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Ils forcent les élèves à lutter contre une langue qui n'est pas la leur, à chercher dans leur mémoire les tours les plus propres pour rendre telle nuance qu'ils entrevoient, à donner à leur phrases une structure aussi semblable que possible du modèle à celle du modèle latin, mais sans jamais cependant compromettre l'équilibre et l'harmonie que requiert le français.

"En courant après l'expression qui lui échappe, en faisant appel à ses souvenirs, en empruntant à ses lectures, ce que le jeune homme apprend, c'est cet art d'écrire difficilement qui est tout l'art d'écrire." (1)

P. DE LABRiolle.

(1) R. DOUMIC: Revue des Deux-Mondes. Juin 1894.

11.-PARTIE PRATIQUE.

N° I.

LE SONNET.

Le marquis de Rochefort composa, dans sa jeunesse, pour concourir aux Jeux Floraux de Toulouse, un sonnet qui est d'une belle envolée poétique et d'une gracieuse piété.

Personne n'ignore l'histoire de ce journaliste, né en 1830, qui, après avoir renié son nom, sa famille, ses traditions, sa foi première, s'est signalé sous l'Empire par ses pamphlets, en 1871 par sa participation à la Commune, en 1874 par son évasion de Nouméa, depuis, par la fondation et la direction du journal parisien l'Intransigeant, partout et toujours par son esprit mordant, gouailleur, nourri de la haine la plus violente, la plus diabolique contre la religion. Qui aurait pu prévoir une pareille vie, en lisant les vers qui suivent :

1.

I. A MARIE.

Toi que n'a pu frapper le premier anathème,

Toi qui naquis dans l'ombre et nous fit voir le jour,

Plus reine par ton cœur que par ton diadème,
Mère avec l'innocence et Vierge avec l'amour,

Je t'implore là-haut, comme ici-bas je t'aime :
Car tu conquis ta place au céleste séjour,
Car le sang de ton Fils fut ton divin baptême,
et tu pleuras assez pour régner à ton tour.

-

Te voilà maintenant près du Dieu de lumière
Le genre humain courbé t'invoque la première ;
Ton sceptre est de rayons, ta couronne de fleurs ;

- Le sonnet est d'origine italienne. Il conquit droit d'asile en France aux XVI et XVII siècles; le XVIII laissa tomber cette vogue, et notre temps a vu ce poème reconquérir les suffrages des connaisseurs.

2.

tercets.

Ce poème embrasse quatorze vers, divisés en deux quatrains et deux Il peut être écrit en vers de dix, de huit et même de sept syllabes; mais il préfère, avec raison, l'alexandrin. Dans un cadre aussi étroit, il faut bien laisser à la pensée l'espace nécessaire et donner au poète la possibilité de dire quelque chose.

Tout s'incline à ton nom, tout s'épure à ta flamme,
Tout te chante, ô Marie : et pourtant quelle femme
Même au prix de ta gloire eût bravé tes douleurs ?

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Seul à son grand labeur sous le ciel inclément,
Le semeur dans le champ promenait sa main lente.
Un charletan, sonnant sa fanfare Insolente,
Sur le tertre voisin monta pompeusement.

Il eut autour de lui la foule en un moment,
Fit ses tours, harangua d'une façon turbulente,
Flatta fort ces oisons, et, séance tenante,
Leur vendit son remède à tous maux, chèrement

Le semeur dans le champs menait son pas tranquille.
Le charlatan piqué tança cet indocile :
“Eh! là-bas ! l'homme au sac qui balances ta main,

"Sais-tu pas que je vends la vie et l'espérance?
Que fais-tu, quand ceux-ci boivent l'eau de Jouvence ?"
L'autre, semant toujours, dit: "Je leur fais du pain."

L. VEUILLOT.

3.

3.

PRIÈRE DU PÉCHEUR REPENTANT.

Grand Dieu! tes jugements sont remplis d'équité ;
Toujours tu prends plaisir à nous être propice ;
Mais j'ai fait tant de mal que jamais ta bonté
Ne me pardonnera qu'en blessant ta justice...

Les deux quatrains roulent sur deux rimes pareilles: si le sonnet commence par une rime féminine: Ex. n 1 et 4, "anathème... en joie"... cette rime est suivie de deux rimes masculines: Ex. n° 4, "dur... azur"...: c'est le sonnet régulier; si la rime féminine du premier vers est suivie d'une rime masculine, et celle-ci d'une féminine, Ex. n° 1,"jour... diadème"...: c'est le sonnet irrégulier.

ou

Si le sonnet commence par une rime masculine. Ex. N° 2 et 3 les deux rimes féminines sont enveloppées de deux masculines: sonnet régulier, alternant entre elles: sonnet irrégulier.

Oui, Seigneur, la grandeur de mon impiété

Ne laissa à ton pouvoir que le choix du supplice.
Ton intérêt s'oppose à ma félicité

Et ta clémence même attend que je périsse.

Contente ton désir puisqu'il t'est glorieux;
Offense-toi des pleurs qui coulent de mes yeux.
Tonne, frappe; il est temps; rends-moi guerre pour guerre.

J'adore en périssant la raison qui t'aigrit;

Mais, dessus quel endroit tombera ton tonnerre
Qui ne soit tout couvert du sang de Jésus-Christ?

4.

4. LA MACHINE.

Dans la fabrique en feu la Machine est en joie.
Le chauffeur la nourrit du charbon le plus dur ;
Et le soufflet, poumon robuste, vers l'azur
Envoie une fumée épaisse qui flamboie.

La Machine toujours guette l'Homme, sa proie.
Il te faut, ouvrier, coup d'œil vif et pied sûr,
Pour éviter l'horrible embrassement obscur
Que donne à l'homme étreint l'engrenage qui broie.

La Machine parfois pousse des cris humains,
Et souvent le cylindre, en broyant les matières,
Ecrase des poignets et des jambes entières;

La roue, en tournoyant, semble agiter des mains;
Sur le pilon de cuivre une tête se pose,

Et dans le cuvier noir coule un sang tiède et rose.
ED. LEPELLetier.

Les tercets contiennent chacun, soit deux rimes féminines n° 1, "lumière... première; flamme... femme," soit deux rimes masculines n° 3, "glorieux... yeux". Nécessairement, une rime leur est commune: c'est la masculine, si les autres sont féminines, et réciproquement.

5. Des quatre sonnets du texte, celui de L. Veuillot est donc le plus régulier, et peut-être aussi le meilleur. Les autres donnent une idée nette du croisement des rimes dans les quatrains et dans les tercets.

No II.

LA PREMIÈRE LEÇON DE LATIN.

Narration.-Plan. Circonstances de lieu, de temps, de pers onnes qu constituent les antécédents du fait à raconter.

1. La messe... visite au cimetière... état de l'atmosphère... les inscriptions tumulaires: Requiescat in pace!... Embarras des enfants sur le sens de ces

mots.

2. Recherches du petit Paul... insuccès... intervention du vicaire dans un court dialogue...

3. Empressement de Paul à renseigner sa petite sœur... méprise de celle-ci sur la valeur du mot: repose... rapprochements dans son esprit... perpexités le soir.

4. Le lendemain, Paul éclairât ses doutes... vrai sens de la formule requiescat in pace... Juliette en fait une prière... attendrissement de sa mère, à cette révélation.

5. Conclusion: vocation de Paul... il devient prêtre.

C'était le jour du doulouroux anniversaire. Jour pour jour, il y avait un an, le père était mort: un homme jeune encore, un bon chrétien, le juge du district de B...; il avait laissé son épouse avec deux enfants, un garçon et une fille. Le premier avait dix ans, c'était Paul. Paul voulait être juge quand il serait grand, et dans ce dessein il allait en classe chez Monsieur le Vicaire qui lui donnait les premières leçons de latin. Bien qu'il ne fût pas enfant de chœur attitré, il aimait à servir souvent la messe, à répondre, à chanter aux offices, comme si, au lieu de vouloir être juge, il avait eu la pensée d'être prêtre.

Sa sœur, elle, n'avait pas huit ans, c'était Juliette. Elle commençait à lire, sans songer à ce qu'elle serait un jour : elle voulait rester toujours, toujours avec sa mère.

Ce jour-là donc, la mère avait conduit ses deux enfants à l'église pour entendre la messe, célébrée à l'intention du défunt. Paul était resté près d'elle sans monter jusqu'au chœur, afin de mieux prier pour son père; et la petite sœur, sans trop se rendre compte, lisait un peu dans son livre ou priait un peu en regardant les cérémonies ou l'attitude de sa mère.

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