaient en un empereur grandiose et bon homme à la fois, à peu près semblable au bon Dieu de Béranger, qui à pris d'ailleurs ces deux personnages pour les héros de ses odes.

"Les désastres que Napoléon III a attirés sur la Franee en 1870 ont rappelé que l'autre empereur avait commencé cette œuvre funeste, et peu s'en faut qu'une malédiction générale ne vienne sur les lèvres, à ce nom de Bonaparte, prononcé naguère avec un respectueux enthousiasme. Ainsi flotte la justice des

nations!"

Mais en 1887, une œuvre vigoureuse et forte allait réveiller

le public français de son apathie, le guérir de sa froideur, et ressusciter plus vivace que jamais le légende napoléonienne. Elle émanait d'un philosophe célèbre qui, devenu historien sur le tard, apportait dans ces études nouvelles une force de pensée et une maîtrise de style à l'occasion desquelles on prononcerait le mot de génie, si le génie n'impliquait une spontanéité qui a toujours un peu manqué au style comme à la pensée d'Hippolyte Taine.

Vous connaissez sans doute, Mesdames et Messieurs, le portrait célèbre que Taine a tracé de Napoléon, au début des Origines de la France contemporaine. C'est un de ces morceaux qu'il faut avoir lu; je n'ai pas le loisir de l'analyser ici. Mais tout au moins rappellerai-je que les conclusions étaient nettement défavorables à Napoléon, puisque, selon Taine, c'est l'égoïsme qui a été le moteur secret de ses actes et qui finalement l'a perdu. L'empereur apparaissait sous les traits d'une sorte de dévorateur d'hommes et de fléau de l'humanité. Ceux qui lurent cette étude pour la première fois eurent l'impression d'un réquisitoire passionné qui appelait une riposte.

(A suivre.)

P. DE LABRiolle.

N° VI.

JOYEUSE ET DURANDAL.

La France, dans ce siècle, a deux grandes épées,
Deux glaives, l'un royal et l'autre féodal,
Dont les lames d'un flot divin furent trempées;
L'une a pour nom Joyeuse, et l'autre Durandal.
Roland eut Durandal, Charlemagne a Joyeuse,
Sœurs jumelles de gloire, heroïnes d'acier
En qui vivait du fer l'âme mystérieuse,
Que pour son œuvre Dieu voulut s'associer.

Toutes les deux dans les mêlées
Entraient, jetant leur rude éclair,
Et les bannières étoilées

Les suivaient en flottant dans l'air!
Quand elles faisaient leur ouvrage,

L'étranger frémissait de rage;
Sarrazins, Saxons ou Danois,
Tourbe hurlante et carnassière,
Tombaient dans la rouge poussière
De ces formidables tournois !

Durandal a conquis l'Espagne,
Joyeuse a dompté le Lombard ;
Chacune à sa noble compagne
Pouvait dire: "Voici ma part!"
Toutes les deux ont, par le monde,
Suivi, chassé le crime immonde,
Vaincu les païens en tout lieu,
Après mille et mille batailles,
Aucune d'elles n'a d'entailles,

Pas plus que le glaive de Dieu !

Hélas! Ja même fin ne leur est pas donnée :
Joyeuse est fière et libre après tant de combats,
Et quand Roland périt dans la sombre journée,
Durandal des païens fut captive là-bas !

Elle est captive encore, et la France la pleure ;
Mais le sort différent laisse l'honneur égal,
Et la France, attendant quelque chance meilleure,
Aime du même amour Joyeuse et Durandal !

HENRI DE BORNIER La Fille de Roland.

AVIS.

Plusieurs abonnés sont en retard pour faire le versement de leur abonnement de 1900 et de 1901. En se mettant en règle, le plus tot possible, ils rendront service au bureau de la Rédaction.

Nous recommandons le commissionnaire suivant pour l'achat des livres à

LOUIS

PARIS

LAISNEY,

7, Place de la Sorbonne, 7

PARIS.

Libraire

Livres neufs et d'occasion: LITTERATURE, HISTOIRE, SCIENCES, CLASSIQUES en tous genres; prix très réduits.

La maison se charge de remplir les commandes qui lui sont confiées aux conditions les plus avantageuses.

Catalogue périodique envoyé franco sur demande.

S. J. MAJOR

..Negociant en Gros..

Nos 18, 20 et 22 rue York

OTTAWA

Spécialité : Vins de Messe et Liqueurs françaises.

Eug. C. Larose,

-Architecte=

Coin des rues Rideau et Sussex,

OTTAWA.

Plans d'Eglises, Couvents, Collèges, etc., etc.,, une spécialités. Visite respectueusement sollicitée.

..Edouard Gaulin..

HORLOGER ET BIJOUTIER.

95 RUE RIDEAU.

Spécialité Réparages de Montres et de Bijoux.

Prix spéciaux pour les membres du Clergé
et les Communautés Religieuses.

Une visite est sollicitée.

« PreviousContinue »