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été la lumière des Conciles, l'âme des Pères assemblés, avoir dicté des canons, et présidé à Nicée et à Ephèse (1). MASSILLON. Oraison funèbre de M. le Dauphin.

Guillaume III et Louis XIV.

GUILLAUME III laissa la réputation d'un grand politique, quoiqu'il n'eût point été populaire, et d'un général à craindre, quoiqu'il eût perdu beaucoup de batailles. Toujours mesuré dans sa conduite, et jamais vif que dans un jour de combat, il ne régna paisiblement en Angleterre, que parce qu'il ne voulut pas y être absolu. On l'appelait, comme on sait, le stathouder des Anglais, et le Roi des Hollandais. Il savait toutes les langues de l'Europe, et n'en parlait aucune avec agrément, ayant beaucoup plus de réflexion dans l'esprit que d'imagination. Son caractère était en tout l'opposé de Louis XIV; sombre, retiré, sévère, sec, silencieux autant que Louis était affable. Il haïssait les femmes autant que Louis les aimait. Louis faisait la guerre en Roi, et Guillaume en soldat. Il avait combattu contre le grand Condé et contre Luxembourg, laissant la victoire indécise entre Condé et lui à Senef, et réparant en peu de temps ses défaites à Fleurus, à Steinkerque, à Nerwinde; aussi fier que Louis XIV, mais de cette fierté triste et mélancolique qui rebute plus qu'elle n'impose. Si les beaux-arts fleurirent en France par les soins de son Roi, ils furent négligés en Angleterre, où l'on ne connut plus qu'une politique dure et inquiète, conforme au génie du Prince.

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Ceux qui estiment plus le mérite d'avoir défendu sa patrie, et l'avantage d'avoir acquis un Royaume sans aucun droit de la nature, de s'y être maintenu sans être aimé,

(1) Voyez plus bas les portraits de Bossuet, et les Leçons Latine's modernes.

d'avoir gouverné souverainement la Hollande sans la subjuguer, d'avoir été l'âme et le chef de la moitié de l'Europe, d'avoir eu les ressources d'un général et la valeur d'un soldat, de n'avoir jamais persécuté personne pour la religion, d'avoir méprisé toutes les superstitions des hommes, d'avoir été simple et modeste dans ses mœurs; ceux-là sans doute donneront le nom de Grand à Guillaume plutôt qu'à Louis. Ceux qui sont plus touchés des plaisirs et de l'éclat d'une cour brillante, de la magnificence, de la protection donnée aux arts, du zèle pour le bien public, de la passion pour la gloire, du talent de régner; qui sont plus frappés de cette hauteur avec laquelle des ministres et des généraux ont ajouté des provinces à la France, sur un ordre de leur Roi; qui s'étonnent davantage d'avoir vu un seul Etat résister à tant de Puissances; ceux qui estiment plus un Roi de France qui sait donner l'Espagne à son petit-fils, qu'un gendre qui détrône son beau-père; enfin, ceux qui admirent davantage le protecteur que le persécuteur du Roi Jacques, ceux-là donneront à Louis XIV la préférence (1).

VOLTAIRE. Siècle de Louis XIV.

Le Siècle d'Auguste et le Siècle de Louis XIV.

ON a remarqué, avec raison, que les règnes d'Auguste et de Louis XIV se ressemblaient par le concours des grands hommes de tous les genres qui ont illustré leurs règnes. Mais on ne doit pas croire que ce soit l'effet seul du hasard; et si ces deux règnes ont de grands rapports, c'est qu'ils ont été accompagnés à peu près des mêmes circonstances. Ces deux Princes sortaient des guerres civiles, de ce temps où les peuples, toujours armés, nourris sans cesse au milieu des périls, entêtés des plus

(1) Voyez plus haut, Discours.

hardis desseins, ne voient rien où ils ne puissent atteindre; de ce temps où les événemens heureux et malheureux, mille fois répétés, étendent les idées, fortifient l'âme à force d'épreuves, augmentent son ressort, et lui donnent ce désir de gloire qui ne manque jamais de produire de grandes choses.

Voilà comme Auguste et Louis XIV trouvèrent le monde. César s'en était rendu le maitre, et avait devancé Auguste; Henri IV avait conquis son propre royaume, et fut l'aïeul de Louis XIV. Même fermentation dans les esprits; les peuples, de part et d'autre, n'avaient été pour la plupart que des soldats, et les capitaines des héros. A tant d'agitation, à tant de troubles intestins succède le calme que produit l'autorité réunie. Les prétentions des républicains et les folles entreprises des séditieux détruites laissent le pouvoir dans les mains d'un seul; et ces deux Princes, devenus les maîtres (quoiqu'à des titres bien différens), n'ont plus à s'occuper qu'à rendre utile à leurs Etats cette même chaleur qui jusqu'alors n'avait servi qu'au malheur public. Leur génie et leur caractère particulier se ressemblaient encore parlà, ainsi que leurs siècles.

L'ambition et l'ardeur de la gloire avaient été égales entre eux héros sans être téméraires, entreprenans sans être aventuriers, tous deux avaient été exposés aux orages de la guerre civile; tous deux avaient commandé leurs armées en personne; l'un et l'autre avaient su vaincre et pardonner. La paix les trouva encore semblables par un certain air de grandeur, par leur magnificence et leur libéralité. Chacun d'eux possédait ce goût naturel, cet instinct heureux qui sert à démêler les hommes. Leurs ministres pensaient comme eux, et Mécène protégeait auprès d'Auguste, ainsi que Colbert auprès de Louis XIV, tout ce que Rome et la France avaient de génies distingués. Enfin, le hasard les ayant fait naître l'un et l'autre dans le même mois, tous deux moururent presqu'au même âge ;

et, ce qui contribue à rendre ces règnes célèbres, aucuns Princes ne régnèrent si long-temps.

Par combien de moyens il fallait que la nature préparât deux siècles si beaux ! Le même fonds, qui avait produit des hommes illustres dans la guerre, produisit des génies sublimes dans les lettres, dans les arts et dans les sciences l'émulation prit la place de la révolte; les esprits, accoutumés à l'indépendance, ne la cherchèrent plus que dans les vues saines de la philosophie. Il n'était plus question d'entreprendre sur ses pareils, il fallut s'en faire admirer; la supériorité acquise par les armes fut remplacée par celle que donnent les talens de l'esprit; en un mot, les mêmes circonstances réunies donuèrent à l'univers les règnes d'Auguste et de Louis XIV.

Le Président HÉNAULT.

Charles XII et Pierre-le-Grand.

Ce fut le 17 juillet 1709 que se donna cette bataille décisive de Pultawa, entre les deux plus singuliers monarques qui fussent alors dans le monde : Charles XII, illustré par neuf années de victoires ; Alexiowitz, par neuf années de peines prises pour foriner des troupes égales aux troupes suédoises : l'un glorieux d'avoir donné des Etats, l'autre d'avoir civilisé les siens : Charles aimant les dangers, et ne combattant que pour la gloire; Alexiowitz né fuyant point les périls, et ne faisant la guerre que pour ses intérêts le Monarque suédois, libéral par grandeur d'âme : le Moscovite ne donnant jamais que par quelque vue; celui-là, d'une sobriété et d'une continence sans exemple, d'un naturel magnanime, et qui n'avait été barbare qu'une fois; celui-ci, n'ayant pas dépouillé la rudesse de son éducation et de son pays, aussi terrible à ses sujets, qu'admirablé aux étrangers, et trop adonné à des excès qui ont méme abrégé ses jours : Charles avait le titre d'invincible,

qu'un moment pouvait lui ôter; les nations avaient donné à Pierre le nom de Grand, qu'une défaite ne pouvait lui faire perdre, ne le devant pas à la victoire.

VOLTAIRE.

Pierre-le-Grand, Empereur de Russie.

PIERRE-LE-GRAND fut regretté en Russie de tous ceux qu'il avait formés; et la génération qui suivit celle des partisans des anciennes mœurs le regarda bientôt comme son père. Quand les étrangers ont vu que tous ses établissemens étaient durables, ils ont eu pour lui une admiration constante, et ils ont avoué qu'il avait été inspiré plutôt par une sagesse extraordinaire que par l'envie de faire des choses étonnantes. L'Europe a reconnu qu'il avait aimé la gloire, mais qu'il l'avait mise à faire du bien; que ses défauts n'avaient jamais affaibli ses grandes qualités; qu'en lui l'homme eut ses taches, et que le Monarque fut toujours grand. Il a forcé la nature en tout, dans ses sujets, dans lui-même, et sur la terre et sur les eaux; mais il l'a forcée pour l'embellir. Les arts, qu'il a transplantés de ses mains dans des pays dont plusieurs alors étaient sauvages, ont en fructifiant rendu témoignage à son génie et éternisé sa mémoire; ils paraissent aujourd'hui originaires des pays mêmes où il les a portés. Lois, police, politique, discipline militaire, marine, commerce, manufactures, sciences, beaux-arts, tout s'est perfectionné selon ses vues; et, par une singularité dont il n'est point d'exemple, ce sont quatre femmes, montées après lui sur le trône, qui ont maintenu tout ce qu'il acheva, et ont perfectionné tout ce qu'il entreprit.

C'est aux historiens nationaux d'entrer dans tous les détails des fondations, des lois, des guerres et entreprises de Pierre-le-Grand. Il suffit à un étranger d'avoir essayé de montrer ce que fut le grand homme qui apprit de

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