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Elevant jufqu'au Ciel fon vol ambitieux,

60 Entretient dans fes vers commerce avec les Dieux. Aux Athletes dans Pise, elle ouvre la barriere, Chante un Vainqueur poudreux au bout de la carriere,

REMARQUES.

2

,

* Pindare.

Si d'une fiction d'un long difcours tu causes,
Tu pourras divifer cette longueur en pauses:
Ou par les plis tournez des Odes du * Sonneur
Qui Grec fur les neufs Grecs lyriques eut l'honneur.
Mais rien n'eft fi plaifant que la courte Odelette
Pleine de jeu d'amour, douce & mignardelette:
Si tu veux du fcavoir Philofophe y mesler,
Par la Mufeil le faut à ton aide appeler
A toy mefme affervant la douce Polimnie
Autrement fa faveur, depite elle denie
Et non l'affujettir aux mots fententieux
Sans qu'elle fente un peu fon air capricieux,
Sur quelque fantaisie élevé (par
De contes fabuleux deffus la profe baffe.
La Mufe fur le Luth pour fujet fift jouer
Et les Dieux & les Rois, & leurs mignons lower a
Les jouftes, les combats, la jeunesse s'aymante
A picquer les chevaux fous la bride ecumante;
Les ballets & le vin, les danfes, les banquets,
Et des jeunes amants les amoureux caquets.

la

grace

Mais avec fon fredon, or la Lyre cornué
En la France eft autant qu'en la Grece connue
Et nul vulgaire encor n'a jamais entrepris
De vouloir par fus elle en emporter le pris.
Car depuis que Ronfard eut amené les modes
Du Tour & du Retour & du Repos des Odes
Imitant la pavane ou du Roy le grand bal
Le Francois n'eut depuis en l'Europe d'égal:
D'Elbene le premier cette lyre ancienne
A l'envy des Francois fait ore Italienne.
En ce genre fur tous propofer tu te dois
L'inimitable main du Pindare Gregeois,
Et du Harpeur Latin, & t'esjouir & rire
Et fur la Teienne & la Saphique lyre.

Voiés la Remarque fur le Vers 81. de ce Chant. Il en eft parmi nous de l'Ode comme de l'E. légie. Le prix eft encore à donner, & nous n'avons rien de

* Horace.

*

fupérieur à Malherbe,

Anacréon,

VERS 61. Aux Athletes dans Pife, elle owvre la barriere. ] PISE en Elide, où l'on celebroit les Jeux Olympiques. DES P.

45

ouvrage,

Mene Achille fanglant aux bords du Simoïs,
Ou fait fléchir l'Efcaut fous le joug de Louïs.
65
Tantoft comme une abeille ardente à fon
Elle s'en va de fleurs dépouiller le rivage:
Elle peint les feftins, les danfes, & les ris,
Vante un baiser cueilli fur les lévres d'Iris,
Qui mollement refifte, & par un doux caprice;
70Quelquefois le refuse, afin qu'on le ravisse.
Son ftile impetueux fouvent marche au hazard.
Chez elle un beau defordre eft un effet de l'art.

Loin ces Rimeurs craintifs, dont l'esprit phlegmatique, Garde dans fes fureurs un ordre didactique : 75 Qui chantant d'un Heros les progrés éclatans

Maigres Historiens, fuivront l'ordre des temps.
Ils n'ofent un moment perdre un fujet de veuë.
Pour prendre Dole, il faut que l'Ifle foit renduë;

REMARQUES.

IMIT. Vers 69. Qui mollement refifte, & par un doux caprice.] HORACE,Ode XII. Liv. II. DESP.

Nôtre Auteur imite, dans ce Vers & le fuivant, les trois premiers de cette Strophe.

Dum fragrantia detorquet ad ofcula
Cervicem: aut facili favitid negat,
Qua pofcente magis gaudeat eripi ;
Interdum rapere occupet.

Cette Ode d'Horace eft une de
celles que feu M. de La Motte a
traduites, ou plutôt travefties,

& voici comment il s'eft imagi-
né rendre la Strophe, que l'on
vient de lire.

Heureux momens pour toi! quand détournant la tête
Par une adroite feinte elle t'offre un baiser:
Ou bien lorfque le cœur, certain de fa conquête,
Pour le faire ravir, aime à le refuser.

M. de La Motte n'avoit garde
d'entreprendre de traduire le der.
nier Vers.

VERS 78. Pour prendre Dole,&c.] L'Ifle & Courtray furent pris en 1667. & Dole en 1668,

Et que leur vers exact, ainfi que Mezeray,
80 Ayt fait deja tomber les remparts de Courtray.
Apollon de fon feu leur fut toûjours avare.
On dit à ce propos, qu'un jour ce Dieu bizarre

REMARQUES.

VERS 79. ainsi que Mexeray. ] FRANÇOIS Eudes, qui fe fit appeller Mexeray, du nom d'un Hameau, fitué dans la Paroifle de Ry, lieu de fa naiffance & Village en Baffe Normandie entre Argentan & Falaife, fut choisi pour Secretaire de l'Académie Françoife, après la mort de Conrart. Il êtoit né en 1610. Il s'adonna dans fa jeunefle à la Poefie, qu'il abandonna par le confeil du célèbre Des Tveteaux fon Protecteur, pour fe livrer à l'étude de l'Hiftoire & de la Politique. Comme il êtoit extrêmement laborieux, il a beaucoup écrit. Outre fes Ouvrages connus, on fait qu'il a fait quantité de Satires Politiques, & l'on ne doute point que celles qui portent le nom de Sandricourt, ne foient de lui. Le Livre le mieux fait, qui foit forti de fa plume, eft fon Hiftoire de l'Origine des François ; & celui qui lui donne le premier rang parmi les Hiftoriens de la Monarchie, eft fon Abregé Chronologique de 'Hifloire de France, dont la première Edition eft de Paris 1668. en trois Volumes in-4°. M. Col. bert ne fut pas content que l'Auteur eut parlé trop librement fur certaines matières. Celui-ci fit dans la feconde Edition quelques changemens, lefquels ne fatisfirent point le Miniftre, qui

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lui retrancha les quatre mille li vres de Penfion qu'il avoit comme Hiftoriographe du Roi. Généralement parlant la grande Hilloire de Mexeray, ne vaut pas grand' chofe; & fon Abregé Chronologique eft très-imparfait. Il eft rempli de fautes contre la Chronologie. Le Stile eft énergique, mais il eft dur, fouvent barbare, quelquefois même trèsbas. Ce qui fait le prix de ce Livre, c'eft que les Faits y font rangés dans un ordre clair & net; que les caractères y font peints le plus fouvent d'un feul trait, & que les Réflexions, dont il eft enrichi, font vives, faillantes, neuves, hardies, contenant en deux mots les inftructions les plus folides. Mezeray mourut le ro. Juillet 1683.

VERS 82. On dit à ce propos,&c.] A la Remarque du Commentateur fur l'Origine du Sonnet, je fubftitue ce que La Frefnaie-V aulin en dit Art Poet. Liv. I. M. Broffette, qui le cite n'a fait en quelque forte que l'extraire. Il cite encore le Chap. VIII. du Liv. I. du Recueil de l'Origine de la Langue & Poefie Françoise Ryme & Roman &c. par le Préfident Fauchet) à Paris in 4°. 1581. chés Mamert Pation ; le Traité du Sonnet de Colletet, & les Obfervations de Ménage fur MALHERE.

des Trobadours Fut la Rime trouvée en chantant leurs amours à

Voulant pouffer à bout tous les Rimeurs François,
Inventa du Sonnet les rigoureuses loix;

REMARQUES.

Et quand leurs vers rimez ils mirent en eftime

Ils fonnoient, ils chantoient, ils balloient fous leur Rime,
Du Son fe fift Sonnet, du Chant fe fift Chanson,
Et du Bal la Ballade, en diverfe facon:

* La Poëfie

Ces Trouverres alloient par toutes les Provinces
Sonner, chanter, danfer leurs Rimes chez les Princes.
Des Grecs des Romains cet Art renouvellé
Aux Francois les premiers ainfi fut revelé:
A leur exemple prift le bien difant Petrarque
De leurs graves Sonnets l'ancienne remarque:
En recompenfe il fait memoire de Rembaud
De Fouques, de Remon, de Hugues & d'Aarnaud
Mais il marcha fi bien par cette vieille trace,
Qu'il orna le Sonnet de fa premiere grace:
Tant que l'Italien eft eftimé l'autheur
De ce dont le Francois eft premier inventeur.
Jufqu'à tant que Thiard épris de Pafithée

L'eut chanté d'une mode alors inufitée,
Quand Sceve par dizains en fes Vers deliens
voulut avoir l'honneur fur les Italiens,
Quand desja Saingilais,& doux & populaire
Refaifant des premiers le Sonnet tout vulgaire,
En Court en eut l'honneur: quand bien toft du Bellay
Son Olive chantant l'eut du tout r'appelé :
Et que Ronfard bruflant de l'amour de Caffandre
Par deffus le Tofcan fe fceut bien faire entendre:
Et Baif du depuis (Meline en fes ébats
N'ayant gaigné le prix des amoureux combats)
Ces Sonnets repillant, d'un plus hardi courage,
Et changeant fon amour, & changeant fon langage
Chanta de fa Francine au parangon de tous
Faifant notre vulgaire & plus bas & plus doux

Puis Ronfard reprenant du Sonnet la mesure
Fift noftre langue auffi n'eftre plus tant obfcure,
Et deflors à l'envy fut des Francois repris
L'intereft du vieux fort, que l'Itale avoit pris:
Et du Bellay quittant cefie amoureuse flame,
Premier fit le Sonnet fentir fon Epigrame :
Capable le rendant, comme on void, de pouvoir,
Tout plaifant argument en fes Vers recevoir.

Desportes d'Apolon ayant l'ame remplie,
Alors que noftre langue eftoit plus accomplie
Reprenant les Sonnets d'art & de jugement
Plus que devant encor écrivit doucement.
Voïés la Remarque fur le Vers 181. de ce Chant

* Melin de SaintGelais.

* Peuteftre, fon..

$5 Voulut, qu'en deux Quatrains de mefure pareille, La Rime avec deux fons frappaft huit fois l'oreille, Et qu'enfuite, fix vers artiftement rangez

Fuffent en deux Tercets par le fens

partagez. Sur tout de ce Poëme il bannit la licence: 90 Lui-mefme en mefura le nombre & la cadence : Defendit qu'un vers foible y puft jamais entrer, Ni qu'un mot desja mis osast s'y remontrer. Du refte il l'enrichit d'une beauté fuprême. Un Sonnet fans defauts vaut seul un long Poëme. 95 Mais en vain mille Autheurs y penfent arriver; Et cet heureux Phénix eft encore à trouver. A peine dans Gombaut, Maynard, & Malleville, En peut-on admirer deux ou trois entre mille.

REMARQUES.

VERS 97. & 98. A peine dans Gombaut, Maynard, & Malleville, En peut-on admirer deux ou trois entre mille.] Trois Académiciens

célèbres, Parmi le grand nombre
de Sonnets, qu'ils ont compofés
M. Despréaux nommoit celui-ci
de Gombaut.

plus qu'un peu de cendre, &c.
Belle Matineufe & qui eft le
vingt-feptiéme felon l'ordre de

terre & fur l'Onde, & l'Olympe vermeil, &c. ces trois Poëtes. Sur Gombaud, voïés Chant IV. Vers 48.

Le Grand Montmorenci n'est Et cet autre : Cette race de Mars, &c. Mais il donnoit le prix à celui que Malleville fit pour la l'Edition. Le filence regnoit fur la L'air devenoit ferein, La plupart des Poëtes de ce tems-là composèrent des Sonnets fur le même fujet; mais Malleville eut l'avantage fur les autres, au jugement des plus habiles Connoiffeurs. Voïés la Differtation de Ménage fur les Sonnets pour la Belle Matineufe. BROSS.

On fent bien qu'il ne faut pas prendre à la rigueur ce que no tre Auteur dit ici des Sonnets de

François Maynard, Fils d'un Confeiller au Parlement de Touloufe, & Préfident au Préfidial d'Aurillac, vint jeune à la Cour, où la Reine Marguerite le fit fon Secretaire. Il fut ami de Despor tes, qui le forma d'abord à la Poelie. Il s'attacha dans la fuite à Malherbe, & profita beaucoup des leçons d'un fi grand

La

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