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MAIS la Nuit auffi-toft de fes ailes affreufes,
Couvre des Bourguignons les campagnes vincuses,
Revole vers Paris, & haftant fon retour,
Déja de Montlheri voit la fameufe tour.
5 Ses murs dont le fommet fe dérobe à la vuë,
Sur la cime d'un roc s'alongent dans la nuë,
Et prefentant de loin leur objet ennuieux,
Du Paffant qui le fuit, femblent suivre les yeux.

REMARQUES.

VERS 4. Déja de Montlheri voit la famenfe tour. ] Tour très-hauà cinq lieues de Paris, fur le chemin d'Orleans. DE S P. IMIT. Vers 6. Sur la cime d'un

te,

roc s'alongent dans la nue. ] On trouve dans une aflés mauvaise Chanfon de Voiture ce Couplet qui ne dément point le refte de la Pièce.

Nous vimes dedans la nuë
La Tour de Mont-le-héris,
Qui pour regarder Paris,
Alongeoit fon col de grue;

Et
pous y
S'élevoit jusques aux Cieux.

voir vos beaux ïeux

Mille oyfeaux effrayans, mille corbeaux funebres
Io De ces murs defertez habitent les tenebres.
Là depuis trente hyvers un Hibou retiré
Trouvoit contre le jour un refuge affûré.
Des defaftres fameux ce Meffager fidele

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Sçait toûjours des malheurs la premiere nouvelle ;
15 Et tout preft d'en femer le préfage odieux,
Il attendoit la Nuit dans ces fauvages lieux.
Aux cris qu'à fon abord vers le Ciel il envoye,
Il rend tous fes Voifins attristez de la joye.
La plaintive Procné de douleur en fremit :
20 Et dans les bois prochains Philomele en gemit.
Suy-moy, lui dit la Nuit. L'Oyseau plein d'allegresse
Reconnoift à ce ton la voix de fa Maistresse.
Il la fuit: & tous deux d'un cours precipité
De Paris à l'instant abordent la Cité.

25 Là s'élançant d'un vol, que le vent favorife,
Ils montent au fommet de la fatale Eglife.
La Nuit baiffe la vue, & du haut du clocher
Obferve les Guerriers, les regarde marcher.
Elle voit le Barbier, qui d'une main legere,
30 Tient un verre de vin qui rit dans la fougere

REMARQUES.

CHANG. Vers 29. Elle voit le
Barbier, qui d'une main legere, ]
On lifoit avant 1701. Elle voit
l'Horloger.

VERS 30. Tient un verre de
vin qui rit dans la fougere,] On
appelle Verres de fougère, ceux
dans la compofition defquels il
entre du fel tiré de la cendre de

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Fougère. On fe fert ordinairement de cette cendre, parce que la Fougère eft une plante fort commune, & que fes cendres contiennent beaucoup de fel alkali. Ce fel, mêlé avec du fable, qu'on fait fondre par un feu violent, fournit la matière du verre. BROSS,

Et chacun tour à tour s'inondant de ce jus,
Celebrer en beuvant Gilotin & Bacchus.
Ils triomphent, dit-elle, & leur ame abusée

Se

promet dans mon ombre une victoire aisée.

35 Mais allons, il eft temps qu'ils connoiffent la Nuit.
A ces mots regardant le Hibou qui la fuit,
Elle perce les murs de la voute facrée,
Jufqu'en la Sacristie elle s'ouvre une entrée,
Et dans le ventre creux du Pupitre fatal
40 Va placer de ce pas le finiftre Animal.

Mais les trois Champions pleins de vin & d'audace,
Du Palais cependant paffent la grande place:
Et fuivant de Bacchus les aufpices facrez,
De l'augufte Chapelle ils montent les degrez.
45 Ils atteignoient desja le fuperbe Portique,

Où Ribou le Libraire, au fond de fa boutique,
Sous vingt fideles clefs, garde & tient en depoft,
L'amas toûjours entier des écrits de Haynaut.

REMARQUES.

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la Sainte Chapelle, vis-à-vis la porte de cette Eglife. BROSS.

CHANG. Vers 48. L’amas to jours entier des écrits de Haynaut.] Le Libraire, Jean Ribon, avoit imprimé en 1669. une Comédie de Bourlant contre nôtre Auteur intitulée: La Satire des Satires. C'eft pourquoi dans les premiè res Editions du Lutrin il avoit mis ici: des écrits de Bourfaut. Mais Bourfaut s'êtant reconcilié avec lui, il effaça fon nom, & mit celui de Péroft dans l'Edition de 1694. parce qu'alors il êtoit brouillé avec cet Acae

Quand Boirude, qui voit que le peril approche, fo Les arrefte, & tirant un fufil de fa poche,

Des veines d'un caillou qu'il frappe au mefme inftant
Il fait jaillir un feu qui petille en fortant:

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Et bien-toft au brazier d'une mesche enflammée,
Montre, à l'aide du fouffre, une cire allumée.
55 Cet Aftre tremblotant, dont le jour les conduit
Et pour eux un Soleil au milieu de la nuit.
Le Temple à fa faveur eft ouvert par Boirude.
Ils paffent de la Nef la vafte folitude,

Et dans la Sacriftie entrant non fans terreur,
60 En percent jufqu'au fond la tenebreuse horreur.
C'est là que du Lutrin git la machine énorme.
La troupe quelque temps en admire la forme.
Mais le Barbier, qui tient les momens precieux :
Ce fpectacle n'eft pas pour amufer nos yeux,
65 Dit-il, le temps eft cher, portons-le dans le Temple.
C'est là qu'il faut demain qu'un Prélat le contemple.

REMARQUES.

démicien, au fujet des Anciens & des Modernes. Cette brouillerie êtant finie, l'Auteur mit Haynaut dans l'Edit.de 1701.C'eft un Poëte, dont il a êté parlé fur le Vers 97. de la Sat. IX. BROss.

IMIT. Vers 1. Des veines d'un caillon, &c.] VIRGILE, Georg. Lib. I. Vers 135. & Enéïde, Liv. III. Vers 178. DESP.

Voici les deux Vers cités par nôtre Auteur.

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Et filicis venis abftrufum excuderit ignem. Ac primùm filicis fcintillam excudit Achates. VERS 8. 1ls paffent de la Nef loger. la vafle folitude, ] M. Defpréaux vantoit ce Vers comme une image merveilleufe d'une Eglife, qui durant la nuit paroît une vraie folitude. ED. P. 1740.

CHANG. Vers 63. Mais le Barbier, Avant 1701. Mais l'Hor

VERS 65. portons-le dans le Temple. ] Ce le eft tout-à-fait équivoque; il fe rapporte à Lu trin qui eft quatre Vers plus haut. ED. P. 1740.

Il falloit dire qu'il fe tapporte néceflairement à spectacle du

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