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Charles XII à le vaincre, qui sortit deux fois de ses Etats pour les mieux gouverner, qui travailla de ses mains à presque tous les arts nécessaires, pour en donner l'exemple à son peuple, et qui fut le fondateur et le père de son Empire.

LE MÊME. Histoire de Pierre-le-Grand.

Charles XII.

CHARLES XII, Roi de Suède, éprouva ce que la prospérité a de plus grand, et ce que l'adversité a de plus cruel, sans avoir été amolli par l'une ni ébranlé un moment par l'autre. Presque toutes ses actions, jusqu'à celles de sa vie privée et unie, ont été bien loin audelà du vraisemblable. C'est peut-être le seul de tous les hommes, et jusqu'ici le seul de tous les Rois, qui ait vécu sans faiblesse ; il a porté toutes les vertus des héros à un excès où elles sont aussi dangereuses que les vices opposés.

Sa fermeté, devenue opiniâtre, fit ses malheurs dans l'Ukraine, et le retint cinq ans en Turquie; sa libéralité, dégénérant en profusion, a ruiné la Suède : son courage, poussé jusqu'à la témérité, a causé sa mort: sa justice a été quelquefois jusqu'à la cruauté; et, dans les dernières années, le maintien de son autorité approchait de la tyrannie. Ses grandes qualités, dont une seule eût pu immortaliser un autre Prince, ont fait le malheur de son pays. Il n'attaqua jamais personne ; mais il ne fut pas aussi prudent qu'implacable dans ses vengeances.

Il a été le premier qui ait eu l'ambition d'être conquérant sans avoir l'envie d'agrandir ses Etats; il voulait gagner des Empires pour les donner. Sa passion pour la gloire, pour la guerre et pour la vengeance, l'empêcha d'être bon politique : qualité sans laquelle on n'a jamais vu de conquérant. Avant la bataille, et après la victoire,

il n'avait que de la modestie; après la défaite, que de la fermeté; dur pour les autres comme pour lui-même, complant pour rien la peine et la vie de ses sujets, aussi bien que la sienne homme unique plutôt que grand homme, admirable plutôt qu'à imiter. Sa vie doit apprendre aux Rois combien un Gouvernement pacifique et heureux est au-dessus de tant de gloire (1).

LE MEME. Histoire de Charles XII.

Même sujet.

ARRÊTONS-NOUS un moment devant ce Charles XII, comme on s'arrête devant ces pyramides du Désert, dont l'œil étonné contemple les énormes proportions, avant que la raison se demande quelle est leur utilité. On aime à voir, dans cet homme extraordinaire, l'alliance si rare des vertus privées et des qualités héroïques, même avec cette exagération, qui a fait de ce Prince le phénomène des siècles civilisés. On admire et ce profond mépris des voluptés et de la vie, et cette soif démesurée de la gloire, et cette extrême simplicité de mœurs, et cette étonnante intrépidité, et sa familiarité, et sa bonté même envers les siens, et sa sévérité sur lui-même, et ses expéditions fabuleuses entreprises avec tant d'audace, et cette défaite de Pultawa soutenue avec tant de fermeté, et cette prison de Bender où il montra tant de hauteur, et ce Roi qui commande le respect à des Barbares, lorsqu'ils n'ont plus rien à en craindre, l'amour à ses sujets, lorsqu'ils ne peuvent plus rien en attendre, et', quoique absent, l'obéissance dans ces mêmes Etats, où ses successeurs présens n'ont pas toujours pu l'obtenir; et, à la vue de cette combinaison unique de qualités et d'événemens, on est tenté d'appliquer à ce Prince ce mot du père Daniel, en

(1) Voyez en vérs, Paralleles.

parlant de notre saint Louis: Un des plus grands hommes; et des plus singuliers qui aient été.

DE BONALD. Législat. primit., tom, III.

Frédéric-le-Grand, Roi de Prusse.

CE Prince, dans l'âge des plaisirs, eut le courage de préférer à la molle oisiveté des Cours l'avantage de s'instruire. Le commerce des premiers hommes du siècle, et ses réflexions, mûrissaient dans le secret son génie naturellement actif, naturellement impatient de s'étendre. Ni la flatterie, ni la contradiction, ne purent jamais le distraire de ses profondes méditations. Il forma de bonne heure le plan de sa vie et de son règne. On osa prédire, à son avènement au trône, que ses Ministres ne seraient que ses secrétaires; les administrateurs de ses finances que ses commis; ses Généraux, que ses aides de camp. Des circonstances heureuses le mirent à portée de développer aux yeux des nations des talens acquis dans la retraite. Saisissant, avec une rapidité qui n'appartenait qu'à lui, le point décisif de ses intérêts, Frédéric attaqua une Puissance qui avait tenu ses ancêtres dans la servitude. Il gagna cinq batailles contre elle, lui enleva la meilleure de ses provinces, et fit la paix aussi à qu'il avait fait la guerre.

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propos

En cessant de combattre, il ne cessa pas d'agir. On le vit aspirer à l'admiration des mêmes peuples dont il avait été la terreur. Il appela tous les arts à lui, et les associa à sa gloire. Il réforma les abus de la justice, et dicta luimême des lois pleines de sagesse. Un ordre simple, invariable, s'étendit dans toutes les parties de l'administration. Persuadé que l'autorité du Souverain est un bien. commun à tous les sujets, une protection dont ils doivent tous également jouir, il voulut que chacun d'eux eût la liberté de l'approcher et de lui écrire. Tous les instans.

de sa vie étaient consacrés au bien de ses peuples; ses délassemens même leur étaient utiles.

Nous n'ignorons pas qu'il est difficile d'apprécier ses contemporains. Les Princes sont surtout ceux qu'on peut le moins se flatter de bien connaître. La renommée en parle rarement sans passion. C'est le plus souvent d'après les bassesses de la flatterie, d'après les injustices de l'envie, qu'ils sont jugés. Le cri confus de tous les intérêts, de tous les sentimens qui s'agitent et changent autour d'eux, trouble ou suspend le jugement des sages mêmes.

Cependant, s'il était permis de prononcer d'après une multitude de faits liés les uns aux autres, on dirait de Frédéric qu'il sut dissiper les complots de l'Europe conjurée contre lui, qu'il joignit à la grandeur et à la hardiesse des entreprises un secret impénétrable dans les moyens; qu'il changea la manière de faire la guerre, qu'on croyait, avant lui, portée à sa perfection; qu'il montra un courage d'esprit dont l'histoire fournissait de modèles; qu'il tira de ses fautes même plus d'avantages que les autres n'en savent tirer de leurs succès; qu'il fit taire d'étonnement ou parler d'admiration toute la terre, et qu'il donna autant d'éclat à sa nation que d'autres Souverains en reçoivent de leurs peuples.

RAYNAL.

peu

Même sujet.

Au milieu de cette foule d'ennemis triomphans, considérez le lion du Nord qui s'éveille: ses regards ardens semblent dévorer la proie que lui marque la fortune : génie impatient de s'offrir à la renommée, vaste, pénétrant, exalté par le malheur et par ces pressentimens secrets qui dévouent impérieusement à la gloire certains êtres privilégiés qu'elle a choisis, je le vois se précipiter sur ce théâtre sanglant, avec une puissance mûrie par de longues

combinaisons et des talens agrandis par la réflexion et la prévoyance. Soldat et général, conquérant et politique, ministre et Roi, ne connaissant d'autre faste qu'une milice nombreuse, seule magnificence d'un trône fondé par les armes. Je le vois, aussi rapide que mesuré dans ses mouvemens, unir la force de la discipline à la force de l'exemple, communiquer à tout ce qui l'approche cette vigueur, cette flamme inconnue au reste des hommes; être partout, réparer tout, diriger lui-même avec art tous les coups qu'il porte; attaquer ce trône chancelant sur lequel son ennemi paraît s'appuyer, en détacher brusquement les rameaux les plus féconds, et s'élevant bientôt au-dessus de l'art même par la fermeté de ce coup d'œil que rien ne trouble, montrer déjà le secret de ses ressources qui doivent étonner la victoire même et tromper la fortune, lorsqu'elle lui sera contraire.

BOISMONT. Oraison funèbre de l'Impératrice
Marie-Thérèse.

Le Clergé de France.

LA plupart de nous ont vu encore debout ce magnifique édifice, cet ouvrage du Ciel, du temps, de nos Rois et de nos pères, cette belle portion de la grandeur nationale que la France était fière de montrer à l'Europe; ce monument tout ensemble de richesse, de puissance, d'autorité, de vertu, de gloire et de génie, qui s'était surtout si majestueusement élevé dans le grand siècle, et à côté du grand Roi; Providence visible qui balançait à elle seule, par la toute-puissance de ses dons, les calamités publiques; rivalisant avec les peuples de fidélité envers le trône, et avec le trône de bienfaisance et de bonté pour les peuples; corps illustre autant qu'utile, qui, ne retenant de la haute naissance de quelques uns de ses

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