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sions l'une, allant des temps anciens à Charlemagne (814); l'autre, de cet empereur à Louis XIV; mais la seconde ou ne fut pas écrite ou a été perdue. La première embrasse 12 époques :

1. Adam ou la création; 2. Noé ou le déluge; 3. Vocation d'Abraham; 4. Moïse ou la loi écrite; 5. Prise de Troie; 6. Salomon ou le temple ; 7. Romulus; 8. Cyrus ou la délivrance des Juifs; 9. Scipion ou Carthage vaincue; 10. Naissance de Jésus-Christ; 11. Constantin; 12. Charlemagne.

2. La suite de la religion, partie la plus longue et la plus importante, puisqu'elle comprend 31 chapitres, montre en JésusChrist le lien social attendu ou donné: la vraie religion n'est pas moins ancienne que l'homme, toujours la même, toujours combattue et triomphante.

3-La 3e partie montre les Empires préparant successivement le règne de la vérité religieuse. Ce principe fondamental de l'histoire est établi en 8 chapitres.

4. Dans l'Avant-Propos, Bossuet convainct son royal élève de l'utilité de l'histoire pour son enseignement et sa mission future, et lui explique le plan de son Discours. Nous le passons sous silence.

I. PARTIE

Première époque. ADAM OU LA CREATION.

(TEXTE DE BOssuet.) (1)

(1) La première époque vous présente d'abord un grand spectacle: Dieu qui crée le ciel et la terre par sa parole, et qui fait l'homme à son image. C'est par où commence Moïse, le plus ancien des historiens, le plus sublime des philosophes, et le plus sage des législateurs.

(2) Il pose ce fondement tant de son histoire que de sa doctrine et de ses lois. Après, il nous fait voir tous les hommes renfermés en un seul homme, et sa femme même tirée de lui; la concorde des mariages et la société du genre humain établie sur ce fondement; la perfection et la puissance de l'homme, tant qu'il porte l'image de Dieu en son entier, son empire sur les animaux; son innocence tout ensemble et sa félicité dans le Paradis, dont la mémoire s'est conservée dans l'âge d'or des poètes; le précepte divin donné à nos premiers parents; la malice de l'esprit tentateur et son apparition sous la forme du serpent; la chute d'Adam et

(1) L'édition Jacquinet est reconnue la meilleure.

d'Eve, funeste à toute leur postérité; lé premier homme justement puni dans tous ses enfants, et le genre humain maudit de Dieu; la première promesse de la rédemption et la victoire future des hommes sur le démon qui les a perdus.

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ANALYSE CRITIQUE ET LITTÉRAIRE. (1)

(1) a) --La première époque Bossuet, on le fera souvent remarquer, tire du texte d'un sermon, du titre d'un chapitre, les idées et les développements de sa composition. Ici le titre est Première époque, il ne craint pas de reprendre l'idée et le mot.

L'oraison funèbre de la Reine d'Angleterre a pour texte ces mots : "Maintenant, ô rois, apprenez... L'orateur part de l'idée de royauté contenue dans ce texte et il débute ainsi : "Celui qui règne dans les cieux..." vous présente... spectacle. Voilà un choix très heureux ; changez le mot spectacle, et l'image disparait. Bossuet voit d'un coup d'oeil prompt l'ensemble de l'œuvre immense du Créateur, et résume sa pensée en trois mots présente, grand, spectacle.

"Dieu. . image" C'est la traduction du premier et du vingt-septième versets de la Genèse; c'est le résumé de l'oeuvre divine; au lieu de descendre aux détails, Bossuet s'arrête à ces mots si simples et si expressifs.

b). "C'est par où" signifie : la chose par laquelle, l'endroit par lequel cette locution adverbiale était très fréquente au XVIIe siècle.

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commence" la place du verbe est naturelle et plus élégante après la locution qui l'appelle ; que l'on s'en souvienne pour s'en servir à l'occasion.

"le plus ancien... sublime... sage", excellent choix de qualificatifs formant un bel éloge de Moïse, historien puisqu'il remonte aux origines des faits et raconte ceux dont il a été à la fois le témoin et l'auteur, philosophe puisqu'il donne la clef des problèmes les plus fondamentaux concernant l'univers entier et la race humaine, législateur puisqu'il a servi d'instrument au Ciel pour établir la théocratie juive et le culte de Jéhovah au sein de la nation choisie.

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(2) a). “Il pose ce fondement" c'est-à-dire la création du monde et du geure humain ; image sobre et grave.

"histoire... doctrine... lois Trois expressions qui correspondent à celles de la phrase précédente.-C'est la perfection de l'art de trouver une

transition.

b). "Après" adverbe, aujourd'hui usité seule.nent dans le langage familier, au sens qu'il a ici.

'il nous fait voir cette locution a plusieurs sens, qu'il est utile de connaître : 1. faire voir montrer, comme ici ;-2. : faire visiter. Ex.-Je lui fis voir le jardin ; - 3. : faire connaitre, démontrer. Ex. —“Je veux....... dans une seule mort faire voir la mort et le néant.. (Or. fun. de la Duch. d'Orl.) ;

(1) Le Discours est étudié en Troisième a l'Université d'Ottawa.

4. par menace.

Fem. Sav. V. 2).

Ex.- -“Je lui ferai bien voir à qu'il a affaire...". (Mol.

C'est au sens figuré que l'auteur emploie cette locution.

"tous les... homme", comme le chêne, ses branches, ses feuilles, ses glands sont renfermés dans le gland.

"et sa femme... lui "; la phrase est incorrecte, puisqu'elle laisse entendre, selon la construction grammaticale, que le pronom sa se rapporte au sujet il, c'est-à-dire Moise; Bossuet construit comme les Latins, qui, en vertu des cas et de l'accord, pouvaient se le permettre; le génie de notre langue s'y

oppose.

"la concorde.. fondement". Suivez-vous l'invention des idées et leur disposition dans toute la phrase? Bossuet aime le procédé : il jette un verbe unique en tête d'une énumération longue et rapide.

Ayant énoncé la création de l'homme et de la femme, il constate l'existence de la famille, et la réunion des familles compose la société.

"la perfection et la puissance..."; en effet, enrichi des dons de la justice originelle, l'homme était parfait; il était puissant sur toute la création "en son entier" substantif; indique que les choses en question n'ont subi aucun changement ;—en entier (loc. adverb.) signifie la totalité. Ex.-II faut lire cet ouvrage en entier.

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son empire...", les animaux lui étaient tous soumis.

"tout ensemble", (loc. adv.) en même temps que.

"félicité". Le bonheur est, en général, la satisfaction passagère que nous éprouvons de l'accomplissement de nos voeux, désirs, goûts, et même de nos caprices.--La félicité est un grand bonheur, qui remplit le coeur et comble les aspirations de l'esprit. La béatitude s'entend surtout de la félicité dont les élus jouissent au ciel.

"la mémoire" mot générique, désignant toute idée rappelée à l'esprit ; il est préférable ici à souvenir qui signifie littéralement ce qui revient dans l'esprit.

"l'age d'or..." Les poètes du paganisme avaient imaginé les quatre âges du monde, ou quatre périodes, qu'ils ont désignées sous les noms d'âge d'or, d'âge d'argent, d'âge d'airain, d'âge de fer. --On dit au figuré, un âge d'or pour désigner une époque de prospérité, un âge de fer pour désigner un temps de guerre et de calamité.

"la malice" est pris dans le sens du mot latin d'où il dérive; ici ce sens paraît trop faible.

La malice comprend la facilité et la ruse, mais peu d'audace et point d'atrocité ;-le malicieux veut faire de petites peines, et non causer de grands malheurs.

La malignité renferme plus de suite, de profondeur, de dissimulation, d'activité que la malice;-le malin a une disposition à se complaire dans le mal d'autrui et à s'égayer à ses dépens.

La méchanceté ajoute à la malice fourbe la violence, l'atrocité, la brutalité; elle confine à la cruauté, à la férocité, à la barbarie ;- le méchant est enclin au mal, animé de la haine du bien, de ses semblables, de ce qu'il doit aimer et faire ;-il est mauvais, quand il cherche l'occasion de faire du mal.

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et son apparition..." ainsi la méchanceté l'animait d'abord et le poussa ensuite à revêtir cette forme.

"la chute... d'Eve"; péché personnel et péché originel.

"funeste", signifie qui apporte le malheur, la mort par suite d'un acte volontaire, d'un crime ;-fatal implique l'idée d'une chose triste et malheureuse, mais plus spécialement due au hasard des circonstances. Ex. Toute liaison nouée par le vice et les passions est funeste ;—la hardiesse fait la fortune des uns et devient parfois fatale aux autres.

"postérité", suite des descendants d'une tige commune. Ex.-Mourir sans laisser de postérité; et par ext., suite des générations à venir. Ex.—En appeler au jugement de la postérité.

"le premier homme" Bossuet nomme le plus digne, le chef de la famille.

"justement puni" puisque le précepte divin était formel, et sa violation volontaire.

"dans tous ses enfants". Pourquoi ? C'est ici un mystère. Enfants: postérité.

"le genre... groupe naturel d'êtres qui se ressemblent par certains traits essentiels. Ex. Les divers genres du règne animal, végétal.-P. ext. : le genre humain.

"maudits de Dieu ", voué à la réprobation éternelle, -Substantif au part. passé un maudit.

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‘la première promesse ", elle sera suivie de nombreuses prophéties travers les âges, donc c'est la première de la série.

et la victoire future" tour latin plus vif que si l'auteur disait le présage, l'annonce de la victoire.

"les hommes" s. e. rachetés par la mort de J. C.

"les a perdus" d'avance, par la chute de leurs premiers parents.

REMARQUES.

1. Si nos lecteurs veulent bien relire le texte même de Bossuet tel que nous le donnons plus haut, il leur sera aisé de suivre la marche des pensées, leur développement et leur enchaînement; les mots naissent naturellement pour les exprimer. Le caractère de ces vingt premières lignes du Discours se ramène à deux qualités fondamentales: naturel et simplicité.

2. Bossuet est sobre d'images dans ce début historique; c'est l'ensemble qui produit l'effet d'un tableau, où l'on distingue la figure de Moïse au premier plan au-dessous de la majesté du Créateur, la présence aussi de nos premiers parents, entourés de l'auréole de la justice originelle, revêtus de leur rayonnante innocence, inondés des flots d'une félicité trop éphémère, puis la présence du tentateur sous la forme du serpent; enfin un dernier aperçu jette un demi-jour pâle et triste sur la plus lamentable chute qui

ait épouvanté le monde, sur le châtiment qui nous frappe encore tous, sur l'espérance du Rédempteur, seul rayon de consolation au soir d'un tel naufrage.

3. Chaque année, au retour de l'explication du Discours, nos élèves semblent étonnés de notre admiration; mais le travail d'analyse ne tarde guère à les éclairer, à les convaincre, à conquérir leur estime en faveur de Bossuet.

C. Classe de Rhetorique.

No. I.

IMITATION (Voir p. 28)

N. B.-On remarquera que cette imitation, plus large de dessin et plus libre d'allure, réunit les procédés des deux imitations A et B, p. 29 et 30.

LE PÈRE DE L'ENFANT PRODIGUE. (1)

Quel spectacle plus émouvant que celui d'un vieillard plongé dans le malheur ! C'est la situation de ce père, inconsolable de l'abandon de son fils ingrat. Il voit près de lui un fils aîné, toujours docile, laborieux, irrépréhensible, exemplaire; il est entouré de serviteurs soumis, fidèles, prompts au devoir; il jouit de l'abondance des richesses; mais rien ne saurait voiler le souvenir du fils qui l'a quitté, rien ne saurait cicatriser la plaie toujours saiguante au fond de son cœur paternel. Son enfant est sans doute malheureux, esclave de quelque maître inhumain ; peut-être se meurt-il de faim! Nuit et jour, ces doutes cruels déchirent son âme; insensible à tout, il reste morne et silencieux, en proie au noir chagrin, à une tristesse accablante. Son fils aîné, ses serviteurs se tiennent à l'écart et n'osent lui parler; lui-même, il semble éviter leur rencontre et les fuir.

L'infortuné! Appuyé sur son bâton, il sort le matin de sa demeure, il entre seul dans les vergers où les arbres ploient sous la pesanteur des fruits qui mûrissent, il parcourt les champs couverts naguère de riches moissons; mais que peuvent ces beaux

(1) Cherchez et soulignez les images et les sentiments.

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