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médecins qui lui ont prescrit, en faveur du roi, un remède infaillible de radicale guérison. "Sire, dit-il,

Vous ne manquez que de chaleur,

Le long âge en vous l'a détruite,

D'un loup écorché vif appliquez-vous la peau

Toute chaude et toute fumante.

Au même instant, jetant à la dérobée sur son rival un regard où perce la malice triomphante :

Messire Loup vous servira,

S'il vous plaît, de robe de chambre.

Quelquefois il arrive qu'il échoue cela n'arrive-t-il pas aux plus habiles? Mais alors, le rusé trouve une raison pour masquer En effet, certain renard gascon, d'autres disent, nor

sa défaite.

mand.

Mourant presque de faim, vit au haut d'une treille,

Des raisins mûrs apparemment.

Il eut volontiers voulu en faire un repas,

Mais comme il n'y pouvait atteindre

"Ils sont trop verts, dit-il, et bon, pour des goujats.

Fit-il pas mieux que de se plaindre ?

Enfin, quand son éloquence reste impuissante, c'est qu'il a des renards pour auditeurs.

Un vieux renard, mais des plus fins.
Sentant son renard d'une lieue,

Fut enfin au piège attrappé,

Par grand hasard s'en étant échappé,

Pour gage il y laissa sa queue...

Un jour que les renards tenaient conseil entre eux :
"Que faisons-nous, dit-il, de ce poids inutile,

Que nous sert notre queue? il faut qu'on se la coupe "
--"Votre avis est fort bon, dit quelqu'un de la troupe,
Mais tournez-vous de grâce!...”

A ces mots il se fit une telle huée,

Que le pauvre renard demeura confondu.

Prétendre ôter la queue eût été temps perdu:

La mode en fut continuée.

Vous vous rappelez le mot de Mme de la Sablière: "Je n'ai gardé que mon chien, mon chat... et mon La Fontaine." Pendant vingt ans, le bonhomme vécut donc en société avec ces deux animaux domestiques; aussi a-t-il peint et caractérisé le chat comme le symbole de l'hypocrite.

La Bruyère et Molière sont d'accord avec lui pour festiger les hypocrites et les faux dévots au sein de la sociéte de leur époque. La nôtre n'aurait-elle pas peut-être à gémir d'un excès contraire ?... Quoi qu'il en soit, l'hypocrisie est mise en scène par Molière dans sa pièce intitulée Tartufe, et par La Bruyère dans le portrait d'Onuphre. Il suffit de voir le chat pour le qualifier du nom de Ecoutez le souriceau le dépeindre à sa mère :

Tartufe.

Cet animal m'a semblé si doux,

Il est velouté comme nous,

Marqueté, longue queue, une humble contenance,
Un modeste regard, et pourtant l'œil luisant...
Je le crois fort sympathisant.

"-Mon fils, dit la souris, ce doucereux est un chat,
Sous un minois hypocrite.

A l'extérieur, c'est la dévotion personnifiée :

C'était un chat vivant comme un dévot ermite

Un chat faisant la chattemite

Un saint homme de chat, bien fourré, gros et gras.

Ne sont-ce pas les mots dont Dorine se sert dans la pièce de Molière ?-Egoïste et perfide, s'il a besoin de votre secours, il se posera volontier en victime de sa dévotion :

J'allais faire ma prière,

Comme un dévot chat en use tous les matins.

Ne vous y fiez pas; demain vos dons seront tournés contre

vous, car

Aucun traité

Peut-il forcer un chat à la reconnaissance ?

*

* *

Le loup, dans les fables, est l'emblême de la force brutale, l'image des grands seigneurs qui, au XVIIe siècle, se montraient si intraitables envers les petits et les humbles.

Bientôt, le loup se montre lâche et cruel, abusant de la force contre la faiblesse... d'un agneau : c'est la théorie odieuse du fait qui triomphe du droit ; tant que celui-ci subsiste, celui-là demeure ce qu'il est, une violation de la justice.

Tantôt il joint l'ingratitude au parjure, quand il refuse avec menaces à la pauvre cigogne, qui lui a extrait un os de la gorge,

le salaire promis :

Votre salaire! dit le loup :
Vous riez, ma bonne commère !
Quoi! n'est-ce pas encor beaucoup

D'avoir de mon gosier retiré votre cou.

Ne tombez jamais sous ma patte!

D'une maladresse ridicule, il est pris le premier dans les pièges qu'il tend aux autres,-soit que, pour tromper les brebis

Il s'habille en berger, endosse un hoqueton ;

-soit qu'il se dise" écolier d'Hypocrate pour happer son malade. Il est sottement crédule : il prend la lune pour un fromage; il s'imagine qu'une mère va lui livrer son enfant, parce qu'elle l'a menacé du loup; il est dupe d'un naïf chevreau qui lui demande de montrer patte blanche, avant de lui ouvrir la porte de son asile...

Arrivons au singe, le type des charlatans, qui guérissaient toutes les maladies jusqu'aux deux dernières minutes qui precèdent le dernier soupir. L'on connait la verve intarissable de Molière, les tirades, les situations comiques des doctes de la Faculté.

La Bruyère n'est pas plus respectueux envers cette engeance de la société de son temps.

"Carro Carri débarque à Marseille avec une recette qu'il appelle un prompt remède, et qui parfois est un poison lent: c'est dit-il, un bien de famille, mais amélioré de beaucoup entre ses mains de spécifique qu'il était contre la colique, il guérit maintenant de la fièvre, de la pleurésie, de l'hydropésie, de l'apoplexie, de l'épilepsie-nous ajouterions aujourd'hui, de l'hystérie.-Forcez un peu votre mémoire, nommez une maladie, la première qui vous viendra à l'esprit... l'hémorrhagie, dites-vous ?—I la guérit. Il ne ressuscite personne, il est vrai,—entre parenthèses, inférieur en cela à l'illustre Sganarelle du Médecin malgré lui-il ne rend pas la vie aux hommes; mais il les conduit nécessairement jusqu'à la décrépitude, et ce n'est que par hasard que son père et son grand père sont morts fort jeunes...

Le singe des fables connait à fond toutes les roueries du métier; il est bavard et vaniteux, comme les gens d'un demi-savoir. A la moindre question qu'on lui pose, il a six réponses toutes prêtes; il vante ses parents, ses amis, son influence: en voulezvous la preuve ? Lisez la fable: Le dauphin et le singe, où celui ci prend le Pirée pour un homme !

Le singe est un farceur de bas étage, qui affiche à la foire ou à la place du marché. Ecoutons son boniment; il n'a pas varié, cent fois nous l'avons entendu sur les tréteaux :

Votre serviteur Gille,
Cousin et gendre de Bertrand,

Singe du roi en son vivant,
Arrive.... exprès pour vous parler :

Car il parle, on l'entend; il sait danser, baller,

Faire des tours de toute sorte,

Passer un des cerceaux ; et le tout pour six blancs;

Non, messieurs, pour un sou; si vous n'êtes pas contents,

Nous rendrons à chacun son argent à la porte.

Trompés par son talent de jongleur, les animaux lui décernent un jour la couronne; il ne la gardera pas longtemps, le renard l'en dépouille habilement avec sa duplicité ordinaire.

Il dit au roi: " Sire, je sais une cache

Et ne crois pas que d'autre que moi la sache.
Il s'y trouve un trésor, qui, par droit de royauté
Appartient, sire, à votre majesté ".

Le singe y court, pour n'être pas trompé,
Or, c'était un piège : il y fut attrapé.

Le renard dit, les autres tombant d'accord :
"Prétendrais-tu nous gouverner encor,
Ne sachant pas te conduire toi-même ?
de gens convient le diadème."

A peu

(A suivre.)

A corriger.-Nous avons écrit: nues jambes (p. 235, ligne 12). L'on dit: Aller pieds nus, jambes nues ;—mais il faut dire : Aller nu-pieds, nu jambes. Cette dernière façon de parler est apparemment imitée du latin nudus pedes, où l'adj. se rapporte à la personne, et où la partie du corps est à l'accusatif. Mais, en latin, cet adj. s'accorde, tandis qu'en français il reste invariable et est suivi d'un trait d'union.

N. B.-La Revue ne paraitra ni en juillet ni en août.

Ghapeaux, Gasquettes.
Tourmalines, Etc.

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