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Auffi-toft dans le Chœur la Machine emportée
Eft fur le banc du Chantre à grand bruit remontée.
155 Ses ais demi-pourris, que l'âge a relâchez,
Sont à coups de maillet unis & rapprochez.

Sous les coups redoublez tous les bancs retentiffent,
Les murs en font émûs, les voûtes en mugiffent,

REMARQUES.

le Lutrin, qu'on fe difpofe à re-
placer fur le banc du Chantre.
Bientôt après les trois Cham-
pions arrivent dans la Sacriftie,
& fe mettent en devoir de tranf-
porter la vafle Machine. Le bruit,
Le mouvement, l'éclat de la lu-
mière effarouchent le Hibou, qui
fort du Lutrin avec précipita-
tion, & du vent de fes aîles
éteint la Bougie, dont les trois
Champions fe fervoient pour
s'éclairer. Ils en font épouvan-
tés. Ils fuient. Ils abandonne
roient même leur entreprise, fi
la Difcorde ne venoit dans l'in-
ftant même, fous la forme du
vieux Plaideur Sidrac, leur ap-
prendre la caufe de leur fraïeur
& ranimer leur courage. Ils ral-
lument leur bougie, rient de
leur fottife & mettent le Lutrin
en place. Cela fait il n'eft plus
queftion dans le refte du Poëme
de la Nuit ni de la Molleffe.

Qu'on me dife à préfent ce que
cet Episode produit dans le Poe-
me, & comment il court à l'événe-
ment. Etoit-ce la peine de perfo-
nifier deux Etres Moraux, & de
leur fuppofer néceffairement
une puiflance égale à celle des
Dieux de la Fable, pour que par
le moïen d'un Hibou, trois Hom-
mes aient une espèce de fraïeur,
dont ils font remis fur le champ;
& qui loin d'être un obftacle à

leur deflein, en retarde à peine l'exécution de quelques minutes? Mais je veux que le Hibou forme un obftacle. Outre que cet obftacle doit être compté pour rien puifqu'il n'eft que momentané, par qui le voïonsnous détruit ? Par la Discorde, c'est-à-dire, par un autre Etre Moral perfonifié. Mais de quel droit attribue-t-on à cet Moral, une puiflance fupérieure à celle de la Nuit & de la Molleffe, qui font des Efires de la même Claffe, qui doivent être égaux en puiffance, & qui, par conféquent, ne peuvent voir ce qu'ils ont fait, détruit que par un pouvoir,qui foit fupérieur au leur.

Etre

Au refte il eft aifé de voir, que tout cet Epifode eft parodié de celui de Junon & d'Eole, dans le 1. Livre de l'Enéide. Mais quelle différence de la Copie à l'Origi nal! La Molleffe fait ici le rôle de Junon, & la Nuit celui d'Eole. Cette tranfpofition des Rôles êtoit néceffaire. Il eût été contre le caractère de la Molleffe, de lui faire quitter fon lit pour aller implorer le fecours de la Nuit. Il êtoit naturel que celleci dît, en paffant, à celle - là ce que l'on alloit faire à Paris contre fes intérêts. La Molleffe prie donc la Nuit de mettre obftacle

Et l'Orgue mefme en pouffe un long gemiffement. 160 Que fais-tu Chantre, helas! dans ce trifte moment ? Tu dors d'un profond fomme, & ton cœur fans alarmes Ne fçait pas qu'on baftit l'instrument de tes larmes. O! que fi quelque bruit par un heureux réveil, T'annonçoit du Lutrin le funeste appareil, 165 Avant que de fouffrir qu'on en pofast la masse, Tu viendrois en Apoftre expirer dans ta place, Et Martyr glorieux d'un point d'honneur nouveau, Offrir ton corps aux clous & ta tefte au marteau.

REMARQUES.

tres Dieux, que Jupiter lui-même les y conduife en quelque forte.

Dans l'expofé que je viens de faire de cet Episode, on voit fans peine, qu'il ne renferme rien, que l'adreffe du Poete ne faffe concourir au but de fon Poëme.Tout y court à l'événement. J'en ai donc dit aflés pour mon trer combien l'Episode de la Molleffe, tout admirable qu'il eft en lui-même, eft défectueux en tant qu'il fait partie d'un Poëme Epique. Me blâmera-t-on fi j'ofe à préfent décider que cet Episode, ne produifant rien dans le Poëme, doit être regardé comme abfo lument poftiche, & par confé quent comme une faute effentielle contre les Règles de l'Epo pee, telles que nôtre Auteur les a prefcrites lui-même ?

à ce qui fe prépare. C'eft ainfi que Junon,ennemie des Troïens, aïant intérêt d'empêcher ou de reculer,du moins tant qu'elle pourra, leur établiffement en Italie, prie Eole de ne pas fouffrir qu'ils y puiffent aborder. Eole excite une tempête, qui les rejette vers les Côtes d'Afrique. Ils auroient même bien de la peine à fe fauver, fi Neptune ne calmoit les flots. Neptune eft le fouverain des Mers, & n'a dans fon Empire de puiflance fupé rieure à la fienne, que celle de Jupiter. Il fauve les Troïens, en détruifant l'ouvrage d'Eole, qui n'eft qu'un Dieu du fecond or dre; mais il ne détruit pas l'ouvrage de Junon, Divinité du premier ordre. Les Troïens reftent écartés d'Italie. Mais de ce premier obftacle, combien n'en naît-il pas d'autres, qui retardent leur arrivée dans ce Païs, où le Deftin leur promet une nou velle Troie. Il faut à la fin que le Souverain exécuteur des Ördres du Deflin, qu'un Dieu fupé-,, rieur en puiffance à tous les au

A l'égard du rôle, que la Nuie fait ici, ie puis encore ajouter que Desmarêts a raifon de dire p. 113. "Voici une admirable fiction. La Nuit apparemment êtoit favorable à ceux qui vou→ loient tirer le Lutrin de la Sa

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Mais déja fur ton banc la machine enclavée
Eft durant ton fommeil à ta honte élevée.
170

Le Sacriftain acheve en deux coups de rabot :
Et le Pupitre enfin tourne fur fon pivot.

دو

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REMARQUES.

criftie, pour le replacer dans

qu'il fit peur à ceux qui le de

,, le Chour; cependant elle eft,, voient enlever,,. Le Perfonrépréfentée ici comme enne- nage de la Nuit eft en effet con,, mie de leur entreprife, & va tradictoire ; & l'invention du par une merveilleufe inven. Hibou n'eft qu'une puérilité, qui ,, tion, prendre un Hibou pour ne peut s'excufer qu'en difant, , le placer dans le Lutrin, afin que l'Auteur vouloit faire rire,

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Y

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