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CHANT IV.

LES Cloches dans les airs de leurs voix argentines,
Appelloient à grand bruit les Chantres à Matines:
Quand leur Chef agité d'un fommeil effrayant,
Encor tout en fueur fe réveille en criant.

5 Aux élans redoublez de fa voix douloureuse,
Tous fes valets tremblans quittent la plume oyfeuse.

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Le vigilant Girot court à luy le premier.
C'est d'un Maistre fi faint le plus digne Officier.'
La porte dans le Choeur à fa garde eft commife:
to Valet fouple au logis, fier Huiffier à l'Eglife.

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Quel chagrin, luy dit-il, trouble voftre fommeil ? Quoy ? voulez-vous au Chœur prévenir le Soleil ! Ah! dormez, & laissez à des Chantres vulgaires, Le foin d'aller fi-toft meriter leurs falaires.

Ami, luy dit le Chantre encor pafle d'horreur, N'infulte point, de grace, à ma jufte terreur. Mefle plûtoft ici tes foupirs à mes plaintes,

Et tremble en écoutant le fujet de mes craintes.

REMARQUES.

VERS 7. Le vigilant Girot] BRUNOT. I êtoit fâché que l'Auteur ne l'eût pas défigné par fon véritable nom. BROSS.

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VERS 10. Valet fouple au logis, fier Huifier à l'Eglife.] Le même Brunot Valet de Chambre du Chantre, & Huiffier de la Sainte Chapelle. Cet Huiffier eft un Bedeau, ou Porte-Verge, dont la principale fonction eft de gar. der la porte du Chœur. Il étoit fort foumis auprès de fon Maître, mais dans l'Eglife il faifoit fon emploi avec beaucoup de fierté. M. le Premier Préfident de Lamoignon, voifin de la Sainte Chapelle, où il alloit ordinairement à l'Office, connoiffoit cet Huiffier, qui fe faifoit affés remarquer. Toutes les fois qu'il le vofoit en fonction, ce Vers lui revenoit dans la mémoire, & il ne pouvoit s'empêcher de dire tout bas:Valet souple

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Pour la feconde fois un fommeil gracieux
20 Avoit fous fes pavots appefanti mes yeux':
Quand l'efprit enyvré d'une douce fumée,
J'ay crû remplir au Chœur ma place accoûtumée.
Là, triomphant aux yeux des Chantres impuissans,
Je beniffois le peuple, & j'avalois l'encens :
25 Lorfque du fond caché de noftre Sacristie,
Une épaiffe nuée à longs flots eft fortie,
Qui s'ouvrant à mes yeux dans fon bluaftre éclat
M'a fait voir un Serpent conduit par le Prélat.
Du corps de ce Dragon plein de fouffre & de nitre
30 Une tefte fortoit en forme de Pupitre,

Dont le triangle affreux tout heriffé de crins,
Surpaffoit en groffeur nos plus épais Lutrins.
Animé par fon guide en fiflant il s'avance:
Contre moy
fur mon banc, je le voy qui s'élance,
35 J'ay crié, mais envain ; & fuyant fa fureur,
Je me fuis réveillé plein de trouble & d'horreur.
Le Chantre s'arreftant à cet endroit funeste,
A fes
yeux effrayez laisse dire le reste.

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l'Expreffion eft très-recherchée,
n'eft ici quelque chofe que
l'on puiffe dire en fa faveur,
&
que pour remplir un vuide,
donner une Rime à Prélat, qui
termine le Vers fuivant.

VERS 29. — plein de fouffre
& de nitre, ] Qu'on foit attentif
à la fuite de la Narration, &
l'on verra que cet Hémiftiche
eft inutile & n'eft encore qu'une
pure Cheville,

}

Girot envain l'affure, & riant de fa

peur,

40 Nomme fa vifion l'effet d'une vapeur.
Le defolé Vieillard qui hait la raillerie,
Luy deffend de parler, fort du lit en furie.
On apporte à l'instant ses somptueux habits,
Où fur l'oüate molle éclate le tabis,

45 D'une longue foutane il endoffe la moire,
Prend fes gants violets, les marques de fa gloire,

REMARQUES.

VERS 39. Girot envain l'affure, ] Pour le raffure. C'eft une faute de Langage: affurer & rassurer ont une fignification fort différente, & leur emploi n'eft pas le même. Affarer fe dit des chofes. Raflurer fe dit des perfonnes. VERS 41. Le défolé Vieillard qui bait la raillerie, ] Ce Vers flateroit beaucoup plus l'oreille fi l'Auteur avoit mis: Le Vieillard défolé. Ce changement, que je propofe, ne feroit pas feulement plus favorable à l'Harmonie; il ajouteroit au Sens; & cela par une raifon logique, qui demanderoit une Differtation pour être mife dans tout fon jour, & qu'il me doit d'autant plus fuffire d'indiquer, que tout le monde,à l'aide de quelque réflexion, peut la trouver aisément.

VERS 44. Où fur l'oüate molle &c.] Nos Anciens difoient Oie, pour Oie, & Oüette, pour Oifon. Le mot d'Ouate,qu'on pro nonce Ouette en Province, vient delà, par rapport à ce mol duvet, que Rabelais, Liv. I. Chap. 13. exalte fi fort dans les Oifons. Cette Etimologie eft de M. de La Monnoie. BROSS.

II falloit ajouter qu'à Paris on prononce Onette bien plus com

munément qu'Oüate; & qu'on y dit toujours d'une Robe qu'elle eft ouettée, & non pas oüattée. Cet ufage général prefcrit contre la prononciation d'oiate, qu'il ne faut pas condamner dans nôtre Auteur, parce qu'apparemment elle êtoit commune de fon tems.

VERS 45. D'une longue foutane il endoffe la moire, ] Pour dire : Il endoffe une longue foutane de moire; cette Phrafe qui feroit peut-être très-Poëtique en Latin, a bien de la peine en François à fe fauver du ridicule.

VERS 46. Prend fes gants violets, &c.] En l'abfence du Tréforier, le Chantre êtoit en pofleffion de faire l'Office avec les Ornemens Pontificaux, de fe faire encenfer, & de donner la bénédiction au Peuple. Le Tréforier ne put fouffrir que l'on partageât ainfi fes honneurs. Il obtint un Arrêt du Parlement, qui le maintint dans la prérogative d'être encenfé tout feul, & qui condamna le Chantre à porter un Rochet plus court. Mais il ne put lui faire défendre de donner des bénédictions en fon abfence. C'êtoit le fujet de la jaloufie du Tréforier, BROSS.

Et faifit en pleurant ce rochet, qu'autrefois

Le Prélat trop jaloux luy rogna de trois doigts. Auffi-toft d'un bonnet ornant fa tefte grise, 50 Déja l'aumuffe en main il marche vers l'Eglife; Et haftant de ses ans l'importune langueur, Court, vole, & le premier arrive dans le Chœur. O toy, qui fur ces bords qu'une eau dormante moüille, Vis combattre autrefois le Rat & la Grenouille : 55 Qui par les trais hardis d'un bizarre pinceau Mis l'Italie en feu pour la perte d'un Seau :

REMARQUES.

VERS 49. Auffi-toft d'un bonnet ornant fa tefte grife, &c. ] Ce Vers eft remarquable par la Critique,

dont le Roi l'honora. Avant l'im
preffion de ce Poëme l'Auteur la
lut à Sa Majeftć. Il y avoit ici :
Alors d'un Domino couvrant fa tête grife,
Déja l'Aumuffe en main, &c.

Après la lecture de ce Chant, le
Roi fit remarquer à M. Def
préaux que le Domino, & l'Au-
muffe font deux chofes qui ne
vont pas enfemble: car le Do-
mino eft un habillement d'hiver,
& l'Aumuffe eft pour l'été. D'ail
leurs, continua le Roi, vous al-
lés dire: DEJEUNONS, MESSIEURS,
ET BEUVONS FRAIS; Cela mar-
que que l'Action de votre Poëme fe
paffe en Eté. Sur le champ M.
Defpréaux changea le Vers dont
il s'agit, Le Roi ajouta en fou-

riant: Ne foiés pas étonné de mo voir inftruit de ces fortes d'ufages. Je fuis Chanoine en plufieurs Eglifes. En effet, le Roi de France eft Chanoine de faint Jean de Latran, de faint Jean de Lion, des Eglifes d'Angers, du Mans de faint Martin de Tours, & de quelques autres. BROSS.

Voïés le Vers 204.

IMIT. Vers 3. O toy, qui fur ces bords &c.] Le Taffone dans fon Poëme de la Secchia rapita, Chant V. St. 23.

traits hardis d'un bizarre pinceau Mis l'Italie en feu pour la perte d'un Seau: ] LA SECCHIA RAPITĄ, Poëme Italien. DE SP.

Mufa, tù che cantasti fatti egregi
Del Re de Topi, e de le Rane antiche.
VERS (4. Vis combattre autrefois
le Rat & la Grenouille: ] HOMERE
a fait le Poëme de la guerre des
Rats & des Grenouilles. DE SP.
M. Broffette ajoute: fuivant l'o-
pinion commune.

VERS 55. & 56. Qui par les

Alexandre Taffone, natif de Modene, & Membre de l'Académie des Humorifles de Rome a

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