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XVIII siècles, est idéaliste à l'égard du XIX, si épris de pittoresque et de vérité objective.

4. L'école naturaliste recherche la peinture des détails matériels, le document, la couleur locale, les scènes triviales, grossières même, non en vue d'un sentiment ou d'une idée à mettre en lumière, mais parce que telle est la nature.-Dans un sens vrai, le naturalisme est l'imitation respectueuse et réservée de la nature, imitation animée, expressive, idéalisée.

5. L'école réaliste se cantonne dans la reproduction photographique du monde visible: se passer de goût, n'avoir point d'esprit ou l'avoir vulgaire ; ne garder de l'art que l'observation, et n'observer que les surfaces; reproduire les gestes pour se dispenser d'être l'interprète de l'âme ; se complaire à peindre à nu les basfonds de la société et de la vie scandaleuses, voilà le plus clair des théories de cette école pestilentielle.

6. Les Parnassiens placent toute la valeur de la poésie dans la richesse de la rime et dans l'art de ciseler un vers: pour eux, l'idée semble indifférente, la perfection de la forme est tout. C'est l'excès d'une qualité.

7. Les Symbolistes ou Décadents sont les partisans du vague, de l'indéterminé, du mystérieux, du rêve. Pour réagir contre les écoles précédentes, contre le réalisme surtout, ils trouvent partout une signification symbolique : dans les parfums, dans les couleurs, dans les mots : un tel système est fait de convenu et d'exagération. (1)

6. Moyens. La littérature arrive à ses fins par diverses voies :

1. Par l'enseignement des règles générales et particulières : Grammaire, Style ou Belles-Lettres, Rhétorique.

2. Par l'étude des modèles: Histoire et Critique littéraires.
3. Par l'exercice pratique des divers genres de compositions.

Art. III.-LES FACULTÉS LITTÉRAIRES.

En littérature les facultés de l'âme interviennent nécessairement, soit dans l'étude des règles, soit dans la connaissance, par l'analyse et la critique, des œuvres des maîtres, soit dans l'exécution du travail de composition: il importe donc d'étudier leur nature et leur rôle.

I. L'INTELLIGENCE est la faculté de concevoir des idées, de

(1) Cf. VINCENT, op, cit.

voir le vrai ou le vraisemblable, comme l'œil voit l'astre au firmament sans voile.

Ex. "Les hommes passent comme les fleurs, qui s'épanouissent le matin, et qui, le soir, sont flétries et foulées aux pieds.”—(FÉN. Tél. XIX.)

Comme les mots de cette phrase passent l'un après l'autre devant mon œil, de même les idées qu'ils renferment passent devant mon intelligence qui les regarde un moment au passage et lit en elles ce qu'elles sont tel est l'acte de l'intelligence (intus legere); voilà l'intuition.

Mais il n'en est pas souvent ainsi : mon intelligence doit d'ordinaire cheminer lentement, péniblement, par un circuit laborieux, d'une idée à une autre, rapprochant, confrontant, unissant les idées sœurs et séparant les étrangères, pour arriver à la vérité d'ensemble mon intelligence s'appelle alors raison, et son acte se nomme jugement, déduction, raisonnement.

2. LE JUGEMENT est la raison qui affirme ou qui nie le rapport de convenance ou de dissemblance entre deux ou plusieurs idées. Ex.-Dieu est saint (affirmation du rapport de convenance).

Ex. Tous les hommes ne sont pas saints (négation de ce rappport). 3. L'ESPRIT est la raison saisissant avec facilité et promptitude les rapports cachés des idées et des objets.

Ex.-"Madame Récamier est déjà vieille!" dit quelqu'un en présence d'Em. Deschamps.-" Pardon !" reprend vivement ce dernier; "il y a seulement longtemps qu'elle est jeune !"

4. La mémoire est l'intelligence conservant les souvenirs des sons et des formes, des sensations, des sentiments et des idées, des mots et des tours de phrase, pour leur donner, à l'occasion, corps et vie dans la composition littéraire.

Ex.-Parlant à des Sœurs garde-malades dans un hôpital, je me rappelle soudain un mot de Chateaubriand :

-"Souvenez-vous, mes Sœurs, de la noble parole d'un grand écrivain : "Dieu aime les belles âmes, même dans les corps hideux !"—" Vous faites ici l'office du Bon Samaritain !" -Autre trait qui s'offre à ma mémoire.

5. LA VOLONTÉ est la faculté qui tend librement au bien sous la lumière de l'intelligence. Elle regarde moins à la contexture du style qu'à l'esprit général de la composition: sans elle point de travail ni de préparation éloignée de l'art d'écrire, ni d'application immédiate et courageuse au travail même de composition. C'est elle aussi qui réclame, dans l'œuvre littéraire, l'élévation, la noblesse, la décence, la rectitude morale.

6. L'IMAGINATION est la faculté de se représenter, sous des traits sensibles, les objets sensibles absents, et les objets immaté

riels sous des images sensibles.-Ne la confondez pas, comme il arrive souvent, avec la puissance d'invention ou de création intellectuelle cette création est, non une faculté, mais un résultat du concours de toutes les facultés.

Ex.- Mon âme est dans mon corps comme le fil à l'intérieur d'une lampe électrique; le fil sans la lumière, c'est mon âme sans la grâce...

7. LA SENSIBILITÉ ou le CŒUR est la faculté d'éprouver des sensations, des sentiments, de percevoir des impressions morales venues d'ailleurs et de s'en affecter suivant leur nature.

Ex.-Je lis mon journal où l'on rapporte qu'un jeune homme a commis un assassinat, un parricide; j'éprouve un sentiment d'indignation contre le meurtrier, de pitié à l'égard de la victime.

Remarque.-L'on succombe aujourd'hui à la tentation de mettre l'imagination et la sensibilité au-dessus de l'intelligence et de la volonté: c'est un danger et une erreur: dans le plan du Créateur, l'imagination est pour aider la raison, la sensibilité pour servir la volonté.

8. LE GOUT est la finesse de l'intelligence et la délicatesse de la sensibilité discernant et appréciant les beautés ou les défauts dans les œuvres de l'esprit.

Ex. Quelqu'un me lit une pièce de vers de sa façon, sorte de prose rimée péniblement, sans originalité, sans émotion, sans couleur ; ce pastiche révolte mon goût, et je dis à l'intéressé, en bon français : "Vos vers sont détestables!"

10 Le bon goût aime le simple, le naturel, même dans le grandiose. Le mauvais goût se complaît dans le grotesque, le burlesque, l'excentricité.

2o Le goût incomplet ne saisit point les beautés d'un modèle reconnu et estimé comme tel; le défectueux ne sent pas le point de perfection de l'art et aime en deçà ou au delà.

3o Le goût dépravé se complaît dans les images dégoûtantes, les tableaux réalistes, le langage trivial et burlesque.

4o Les qualités du bon goût sont :

(a) La vivacité, qui dicerne sur-le-champ ce qu'un ouvrage offre de bon ou de défectueux;

(b) La délicatesse, qui distingue les beautés les plus voilées comme les défauts les plus cachés ;

(c) La sûreté, qui ne confond jamais l'or avec le clinquant, le beau avec le laid;

(d) La largeur, qui apprécie à leur valeur les œuvres d'origine et d'inspiration les plus diverses.

5° L'éducation du goût s'effectue à la fois par la lecture réfléchie des chefs-d'œuvre classiques, par la fréquentation des bons critiques littéraires, par l'enseignement du professeur ou les conseils d'un ami judicieux

9. LE GÉNIE et le TALENT sont la réunion des facultés littéraires développées à un haut degré.

C'est le génie, si ces facultés ont une puissance extraordinaire et produisent une œuvre originale et grandiose.

Ex. Shakespeare, Bossuet.

C'est le talent, si elles tirent un homme du commun et nous valent une œuvre au-dessus de l'ordinaire.

Ex.-Fénelon, Voltaire.

Entre eux il y a donc lieu d'admettre une différence, non de nature, mais de degré du plus au moins.

REMARQUES.

Deux qualités fondamentales distingueront toujours le véritable écrivain le naturel et l'originalité.

1. LE NATUREL consiste à voir les choses au vrai et à les exprimer au vrai; c'est l'équation de l'impression intime des objets reçue par l'âme, et de l'expression par le style de cette impression intime voir les choses telles qu'elles sont, les peindre telles qu'on les a vues, c'est être naturel.

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Or, l'impression est reçue par l'âme, par toutes ses facultés qui doivent toutes vibrer harmonieusement; l'âme et toutes ses facultés devront exprimer leurs accords dans le style. Elles ont besoin absolument pour cela d'un instrument, qui n'est autre que la langue; malheureusement on ne la connaît qu'imparfaitement et l'on n'écrit pas avec naturel.

2. L'ORIGINALITÉ est l'empreinte personnelle que les idées, les sentiments, les images reçoivent en passant par l'âme de l'écrivain; et cette empreinte il la met dans le plan et le style de son

œuvre.

Il y a dans l'âme de tout écrivain une proportion suivant laquelle ses facultés se mêlent et se combinent, une façon d'être naturelle à chacune d'elles et un développement acquis par l'éducation et l'étude, voilà ce qui constitue sa physionomie propre, son tempérament littéraire, son originalité individuelle.

Ex.-Racine montre plus de sensibilité que d'imagination, et autant de goût que de sensibilité.

Corneille montre moins de sensibilité que d'imagination, et moins de goût que de sensibilité.

L'on voit que ces deux poètes, originaux par leur supériorité sur le vulgaire, sont différents dans la forme de leur originalité, en raison du mélange et de la combinaison de leurs facultés.

I. PARTIE.

ELOCUTION

Art. I-LE STYLE.

Le mot STYLE (lat. stylum) désignait le poinçon en métal, en ivoire, en os, pointu par un bout et aplati par l'autre, à l'aide duquel les anciens écrivait sur de la cire ou sur tout autre endui

mou.

Plus tard, ce mot signifia l'écriture elle-même, le talent d'écrire, la connaissance du métier, mais surtout la manière de s'exprimer propre à un auteur.

2. Le STYLE est donc la marque personnelle du talent, le don de rendre ses pensées, l'art aussi de les faire naître, de les féconder, de les mettre en relief.

Il a pour SYNONYMES: diction, (non la manière de dire, quant à la correction et à la justesse du débit) manière de dire, quant à la correction, à la justesse dans le choix et l'arrangement des mots; élocution (non la manière dont on fait entendre les sons en parlant) manière d'énoncer sa pensée par l'agencement des mots; langage, expression de la pensée par la parole.

3. Par FOND l'on entend les matériaux, idées et sentiments, la substance du sujet; par FORME, l'expression, le revêtement, les tours, le style.

Selon les meilleurs juges, le fond et la forme ne font qu'une seule et même chose. L'on ne peut en général et d'une façon définitive, toucher à l'un sans altérer l'autre ; travailler la pensée, c'est donc travailler le style, et réciproquement.

Art. II.-ELÉMENTS DU STYLE.

§ I. Les pensées.

I. L'IDÉE, NOTION Ou PENSÉE est la représentation pure et simple d'un objet ou d'une vérité dans l'esprit.

Ex.-Soleil, vertu.

2. Défin. En littérature la PENSÉE est surtout l'acte de l'es

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