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XV.

. Sur la premiere reprefentation de L'ATTILA.

APRE'S
PRE'S l'Agefilas,

Helas!

REMARQUES.

CORNEILLE ont été des remerci- la rapporte prefque entière; ce

mens pour LOUIS LE GRAND. Des témoignages fi autentiques, feront fans doute fuffifans pour faire connoître l'erreur dans laquelle font tombés des Ecrivains, d'ailleurs très-judicieux & trèseftimés, en publiant que M. Def. préaux n'avoit point contribué au rétabliflement de la Penfion de M. Corneille. Ils ont confondu celle que M. Colbert lui procura après la difgrace de M. Fouquet, avec la Penfion que M. Defpréaux fit rétablir après la mort de M. Colbert. BROSS.

Le Fair que M. Broffette vient de raconter, avoit êté mis dans une vie de M. Defpréaux, qui parut quelque tems après fa mort; & les Journalistes de Trévoux (ce font les Ecrivains indiques par je Commentateur) s'êtoient infcrits en faux contre ce Fait. M. Du Monteil remarque qu'ils con tinuèrent depuis, & qu'ils pri rent la défenfe de Corneille, contre les Critiques que M. Defpréaux en a faites. C'eft dans Article LVIII. de leurs Mémoires du mois de Mai 1717. à la fuite de leur Extrait de l'Edition de M. Broffette, qu'on trouvela DEFENSE du GRAND CORNEILLE contre le COMMENTATEUR des OEUVRES de M. BOILEAU DESPRE AUX, M. Du Monteil

qui m'autorile à n'en rien retrancher. C'eft le célèbre P. de Tournemine qui parle.

Si je ne craignois pas qu'on prit les louanges, que je viens de donner à M. Broffette, pour une approbation de ce que fon Auteur & lui ont dit contre Corneille, je négligerois de les réfuter. La réputation du Grand Corneille eft trop établie, pour qu'il ait besoin de défenfeurs, & ce que le Commentateur de Boileau nous apprend des efforts, qu'a fait cet ami de Racine, pour abaiffer le Prince des Poëtes Tragiques, nuira moins à Corneille qu'à fon Ennemi. M. Brosfette nous découvre les artifices, cachés fous divers ménagemens, dont la timide jaloufie de Boileau n'a ofé fe difpenfer pendant la vie de Corneille; des louanges équivoques; (Sat. IX. 177.) le nom de Corneille fupprimé dans des endroits l'on le blame fans mesure ; ( Art Poët. Ch. III. 29. 140. Ch. IV. 84.) des traits, que Boileau n'avoit ofé imprimer, & qu'il confioit à fon ami pour les faire paffer à la postérité. ( Epigr. XXIX. Rem.) Mais l'idée que Boileau s'êtoit faite de Corneille, & que le Commentateur nous préfente,eft fifauffe, fi différente de celle qu'en ont& ceux qui l'ont connu, ceux qui lifent fes Owurages fans

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Mais aprés l'Attila,
Hola !

REMARQUES.

prévention, qu'il n'est pas à craindre qu'elle diminue le nombre des Admirateurs du Sophocle François. Le Poëte Satirique & fon Commentateur parlent de Corneille, comme d'un homme intéreffé, moins avide de gloire que de gain ; (Art Poët. Ch. IV. 130.) Corneille, qu'on fait avoir porté l'indifférence pour le gain jusqu'à une infenfibilité blamable; qui n'a jamais tiré de fes Pièces que ce que Les Comédiens lui donnoient, fans comter avec eux ; qui fut un an fans remercier M. Colbert du rétablissement de fa Penfion ; qui a vésu fans faire aucune dépense, & eft mort fans biens: Corneille, qui a eu le cœur auffi grand que l'efprit, le fentiment auffi noble que les idées.

On veut encore le faire paffer pour Copifte; on affecte de nous indiquer les fources où il a puife: on ne nous apprend que ce qu'il avoit appris lui-même au Public, en lui donnant, Le Cid, Cinna, Pompée. Dans les premières Editions de ces Tragédies il fit imprimer les endroits de Guillen de Caf

tro s

de Sénèque de Lucain, qu'il avoit copiés. Ces Imitations ne font pas la dixième partie de ces Tragédies, ni ce qu'on y admire Le plus. Qu'on nous dise d'après qui se Grand Poëte a copié Polieu &te, Rhodogune, Héraclius, Oedipe, Horace même & Sertorius. Jamais Auteur ne fut plus original, plus fécond, plus varié. Il fied mal aux Admirateurs de Racine, d'attaquer Corneille de ce côté.

On lui reproche d'avoir estimé Lucain, & fur cela on l'accufe d'avoir le goût peu fur de juger

fottement (Art Poët. Ch. IV. 84.) Une décifion fi magistrale & fi noblement exprimée, foutenue de tant de traits lancés contre la belle Traduction de La Pharfale en Vers François, où Brebeuf eft auffi Lucain que Lucain même, n'empê cheront pas un grand nombre d'excellens Connoiffeurs de trouver dans Lucain dans fon Traducteur des pensées brillantes fans être fausfes, des fentimens généreux, une expreffion pleine de force, des peintures qui frappent,un vrai fublime.

Forcé d'admirer avec le Tublic certaines Pièces de Corneille, Boileau, pour se dédommager de cette contrainte, a voulu du moins immoler les dernières à Racine fon idole. Qu'on fe garde de juger de l'Attila de Corneille par une Epigramme affés fade du Poëte Satirique, & par une Note ( Sat. IX. 177.) oùle Commentateur a prononcé, que la décadence de l'efprit de CORNEILLE fe fait fentir dans cette Pièce, qu'affuriment il n'a pas lue. Qu'on la life, & on y reconnoîtra l'Auteur d'Héraclius & de Nicomède: on y ve connoîtra Attila on y admirera cette force de politique & de raifonnement, qui diflingue toujours Corneille: on y trouvera des Ca. ractères nouveaux, grands, foute nus; le declin de l'Empire Romain; les commencemens de l'Empire François, peints d'une grande maniére, & mis en contrafte ; une Intrigue conduite avec Art; des Situations intéreffantes; des Vers auffi heureux & plus travaillés que dans les plus belles Pièces de Corneille on apprendra enfin à se défier de la aritique de Boileau

XVI.

Sur une Satire tres-mauvaife, que l'Abbé COTIN avoit faite, & qu'il faifoit courir fous mon nom. ENVAIN par mille & mille outrages

Mes Ennemis dans leurs ouvrages

REMARQUÉS.

Agefilas enveloppé dans la même Epigramme, n'est pas comparable aux Chefsd'œuvre de Corneille, ni même à fon Attila: mais c'eft fe jouer du Public, que de traiter de miférable une Comédie Héroïque d'un goût nouveau, où, parmi des Perfonnages d'un caractère fingulier, Agéfilas

tels, que l'Histoire nous les fait connoître: une Pièce, dont le dénoument eft un effort héroïque d'Agéfilas, qui triomphe en même tems de l'amour de la vengeance : une Pièce, où l'on retrouve le Grand Corneille en plus d'un endroit. J'en tranferirai un feul. C'est Agéfila's,

Lifander paroiffent qui parle.

Il cft beau de triompher de foi,
Quand on peut hautement donner à tous la loi,
Et que le jufte foin de combler nôtre gloire
Demande nôtre cœur pour dernière victoire.
Un Roi, né pour l'éclat des grandes actions,
Domte jufqu'à fes paffions;

Et ne fe croit point Roi, s'il ne fait fur lui-même
Le plus illuftre eflai de fon pouvoir fuprême.
Mais M. Boileau; fi l'on en
troit fon Commentateur, a réparé
fes critiques indifcrètes par un beau
trait de générosité envers Corneille;
il fit rétablir fa Penfion, qu'on avoit
fupprimée. Ce Fait, déja allégué
dans la Viede M: Defpréaux (par
M. Des Maizeaux.) avoit été
convaincu de faux dans nos Mé-
moires. On fe flatte ici de le réta-
blir en changeant les circonstances.
Ce n'eft plus après la mort (il fal-
Joit dire la difgrace) de M.
Fouquet, ce n'eft plus par M.
Colbert, que la Penfion étoit fup-
primée. C'eft, dit le Commenta-
teur, après la mort de M. Colbert,
par M. de Louvois. Envain ré-
forme-t-on la fable, on ne peut en

:

faire une vérité. A une fiction grof fière on en fubftitue une autre mieux concertée; mais c'est toujours une fiction. La Penfion de Corneille ne fut point retranchée par M. de Louvois après la mort de M. Colbert. On défie de donner la moindre preuve de ce Fait. Ainfi M. Boileau n'a pas été dans l'occafion de jouer le rôle généreux, qu'on lui attribue, de courir chés Madame de Montefpan, de parler au Roi avec chaleur. Pour les deux cens Louis envoïés par le Roi an Grand Corneille peu de jours avant fa mort; le Fait eft vrai. Le Roi. fut du P. de La Chaife que l'ar gent manquoit à cet illuftre Mala de, fort éloigné de tésaurifer ; .

Ont

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Ont creu me rendre affreux aux yeux de l'Univers.

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Sa Majesté lui envoïa deux cens Louis. Je ne contefte pas qu'ils n'aient êté portés par M. de La Chapelle, Parent de M. Boileau. Je veux croire que M. Boileau, inftruit de l'état où étoit M. Corneille, en parla à Madame de Montefpan, & peut-être au Roi. Je ne pretens pas lui ôter la gloire, que mérite cet effort de générosité ; mais M. Boileau n'a point fait rétablir la Penfion de M. Corneille, ni dit ce qu'on lui fait dire pour en obtenir le rétablissement. C'est ce que j'avois à prouver. Je l'ai prouvé fans replique. Quand la Penfion fut fupprimée après la mort (la difgrace) de M. Fouquet, M. Boileau n'êtoit pas en état d'agir pour la faire rétablir. Elle n'a pas été fupprimée après la mort de M. Colbert.

Ne retrouve-t-on pas dans cette Défenfe toute l'imagination de fon Auteur? M. Broffette parle de la Penfion de Corneille, en homme fur de ce qu'il avance; & fon Contradicteur nous donne une fimple dénégation pour une preuve fans replique de la fauffeté du Fait, qu'il contefte. C'est

au Lecteur à juger lequel des deux mérite le plus de croiance. A l'égard des autres Chefs de cette Défenfe, il eft à propos de la comparer avec les endroits où M. Despréaux & M. Broffette parlent de Corneille. Voïés donc outre les citations placées ci-deffus en parenthèfes, Difc. au Roi, 54. Sat. III. 181. 183. Sat. VIII. 200. Sat. IX. 231. Epit. I. 7. Epit. X. 66. Art Poët. Ch. II. 113. Ch. III. 21.393.- -400. Epigr. XXIX.

XVI. On avoit fait courir une Satire non feulement mauvaife, mais auifi très - dangereufe. L'Abbé Cotin n'en êtoit pas véritablement l'Auteur; mais il l'attribuoit malicieufement à M. Despréaux qui, pour fe défendre, la lui rendoit. Un jour M. le Premier Préfident de Lamoignon refufa de lire un Libelle que cet Abbé avoit publié contre M. Defpréaux; parce que M. le Premier Préfident accufoit en riant, M. Defpréaux de l'avoir compofé lui-même › pour rendre ridicule l'Abbé Coting BROSs.

Tome II.

Bb

XVII.

Contre le mefme.

A QUOY bon tant d'efforts, de larmes & de cris,
Cotin, pour faire ôter ton nom de mes Ouvrages ?
Si tu veux du Public éviter les outrages,
Fais effacer ton nom de tes propres écrits.

REMARQUE

XVII. Cette Epigramme avoit originairement êté faite contre M. Quinault, parce qu'il avoit imploré l'autorité du Roi, pour faire ôter fon nom des Satires de l'Auteur. Mais fes follicitations n'aïant rien produit, il rechercha l'amitié de M. Defpréaux, qui mit ici Cotin à la place de Quinault. BROSS.

VERS 3. Si tu veux du Fublic éviter les outrages,] Il me femble que dans l'ufage de la Langue, le mot outrage, auffibien que celui d'affront, n'eft actif dans fa fignification qu'à l'aide d'un que. Ce Vers même fer

S.

vira d'exemples. Les outrages du Public, c'eft-à-dire, les outrages que le Public te fait. Voilà la Phrafe Françoife. La fignification paffive ne fe détermine auffi que par le que. Nôtre Auteur n'auroit pas pu dire en parlant à CoTIN: Si tu veux éviter tes ontrages. Il auroit fallu dire: Si tu veux éviter les outrages, que tu reçois. Il en eft de même du mot affront, au fujet duquel il faut, par cette Remarque réformer une, que j'ai faite, (je ne me fouviens pas pour le moment en quel endroit & qui n'eft pas affés exacte.

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