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rendre les Leçons Françaises de plus en plus agréables au public, et il continuera sans doute de faire bonne et sévère justice des imitations ou contrefaçons qui, depuis quatre ou cinq ans, soit dans l'étranger, soit en France même, gâtent et dénaturent cet utile recueil.

On le mutile, on le défigure à le rendre méconnaissable; ce qui était au commencement ou à la fin, selon l'ordre naturel des matières, ou la difficulté de la composition, dans les différens genres, on le change, on le renverse sans goût ni méthode. De toutes parts, les morceaux qui étaient le plus à leur place sont transposés, sont rangés à la suite les uns des autres, par ordre de temps et de date. Ainsi disparaissent tout à la fois et le mérite du choix, de la variété, et surtout le charme si piquant des rapprochemens, des oppositions, des con

trastes.

Il y a plus dans un ouvrage où tout doit être original, et n'appartenir, pour les préceptes comme pour les modèles, qu'aux hommes de génie, aux hommes de talent, on ne fait aucune difficulté de mêler son style et son nom à ceux de nos auteurs les plus parfaits, de nos plus habiles maîtres, et des inutilités, des rapsodies, aux leçons des uns et aux beautés des autres.

Quelquefois même, on va jusqu'à insérer dans ces contrefaçons des articles dont l'esprit et les principes dange reux sont entièrement opposés à ceux que font gloire de professer les éditeurs des Leçons Françaises et Latines, et auxquels ils rapportent particulièrement la faveur continue du public, depuis plus de vingt ans, et le succès prodigieux de tant d'éditions consécutives, tirées à un si grand nombre d'exemplaires.

PRÉFACE.

TROIS OU QUATre cents volumes, et peutêtre davantage, ont été choisis, feuilletés, lus en partic, pour composer ce Recueil classique français, d'une exécution aussi neuve en ce genre que le fonds en est riche et précieux, sous le double rapport de la littérature et de la morale. C'est un choix exquis, en prose et en vers, des morceaux de notre langue les mieux écrits et les mieux pensés, dans les parties de composition les plus difficiles, et qui demandent le plus de soin: Narrations, Tableaux, Descriptions Définitions, Allégories, Morale religieuse ou Philosophie pratique, Discours et Morceaux oratoires, Caractères ou Portraits, etc.

Faire voir de suite aux jeunes gens dans l'enseignement des Langues et de la Rhétorique, des ouvrages entiers, est une erreur dans l'instruction, un défaut essentiel, dont Quintilien, Rollin, Dumarsais, d'Olivet (1), etc. recommandent d'éviter le danger et l'inconvénient. A cette mé

(1) Voyez la Préface des Pensées de Cicéron.

thode, ils substituaient, autant qu'il était en eux,' celle de ne voir, en général, les auteurs que par extraits et morceaux choisis. La supériorité de cette méthode sur l'autre se fait bientôt sentir d'une manière frappante par la rapidité des progrès et du succès des études et de l'enseignement.

Ce principe, en effet, est puisé dans la nature, et l'expérience en confirme le précepte. Interrogez les instituteurs qui ne suivent qu'elle pour guide; écoutez leur maître à eux-mêmes, leur modèle, leur éternel oracle dans l'enseignement des langues et de la rhétorique : « Il ne s'agit pas pour lors, dit Rollin, de faire comprendre aux

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jeunes gens la suite d'un raisonnement long et obscur, ce qui est beaucoup au-dessus de leur âge, mais de les former à la pureté du lan<< gage, et de leur donner de bons principes. Or, « des extraits faits avec soin, qui pourraient

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avoir quelquefois une longueur raisonnable, « seraient également propres pour ces deux << vues, et n'auraient point les inconvéniens qui « sont inévitables quand on explique tout de << suite des livres qui certainement n'ont point « été faits pour apprendre une langue à des jeunes gens, etc. etc. Avant de lire les au<< teurs, ils doivent apprendre à les lire et à les « étudier. » Traité des Etudes, tom. Ier.

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Partout, à chaque page, dans ses excellens Traités sur l'étude des langues française, latine,

grecque, et de la rhétorique, les réflexions, les avis de ce célèbre professeur consacrent cette méthode; et non seulement il invite à la suivre, mais même, en plusieurs endroits (1), il demande « des Recueils de morceaux choisis, soit «en latin, soit en français, des livres compo« sés exprès qui épargnent aux maîtres beaucoup de peine pour feuilleter taut de volumes, << et aux élèves des frais considérables pour se «<les procurer. »

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Cette autorité, déjà si imposante, de Quintilien, de Rollin, et de tant d'habiles professeurs, sanctionnons-la, pour ainsi dire, rendons-la décisive par celle de Nicole (2). On sait qu'il possédait aussi parfaitement le grec et le latin que notre langue. Voici comme il s'exprime sur l'enseignement en général et les différentes méthodes d'instruction : « Il ne faut jamais per<< mettre que les enfans apprennent rien par <«< cœur qui ne soit excellent; c'est pourquoi c'est << une fort mauvaise méthode que de leur faire apprendre des livres entiers, parce que tout « n'est pas également bon dans les livres. Om

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(1) Traité des Etudes, tom. I et II, passim.

(2) A ce nom, qu'on ajoute ceux de Bossuet et de Fénelon mêmes principes sur les Extrails et Morceaux choisis, dans l'instituteur du Dauphin, et dans celui du Duc de Bourgogne. D'Aguesseau en reconnaît également l'utilité, dans ses Instructions sur les Etudes du Jeune Orateur.

« pourrait néanmoins excepter Virgile du nom«<bre des auteurs dont il ne faut apprendre que

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des parties, ou au moins quelques livres de

Virgile, comme le II, le IV et le VI de « l'Enéide. Mais, pour les autres auteurs, il «faut user de discernement; autrement, en con«fondant les endroits communs avec ceux qui << sont excellens, on confond aussi leur juge«ment. Il faut donc choisir dans Cicéron, dans Tite-Live, dans Tacite, dans Sénèque, cer<<tains lieux si éclatans, qu'il soit important de « ne les oublier jamais. Il faut user de la même « réserve dans la lecture des poëtes, tels que

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Catulle, Horace, Ovide, Sénèque, Lucain, << Martial, Stace, Claudien, Ausone.

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« Cet avis est de la plus grande importance, « et n'a pas seulement pour but de soulager la << mémoire des enfans, mais aussi de leur former l'esprit et le style. Car les choses qu'on apprend parcours'impriment dans la mémoire, et sont << comme des moules ou des formes que les pen«<sées prennent lorsqu'ils les veulent exprimer; «de telle sorte que lorsqu'ils n'en ont que d'ex<«< cellens, il faut, comme par nécessité, qu'ils « s'expriment d'une manière noble et élevée (1).»

(1) Cette dernière idée est évidemment celle de Quintilien dans ces deux phrases: Optimis assuescent, et habebunt intra se quod imitentur. Etiam non sentientes, formam orationis illam quam mente penitùs acceperint, expriment.

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