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L'hirondelle.

..perte.

On entrevoit, dans la forme impérieuse et brève de ce nouvel avertissement, le mouvement d'impatience que ne pouvait manquer d'éprouver la généreuse hirondelle. Certes, elle eût mérité mieux que ces injures et ces sarcasmes qu'on lui lance au visage :

Prophète...

ce canton.

Est-ce donc fini? et ces jeunes cervelles sont-elles donc si entêtées qu'il n'y ait plus espoir de les arracher à leur funeste sort? Malgré tout, elles sont encore plus à plaindre qu'à blâmer. Une troisième fois, mais suprême celle-ci, l'hirondelle revient à la charge, pleine d'inquiétude, plus insistante que jamais en raison de l'imminence du danger, "la chanvre étant tout à fait crue";

et que les gens

"Ceci ne va pas bien;

Dès que vous verrez...

Feront....

. oiseaux

Voilà clairement indiqués les engins meurtriers qu'avait fait soupçonner l'hirondelle dans son premier avertissement. Autant rapide est le rythme de ces vers octosyllables, autant est certaine l'affreuse mort pour qui se laisse prendre par reginglettes et ré

seaux.

Ne volez..

.la bécasse.

On le voit, les conseils de l'hirondelle sont d'un désintéressement admirable. Pour le salut de ces jeunes oiseaux, elle voudrait leur communiquer son amour des longs voyages à travers les déserts et les ondes; ils pourraient ainsi échapper sûrement au péril qui les menace. Mais non; leur nature les fixe au climat qui les a vus naître, ces pauvres oiseaux.

"C'est pourquoi..

.. quelque mur,"

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Le moyen est dur pour ces natures émancipées, assoiffées du grand air de la liberté ; mais il est nécessaire : aux grands maux les grands remèdes." Le rythme du vers a changé, le ton s'est

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élevé presque à l'emphase passer les déserts et les ondes....chercher d'autres mondes," pour rendre plus saisissant le contraste du remède seul possible dans l'occurrence-" vous renfermer aux trous de quelque mur."

Mais voici la catastrophe, le dénouement final :

Les oisillons..

seulement.

Franchement, nous ne nous attendions guère à cette poétique comparaison. On a dit du poête qu'il saisit puissamment les rapports les plus délicats, les plus ténas des choses. A ce compte l'âme de La Fontaine est sœur de l'âme d'Homère ou de Virgile, avec cette différence encore, toute à l'avantage du fabuliste, que celui-ci a tellement la claire vue de ces rapports des choses qu'il ne juge pas même opportun de prendre vis à vis de nous la précaution virgilienne de s'en excuser : "Si parva licet componere magnis!" Et voyez l'effet de cette géniale comparaison. Nous n'avions jusqu'alors accordé notre sympathie qu'à une vulgaire hirondelle, âme très noble, c'est vrai; et nous nous étions apitoyés sur le malheur des jeunes et imprudents oiseaux. Le dernier coup de pinceau a grandi toute la scène, humanisé, pourraisje dire, tous les personnages, de sorte que nous ne pensons plus à l'hirondelle, mais à Progné, cette autre fille d'illustres descendants; et au lieu de pauvres oisillons, nous rêvons à une seconde Troie, aussi malheureuse que l'ancienne, pour n'avoir point voulu écouter les sages conseils d'une nouvelle Cassandre:

Il en prit aux uns comme aux autres.

Et, toujours avec sa fine et malicieuse bonhomie, La Fontaine nous décoche à tous ce trait moral:

Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres,

Et ne croyons le mal que quand il est venu.

N° III.

Brièveté de la vie.

N.B.-L'auteur des lignes qui suivent racontent comment, dans une heure de rêverie, Dieu lui donna le sentiment du néant de la vie, telle que la conçoivent la plupart des hommes. Il était encore au collège, et se représentait en imagination le brillant avenir que ses talents lui donnaient lieu d'espérer.

Je vis ainsi se dérouler jour par jour, année par année, dans le plus bel ensemble et les plus riches détails, une vie comblée de tous les biens dont l'homme peut jouir sur la terre. Et la vie avançait, toujours plus belle et plus remplie, à mesure que mes années se déroulaient et se comptaient.

Et, en effet, je comptais mes années. J'allais de la jeunesse à la virilité, et puis à la maturité, et ces années de la maturité s'accumulaient.

Tout à coup j'aperçois, avec une vive tristesse, qu'à l'âge où je me voyais parvenu, mon père dépassait de bien loin les limites ordinaires de la vie. Mon père mourait, et j'étais à son lit de mort.

Ma mère, mère presque adorée, survivait jusqu'à l'âge le plus avancé. Mais enfin elle aussi mourait. Abreuvé de douleur, je lui fermais les yeux, en essuyant mes larmes. Ma sœur et mes frères et mes amis, peu à peu, suivaient la voie commune et m'abandonnaient.

Mais voici qu'à son tour, la noble compagne de ma jeunesse, l'âme de ma vie, entrait dans son hiver, recueillait ses rayons et se préparait au départ. Lui devrais-je survivre aussi? Oui, elle aussi mourait. La voilà inerte, froide, morte sous mes yeux, et je vois sortir son cercueil !

Epouvanté et brisé d'angoisses, je serrais mes enfants dans mes bras. Ils étaient hommes depuis longtemps; j'étais moimême fort avancé dans la vieillesse. Leur survivrais-je encore ?... Hélas! ma vie est comme inépuisable! Je m'endurcis, et je me dessèche sans mourir. Comme le tronc rongé d'un vieil arbre, je dure par mon écorce; et je vois, en effet, mourir mes fils.

PLAN.-Idée mère: Brièveté de la vie.
Début: "Je vis... s'accumulaient."

joie et des succès.

Progrès des années, au sein de la

Milieu: "Tout à coup... ombre éternelle."

1° Désenchantement succes

sif, causé par la disparition du père. "Tout à coup... mort"; -de la mère "Ma

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Me voilà seul, sans branches ni rejetons, mais je végète encore un peu dans mes infirmités. Enfin, mon heure arrive et je suis sur mon lit de mort.

Oui, le moment viendra où je serai étendu sur un lit, je m'y débattrai pour ne pas mourir, et je mourrai !

En ce point de mon rêve éveillé, Dieu, qui voulait me faire traverser en une heure toute la vie et la mort, donnait à ma pensée la puissance créatrice. Je voyais inutilement toutes ces choses; je les éprouvais toutes. Et tout était plus vif que la réalité. Il m'est impossible de dire avec quelle vérité je vis la mort. La mort me fut montrée, dévoilée, donnée. Je ne pense pas qu'à mon dernier moment je doive la voir et la sentir comme je l'ai goûtée à cette heure.

Tout est donc fini! m'écriai-je. Tout est anéanti! Père, mère, sœur, frères, amis, anéantis! Bien aimée de mon âme, compagne de ma vie heureuse, anéantie! Etres chéris, enfants issus de mon sang, anéantis! Moi-même je disparais. Plus de soleil, plus de jour! Plus de monde ! Plus d'hommes! Plus rien, rien, rien !... J'ai passé un instant dans ma vie. Je vois encore mes années d'enfance! Mon berceau, je le touche de mon lit de mort. Certes, il n'y a pas loin de la naissance à la mort la plus différée. C'est un seul jour, non! c'est un rêve.

Voilà la vie! Tous les hommes naissent et meurent ainsi, depuis le commencement du monde. Les générations se succèdent, passent en courant, et disparaissent.

Et je voyais, dans une lumière et sous des formes que rien n'effacera de ma mémoire, je voyais les innombrables multitudes, depuis le commencement des siècles, passer, passer comme des troupeaux qui vont à la boucherie sans le savoir.

Et puis je les voyais couler comme les eaux d'une rivière qui approche d'une cataracte et d'un abîme. Tous les flots y viennent à leur tour, ils tombent, mais pour rester sous terre et ne plus revoir le soleil.

Je voyais, dans ce fleuve, de petits flots surgir et jaillir un instant, et, pendant la durée d'un clin d'œil, refléter un rayon de

mère... m'abandonnaient," de la sœur, des frères, des amis; —de l'épouse que l'auteur s'est donnée en imagination. "Mais voici... cercueil!"; des enfants. "Epouvanté... fils." Désillusion amenée par la perspective de l'agonie et de la fin prochaine. "Me voilà... mourrai!"

2o Vivacité d'impression de ce rêve philosophique. "En ce point... heure,"

soleil, puis, se ternir et s'enfoncer. Ce flot, c'est moi, c'est ma vie. Ceux qui ont étincelé à côté, ce sont les êtres que j'ai aimés et pleurés mais tous sont déjà sous terre et dans l'ombre éternelle. A cette vue, j'étais immobile et comme cloué l'étonnement et la terreur...

par

P. GRATRY.

N° IV.

LA PATRIE.

Le cher et doux pays, le coin de cette terre
Où nos yeux étonnés se sont ouverts au jour,
Où le front maternel, tout rayonnant d'amour,
Sur nous s'est incliné, pensif et tutélaire,
Où pour premier ami nous eûmes notre père
A la main caressante et ferme tour à tour;

Les champs où nous avons promené l'allégresse
De nos priutemps, le cœur exubérant d'espoir;
Les seuils qui nous ont vus, silencieux, le soir
Ecouter un récit d'une antique prouesse,
En formulant tout bas la fervente promesse
D'imiter nos aïeux et de ne point déchoir;

3° Coup d'œil d'ensemble pour imprimer la leçon plus vivement dans l'esprit. Tout... rêve !"

4° Généralisation du rêve dans son application pratique, rendue plus pittoresque par l'image du fleuve et des flots. "Voilà la vie... ombre éternelle."

Conclusion, à peine esquissée, et qu'il est facile de prolonger à volonté "A cette vue... terreur,"

La poésie n'est pas astreinte aux mêmes exigences que la prose: l'inspiration est l'âme de son langage.

PLAN: Idée mère: La Patrie.

Début: On l'a jugé inutile dans une pièce de vers de peu d'étendue et sans enthousiasme.

Milieu La patrie, c'est le lieu natal, où l'enfant sourit dès le berceau à sa mère et à son père: 6 vers.

La patrie, c'est le champ et le toit paternels, où l'on parle des aïeux et de leur antique prouesse: 6 vers.

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