Page images
PDF
EPUB

Des vues si justes, si naturelles, et dont l'exécution était impérieusement réclamée par la raison et l'expérience, pour le plus grand bien des études, ont fixé toute notre attention. Nous nous sommes attachés à les remplir avec l'in-térêt et le soin dus à l'importance de leur objet. Rien n'a été omis surtout pour rendre ce Recueil digne de l'approbation publique et de l'éducation nationale. Nous espérons qu'il laissera peu à désirer pour l'utilité, la variété, l'agrément et la disposition des matières.

Nous avons profité de l'avantage inestimable d'une position à laquelle rien n'était à comparer pour la perfection de notre travail. Ce Recueil, en général, embrasse l'ensemble des deux plus beaux siècles de notre littérature, et il en est, pour ainsi dire, l'abrégé. C'est une espèce de Muséum ou d'Elysée français, où nos meilleurs orateurs, historiens, philosophes et poëtes, semblent se réciter entre eux, ou lire à la jeunesse les endroits de leurs écrits qu'ils ont travaillés avec le plus d'intérêt, qui leur plaisent à eux-mêmes davantage pour la pensée, le style, le goût et la morale.

Nous avons multiplié, autant qu'il a été en nous, les rapprochemens, les sujets de comparaison, les oppositions, les contrastes dans les choses, dans les personnes, etc. en mettant les écrivains qui traitent d'objets semblables, ana

logues ou contraires, en opposition les uns avec les autres, et quelquefois le même auteur avec lui-même, pour comparer le génie, le talent, et faire sentir les ressources inépuisables de l'expression et de la pensée. Ces rapprochemens, ces contrastes, si magiques, si pittoresques dans la nature et dans les arts, ont dans les lettres le même charme, la même puissance, et sont dans l'enseignement, par leur agrément, leur utilité, un des moyens d'instruction les plus féconds et les plus heureux.

Pour répandre sur cet ouvrage le charme et le prix d'une plus riche variété, nous avons réuni aux auteurs fameux qui ne sont plus, les auteurs vivans dont les talens sont depuis longtemps consacrés par la gloire, et même ceux dont le nom, jeune encore, est déjà inauguré par elle à la célébrité.

En cela, nous n'avons fait aussi que nous conformer aux principes et aux idées des maîtres de l'art, Le Batteux (1), Rollin, etc. Ce dernier recommande « de lire aux jeunes gens les meil<< leurs ouvrages français, de faire un recueil « des plus beaux endroits, où l'utilité et l'agré<<ment se trouvent ensemble, qui leur plairont << infiniment par l'élégance du style et la variété

(1) « Mon ouvrage, dit-il, sera réellement celui des « bons auteurs morts ou vivans, plutôt que le mien. » Cours de Belles-Lettres, distribué par exercices, tom. Ier.

<< des matières, et leur feront connaître les sa<< vans de notre langue qui ont travaillé à la « porter à ce point de perfection où nous la « voyons, et qui ont fait tant d'honneur à la « France par leur profonde érudition et par <«<leurs curieuses découvertes en tout genre de « sciences. Il me semble que l'Université de Paris, la plus ancienne et comme la mère et << la source de toutes les autres Académies, doit «s'intéresser d'une manière particulière à leur gloire, qui rejaillit sur elle, et met le comble à la sienne (1). » Et de toutes parts il cite pour modèles, en différens genres, des morceaux extraits indistinctement d'auteurs morts ou vivans.

[ocr errors]
[ocr errors]

Chaque morceau de ce Recueil, en offrant un exercice de lecture soignée, de mémoire, de déclamation, d'analyse, de développement oratoire, et de critique, est en même temps une leçon de vertu, d'humanité ou de justice, de religion, de dévouement au Prince et à la patrie, de désintéressement ou d'amour du bien public, etc. Tout, dans ce Recueil, est le fruit du génie, du talent, de la vertu ; tout y respire et le goût le plus exquis et la morale la plus pure. Pas une pensée, pas un mot qui ne convienne à la délicatesse de la pudeur et à la dignité des mœurs. Cette lecture, pleine de charme et d'in

(1) Traité des Etudes, tom. Ier, Langue française.

térêt, perfectionnera aussi, achèvera l'éducation des jeunes personnes, leur donnera l'indication des ouvrages d'un grand nombre de nos meilleurs auteurs, et, pour la plupart d'entre elles, une teinture suffisante de notre littérature.

En un mot, tous les moyens de donner, soit au fond, soit à la forme et à l'exécution de l'ouvrage, tout l'agrément, toute l'utilité qu'il comporte, nous les avons recherchés, employés avec un zèle et un soin qu'inspirent seuls l'ardent désir du bien de la jeunesse, et l'espoir de seconder efficacement les instituteurs et les institutrices, les pères et mères de famille qui ont le loisir ou le besoin de s'occuper eux-mêmes, dans leurs foyers, de l'éducation de leurs enfans.

RÈGLES

DE L'ART D'ÉCRIRE.

Il s'est trouvé, dans tous les temps, des hommes qui ont su commander aux autres par la puissance de la parole: ce n'est néanmoins que dans les siècles éclairés que l'on a bien écrit et bien parlé. La véritable éloquence suppose l'exercice du génie et la culture de l'esprit. Elle est bien différente de cette facilité naturelle de parler qui n'est qu'un talent, une qualité accordée à tous ceux dont les passions sont fortes, les organes souples, et l'imagination prompte. Ces hommes sentent vivement, s'affectent de même, le marquent fortement au dehors; et, par une impression purement mécanique, ils transmettent aux autres leur enthousiasme et leurs affections. C'est le corps qui parle aux corps tous les mouvemens, tous les signes, concourent et servent également. Que faut-il pour émouvoir la multitude et l'entraîner? Que faut-il pour ébranler la plupart même des autres hommes et les persuader? un ton véhément et pathétique, des gestes expressifs et fréquens, des paroles rapides et sonnantes; mais pour le petit nombre de ceux dont la tête est ferme, le goût délicat et le sens exquis, et qui comptent pour peu le ton, les gestes et le vain

« PreviousContinue »