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55 Il compte des plafonds les ronds & les ovales.
Ce ne font que Feftons, ce ne font qu' Aftragales.
Je faute vingt feuillets pour en trouver la fin
Et je me fauve à peine au travers du jardin.
Fuyez de ces Auteurs l'abondance fterile;
60 Et ne vous chargez point d'un détail inutile.

Tout ce qu'on dit de trop eft fade & rebutant:
L'efprit raffafié le rejette à l'inftant.

Qui ne fçait se borner, ne fceut jamais écrire.

Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire. 65 Un Vers eftoit trop foible, & vous le rendez dur. J'évite d'eftre long, & je deviens obscur.

REMARQUES.,

VERS 56. Ce ne font que Feftons, ce ne font qu' Aftragales.] Vers de Scuderi. DESP.

Ce ne font que Feftons, Nôtre Auteur a changé ce dernier mot, pour faire mieux fentir l'abondance ftérile de ces faifeurs de longues defcriptions, qui s'amufent à décrire jufqu'aux plus petites circonftances. L'Af

C'est ainsi qu'on lit ce Vers dans le Poeme d'Alaric, Livre

III.

ce ne font que couronnes.
tragale eft une petite moulure
ronde qui entoure le haut du
fuft de la Colonne.

IMIT. Vers 62. L'efprit raffafié le rejette à l'inflant.] HORACE, Art Poëtique, Vers 337.

Omne fupervacuum pleno de pectore manat.
IMIT. Vers 64. Souvent la peur
d'un mal,&c.] M. Broffette donne
In vitium ducit culpa

Ce Vers n'eft tout au plus que
l'occafion de celui de nôtre Au-
teur. Voici comme La Frefnaie

cela pour une Imitation d'HoRACE, Art Poët. Vers 314. fuga, fi caret arte.

Vauquelin, Liv. I. de fon Art Poët. le traduit affés heureufe. ment même pour fon tems,

Au vice nous conduit la faute qu'on évite
Si par Art elle n'efi du jugement conduite.

IMIT. Vers 66. J'évite d'être long & je deviens obfcur.] Ho

RACE,

25.

-Brevis effe laboro,

Art Poëtique, Vers

Obfcurus fio.

L'un n'eft point trop fardé, mais fa Mufe eft trop nuë.
L'autre a peur de ramper, il fe perd dans la nuë.
Voulez-vous du public meriter les amours?

70 Sans ceffe en écrivant variez vos discours.
Un ftile trop égal & tousjours uniforme,

En vain brille à nos yeux, il faut qu'il nous endorme.

REMARQUES.

IMIT. Vers 68. L'autre a peur HORACE, Art Poëtique Vers de ramper, il fe perd dans la nuë,]

Aut dum vitat humum,
VERS 71. & 72. Un file trop
gal & tousjours uniforme, En vain
brille à nos yeux,&c.] Desmarêts p.
79.critique ces deux Vers,comme
renfermant un Précepte faux.
"Le ftile de Virgile eft uniforme,
Vehemens & liquidus

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Cette Critique eft abfolument fauffe. Le Précepte de nôtre Auteur ne contredit point celui d'Horace, renfermé dans le Vers 120. de la feconde Epitre de fon II. Livre, M. Defpréaux ordonne d'éviter le plus grand de tous les défauts; celui par lequel toutes les beautés font obfcurcies; celui qui caufe que le Stile le plus exact, le mieux foutenu, fatigue, ennuie, fait bailler: la monotonie, l'uniformité de ton, Horace prefcrit au Stile trois quali tés, fans lefquelles il ne fauroit être bon. Il faut qu'il foit rapide, coulant & pur. Ces trois qualités ne font point contraires à la variété, que nôtre Auteur exige dans les difcours. Elles ne produifent point cette égalité vi cieufe, cette uniformité de ton, qu'il condamne. Virgile, pour me fervir du même exemple que Desmarêts, eft en même tems le Tome II.

230.

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nubes & inania captat.

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dit-il, êtant toujous égal; & Horace dit, qu'il faut qu'un Poëme aille toujours d'une ,, même force, comme un beau fleuve qui coule toujours avec même force & pureté. puroque fimillimus amni plus égal & le plus varié de tous les Poëtes. Il eft égal en ce que, toujours femblable à lui-même, il fait par tout conferver le caractère propre au genre d'Ouvrage, qu'il compofe. Il eft varié, parce que, fans cefler de fe reflembler, fans fortir du caractère propre à fon Ouvrage il

prend le ton, qui convient à chaque objet particulier. Un Poëte auffi conftamment monotone que Desmarêts, n'êtoit pas en êtat de comprendre qu'on ne peint pas une Tempête des mêmes couleurs qu'une Bataille; & qu'il faut d'autres nuances pour l'Elifée que pour le Tartare. Mais quelque variété, que la différence des objets doive mettre dans le Stile, on n'en doit pas moins toujours & par tout le rendre rapide, en évitant ces termes oififs, qui ne fervent qu'à rallentir la marche

*

75

On lit peu ces Auteurs nez pour nous ennuyer,
Qui toûjours fur un ton femblent pfalmodier.

Heureux, qui dans fes vers fçait d'une voix legere,
Paffer du grave au doux, du plaifant au fevere!
Son livre aimé du Ciel & cheri des Lecteurs,
Eft fouvent chez Barbin entouré d'acheteurs.

Quoyque vous écriviez, évitez la baffeffe,
go Le stile le moins noble a pourtant sa noblesse.
Au mépris du Bon fens, le Burlesque effronté
Trompa les yeux d'abord, plut par fa nouveauté,

REMARQUES.

de l'Ecrivain & l'attention du Lecteur; coulant, en fujant la dureté des Termes & l'obfcurité des Exprefions; pur, en ne péchant jamais contre le Génie de la Langue dans laquelle on écrit. C'elt par l'union de toutes ces qualités que Virgile, toujours égal & toujours varié, n'ennuie jamais. C'eft le défaut de cet heureux affemblage, qui fait qu'aucun de nos Poemes Epi. ques ne peut être lu de fuite, &

qu'à l'exception de l'Art Poeti que de notre Auteur & de l'Effai fur la Critique, tiré de l'Anglois de M. Pope par M. l'Abbé du Refnel, tout ce que nous avons de Poemes d'un peu longue ha leine dans le genre didactique, eft ennuïeux à la mort.

VERS. 74. Qui toûjours fur in ton femble pfalmodier. ] Quelques-uns ont cru que ce Vers exprimoit le fens de celui d'Ho RACE, Art. Poët. V. 355. Et Citharedus Ridetur chordd qui semper oberrat eddem.

Mais M. Defpréaux croïoit, avec la plufpart des interprètes,qu'Ho race a voulu dire, qu'un joueur d'inftrumens qui fe trompe toujours fur la même corde, en la touchant mal, fe fait moquer de lui. Cepen dant Jean Bond dans fes Notes fur Horace le P. Rapin dans fes Réflexions fur la Poëtique, le P. Lucas dans fon Poëme Latin de

l'Action de l'Orateur, & quelques autres entendent ces paroles d'Horace d'un Joueur de Luth qui ne feroit que toucher la même corde. Interprétation ridicule & démentie par la fuite même du texte de l'Auteur.

IMIT. Vers 75. Heureux, qui dans fes vers, &c. ] HORACE, Art Poëtique, Vers 343.

Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci
Lectorem delectando, pariterque monendo,
Hic meret era liber Softis, &c.
CHANG. Vers 81. Au mépris du
Bon Jens, Il y avoit d'abord,

Sous l'apui de Scarron.

Ibid. Au mépris du Bon fens, ta

On

On ne vit plus en vers que pointes triviales.

Le Parnaffe parla le langage des Hales.

85 La licence à rimer alors n'eut plus de frein. Apollon travefti devint un Tabarin.

Cette contagion infecta les Provinces,

Du Clerc & du Bourgeois paffa jufques aux Princes. Le plus mauvais Plaisant eut ses approbateurs, 90 Et jusqu'à Dafsouci, tout trouva des Lecteurs.

REMARQUES.

Burlefque, &c.] Le ftile Burlefque fut extremement en vogue depuis le commencement du dernier fiécle jufques vers l'an 1660. qu'il tomba. DESP.

VERS 85. La licence à rimer alors n'eut plus de frein. ] Elle alla fi loin, que l'on s'avifa de mettre la Pallion de JESUS-CHRIST en Vers Burlefques. C'eft un Ouvrage fort différent des anciennes Comédies de la Panion. On le trouveroit difficilement aujourd'hui ; mais je me fouviens qu'il y a trente ans il êtoit encore aflés commun, & faifoit partie de ce qu'on appelle la Bibliothèque blewe. Il me femble même que le nom de l'Auteur est au frontifpice, & que c'eft le Sieur Jacques Jacques Chanoine d'Ufez.

VERS 86. Apollon travesti. ] Allufion au Virgile travelli de Scarron. Avant lui, Battifla Lalli, Poëte Italien, avoit fait une Eneide traveflie

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VERS 90. Et jusqu'à Dassouci, tout trouva des Lecteurs.] Pitoyable Auteur qui a composé l'ovide en belle humeur. D E s P.

Charles Coypean, Sieur de Daffoncy fils de Charles Coypean, Avocat au Parlement, naquit à Paris en 1604. Il mourut âgé d'environ 75. ans. La Poëfie & la Mufique furent les deux Arts, qu'il cultiva; mais il réuffit mieux dans le dernier que, dans l'autre. Outre une partie des Metamorphofes d'Ovide (c'est l'Ouvrage que nôtre Auteur cite) il mit encore en Vers burlesques, le Raviffement de Proferpine de Claudien, On trouve l'un & l'autre dans le Recueil de fes Poëfies publié par lui-même en trois volumes. Il eut un grand nombre d'avantures bifarres

B

que

Mais de ce ftile enfin la Cour defabusée,
Dedaigna de ce Vers l'extravagance aifée;

REMARQUES.

M. Bayle a pris foin de recueillir dans un Article de fon Ditionnaire, & que lui-même écrivit d'un Stile bouffon, fouvent trèsplat, quelquefois paffablement ingénieux. C'eft dans la partie de cet Ouvrage, intitulé: Aven tures d'Italie P. 241. qu'il dit au fujet de l'exacte juftice, que nôtre Auteur lui rend dans le Vers, qui donne occalion à cette Remarque: "Ah! cher Lecteur,

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91

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mande, pourquoi ce Burlef,, que qui a tant de parties exfi tu fçavois comme ce, tout cellentes & de difcours agréa,, trouva, me tient au cœur, tu bles, après avoir fi long-tems plaindrois ma deftinée. J'en diverti la France, a ceflé de ,, fuis inconfolable & je ne divertir nôtre Cour; C'eft , puis revenir de ma pâmoifon, ,, que Scarron a ceffe de viprincipalement quand je penfe vre & que j'ai ceflé d'é, qu'au préjudice de mes titres, crire. Et fi je voulois conti,, dans ce Vers qui me tient lieu ,, nuer mon Ovide en belle bu d'un Arrêt de la Cour de Par,, meur, cette même Cour, qui lement, je me voi déchu de fe divertit encore aujourd'hui ,, tous mes honneurs ; & que ce des Vers que je lui préfente, Charles Daffoucy d'Empereur,, s'en divertiroit comme aupadu Burlefque qu'il êtoit, pre ,, ravant; & mes Libraires qui ont mier de ce nom, n'est aujour- ,, imprimé tant de fois cet Oud'hui, fi on le veut croire,,,vrage, en feroient encore au,, que le dernier reptile du Par- tant d'Editions,,. naffe, & le marmiton des Mufes. Que faire, Lecteur, ,, en cette extrémité après l'ex ,, communication qu'il a jettée fur ce pauvre Burlesque fi difgracié? Qui daignera le lire, ni feulement le regarder dans le inonde fur peine de fa malediction ? Daffoucy trouve néanmoins fa confolation dans la réflexion fuivante. Voilà, cher Lecteur, ce que l'on gagne à faire de bons vers burlesques..... Mais quoi, il n'eft pas nouveau de voir des efprits jaloux pefter contre les

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