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même espèce, qui se développent en même temps que l'idée, tout ensemble visible et cachée sous ce voile transparent.

Ex. La nature... envieuse du bien... nous déclare et fait signifier... nous prête... en a besoin... la redemande...

7. L'exclamation est une figure au moyen de laquelle on exprime plus vivement les sentiments dé surprise, d'admiration, de joie, d'effroi, de fureur... dont on est animé.

Ex.-O Dieu !... quel espace infini où je ne suis pas !... Que j'occupe peu de place dans cet abîme immense du temps !

8. L'apostrophe est une figure par laquelle on interpelle une personne présente, un être invisible, vivant ou mort, animé ou insensible, réel ou imaginaire. La personnification consiste à prêter la vie à des choses inanimées, à des personnes mortes ou absentes.

-

Ex. Cette recrue... les enfants... semblent nous pousser de l'épaule et nous dire Retirez-vous, c'est maintenant notre tour, (1)

"La conclusion de tout ceci, c'est qu'il faut se proposer de parler et d'écrire proprement et justement; qu'il ne suffit pas même que les figures soit le produit spontané de l'esprit ; qu'il faut encore exercer sur ce que l'on écrit un contrôle sévère, et ne recevoir aucune métaphore, aucune figure d'aucune sorte, que

(1) Il est à peine besoin de mentionner quelques autres figures bien con

nues :

a) L'allusion, qui rappelle incidemment une idée, un fait connus, en rap- . port avec celle que l'on exprime.

Ex. Qui voudrait parmi nous vendre l'innocence de son âme pour trente deniers.

b) L'atténuation (ou litote) qui diminue l'expression de la pensée de manière à laisser entendre le plus en disant le moins.

Ex.-Cet enfant n'est pas si sot: il a de l'esprit.

Je ne le hais point : je l'aime bien.

c) L'ironie, figure par laquelle l'écrivain exprime le contraire de ce qu'il pense et veut faire entendre.

Ex.-Ah! la bonne âme ! Vous allez voir que c'est moi qui ai tort !... Oui, tu es un ange, et moi je suis un démon !...

d) La suspension, figure par laquelle on s'arrête soudain pour piquer la curiosité et faire ressortir l'importance de ce que l'on dit :

Ex. Combien de fois a-t-elle remercié Dieu de deux grandes grâces: l'une de l'avoir faite chrétienne, l'autre... Messieurs, qu'attendez-vous?... de l'avoir faite reine malheureuse. [BOSSUET].

lorsque l'on sent qu'elle est dans la circonstance l'expression propre, adéquate de la pensée, lorsqu'elle apparaît comme véritablement et rigoureusement nécessaire... Chez tous nos grands écrivains, les figures ont bien ce caractère. Lisez et relisez Bossuet, ce maître incomparable : jamais son style n'a une plus exacte propriété que dans ces métaphores, ces hyperboles, ces exclamations, ces apostrophes, ces mouvements et ces figures qui se pressent sur ses lèvres...

"Des termes simples, exacts, nus, peuvent aussi former un style expressif et plein, quand ils sont maniés, par un esprit qui pense et sait les employer à faire penser." (1)

La vérité de cette dernière assertion est si fondamentale et si palpable que l'on rencontre souvent dans Bossuet, dans La Bruyère, dans Saint-Simon, dans Pascal des pages entières, où l'éloquence éclate, où la passion vibre dans des phrases construites. avec la précision nue et l'inflexible régularité du langage géométrique. En voici un exemple :

"C'est sans doute un mal que d'être plein de défauts; mais c'est encore un plus grand que de ne pas les vouloir reconnaître, puisque c'est y ajouter celui d'une illusion volontaire. Nous ne voulons pas que les autres nous trompent ; nous ne trouvons pas juste qu'ils veuillent être estimés de nous plus qu'ils ne méritent; il n'est donc pas juste aussi que nous les trompions, et que nous voulions qu'ils nous estiment plus que nous ne méritons.

"Ainsi, lorsqu'ils ne découvrent que des imperfections et des vices que nous avons en effet, il est visible qu'ils ne nous font point de tort, puisque ce ne sont pas eux qui en sont cause; et qu'ils nous faut un bien, puisqu'ils nous aident à nous délivrer d'un mal, qui est l'ignorance de ces imperfections. Nous ne devons pas être fâchés qu'ils les connaissent et qu'ils nous méprisent, étant juste et qu'ils nous connaissent pour ce que nous sommes, et qu'ils nous méprisent si nous sommes méprisables.

Voilà les sentiments qui naîtraient d'un cœur qui serait plein d'équité et de justice. Que devons-nous donc dire du nôtre, en y voyant une disposition toute contraire ? Car n'est-il pas vrai que nous haïssons la vérité et ceux qui nous la disent, et que nous aimons qu'ils se trompent à notre avantage, et que nous voulons être estimés d'eux, autres que nous ne sommes en effet?

"En voici une preuve qui me fait horreur. La religion catho

(1) LANSON. Conseils sur l'art d'écrire, p. 218.

lique n'oblige pas à découvrir ses péchés indifféremment à tout le monde : elle souffre qu'on demeure caché à tous les autres hommes; mais elle en excepte un seul, à qui elle commande d'ouvrir le fond de son cœur, et de se faire voir tel qu'on est. Il n'y a que ce seul homme au monde qu'elle nous ordonne de désabuser, et elle l'oblige à un secret inviolable, qui fait que cette connaissance est dans lui comme si elle n'y était pas. Peut-on s'imaginer rien de plus charitable et de plus doux ! Et néanmoins la corruption de l'homme est telle, qu'il trouve encore de la dureté dans cette loi; et c'est une des principales raisons qui a fait révolter contre l'Eglise une grande partie de l'Europe.

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Que le cœur de l'homme est injuste et déraisonnable, pour trouver mauvais qu'on l'oblige de faire à l'égard d'un homme, ce qu'il serait juste, en quelque sorte, qu'il fît à l'égard de tous les hommes Car est-il juste que nous les trompions?"

(PASCAL, Pensées i1.)

§ IV. LA Convenance.

1. La convenance est un juste rapport entre le style d'un écrivain et le sujet qu'il traite.

Les anciens littérateurs ont distingué trois degrés différents dans l'expression de la pensée : le style simple, le style tempéré ou fleuri, le style sublime.

Selon cette distinction, le style simple se rapproche du langage de la bonne conversation par le ton uni, naturel, familier, par la sobriété des images et des figures.

Le style fleuri brille par la grâce, l'élégance, la distinction, par l'expression de pensées ingénieuses, de sentiments nobles, par l'exclusion des mouvements passionnés, des images multipliées et grandioses.

Le style sublime est caractérisé par la noblesse, l'énergie, la hardiesse, la grandeur des pensées, par la profondeur et le pathétique des sentiments, par la magnificence et la pompe du langage.

2. Cette division a rencontré des contempteurs, surtout dans ces dernières années; elle a perdu de son crédit depuis l'efflorescence du romantisme.

A vrai dire, on serait bien en peine de composer un morceau de longue haleine en style exclusivement sublime, et il est rare que

le style fleuri puisse être incompatible avec la simplicité et le naturel.

Disons donc il faut que le ton et le style d'un écrit soient appropriés à la nature du sujet que l'on traite. au but que l'on se propose, au talent naturel que l'on possède.

Ex.-Vous dites à un élève :—” Dans vos lettres, soyez simple de ton et de forme; écrivez comme si vous parliez à la personne même qui doit vous lire." -Très bien. Mais lisez les lettres de Jos. de Maistre, de Lacordaire, de L. Veuillot, vous y trouverez du fleuri à côté du simple et même parfois du sublime.

Ce qui prouve que la distinction est sans solide fondement, car le style simple est aussi parfois sublime, comme on le remarque fréquemment dans les deuvres de Pascal, de Corneille, de Bossuet.

(Fin de la IE PARTIE).

11.-PARTIE PRATIQUE.

A. CLASSE DE TROISIÈME OU DE POÉSIE.

N° 1.

Les deux Pigeons.

(Liv. IX, 2.)

Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre :
L'un d'eux, s'ennuyant au logis.
Fut assez fou pour entreprendre

Un voyage en lointain pays.

L'autre lui dit : " Qu'allez-vous faire ?

Voulez-vous quitter votre frère ?

L'absence est le plus grand des maux :

EXPLICATION LITTÉRALE.

1 vers.-Deux pigeons les deux personnages ne sont pas de l'invention de La Fontaine ; il les a trouvés dans les Fables indiennes de Bidpaï et de Lokman.-S'aimaient d'amour tendre: désigne un attachement passionné et réciproque. L'ellipse du pronom ind. un, une, est un latinisme qui donne beaucoup de vivacité au tour. Amour est fém. au pluriel: Je redoutai du roi les cruelles amours (RAC. Mith. I.,1) et quelquefois en poésie au singulier.

2 v.-Au logis: endroit où quelqu'un loge.-Garder le logis: rester chez soi.---La folle du logis : l'imagination.

3 v.-Fut assez fou pour...: Exagération de langage pour dire que l'on ne montre pas le sens, la prudence, la modération nécessaire,

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Loc. Etre fou de joie, de douleur ; - Il faut être fou pour. Il est bien fou de... assez fou pour...

Synon. Le fou est celui qui a perdu la raison ; - l'insensé, celui qui n'a pas de sens aussi peut-on être insensé sans être fou.—Aliéné est le terme médical; fou, l'expression vulgaire.

4 v.-En lointain pays: tour poétique et hyperbolique.-Pays a deux syllabes, est syn. de contrée : Voir du ; courir le ; et au fig. Etre en

de connaissance.

5 v.--L'autre lui dit : La Fontaine suppose que le premier pigeon a communiqué son projet au seco' d.

6 v.-Voulez-vous... frère ? L'interrogation est pleine de candeur, de grâce, de tendresse, de naturel.

7 v. -L'absence... maux: voici un vers qui mérite de passer en proverbe. -L'absence éternelle : la mort.-En parlant des choses: Cette de franchise m'étonne chez lui.-Absence d'esprit distraction complète. Il a eu un moment d'absence; il a souvent des absences,

:

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