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Le maréchal de Biron à Henri IV, à qui, dans une circonstance critique (1), on conseillait de se retirer en Angleterre.

Quor! Sire, on vous conseille de monter sur mer, comme s'il n'y avait pas d'autre moyen de conserver votre Royaume que de le quitter! Si vous n'étiez pas en France, il faudrait percer au travers de tous les hasards et de tous les obstacles pour y venir; et maintenant que vous y êtes, on voudrait que vous en sortissiez ; et vos amis seraient d'avis que vous fissiez de votre bon gré ce que les plus grands efforts de vos ennemis ne sauraient vous contraindre de faire. En l'état où vous êtes, sortir seulement de la France pour vingt-quatre heures, c'est s'en bannir pour jamais.

il nous y

ou

:

Le péril, au reste, n'est pas si grand qu'on vous le dépeint: ceux qui nous pensent envelopper sont, ceux mêmes que, nous avons tenus enfermés si lâchement à Paris, ou gens qui ne valent pas mieux, et qui auront plus d'affaires entre eux-mêmes que contre nous. Enfin, Sire, nous sommes en France, faut enterrer il s'agit d'un Royaume, il faut l'emporter ou y perdre la vie; et quand même il n'y aurait point d'autre sûreté pour votre personne sacrée que la fuite, je sais bien que vous aimeriez mieux mille fois mourir de pied ferme que de vous sauver par ce moyen. Votre Majesté ne souffrirait jamais qu'on dît qu'un cadet de la maison de Lorraine lui aurait fait perdre terre, encore moins qu'on la vît mendier à la porte d'un Prince étranger.

Non, Sire, il n'y a ni couronne ni Honneur pour vous au-delà de la mer. Si vous allez au-devant du secours de l'Angleterre, il reculera; si vous vous présentez au port

(1) Avec très-peu de troupes, il était alors pressé, aux environs de Dieppe, par une armée de trente mille hommes.

de La Rochelle en homme qui se sauve, vous n'y trouverez que des reproches et du mépris. Je ne puis croire que vous deviez plutôt fier votre personne à l'inconstance des flots et à la merci de l'étranger, qu'à tant de braves gentilshommes et tant de vieux soldats qui sont prêts à lui servir de rempart et de bouclier; et je suis trop serviteur de Votre Majesté, pour lui dissimuler que, si elle cherchait sa sûreté ailleurs que dans leur vertu, ils seraient obligés de chercher la leur dans un autre parti que dans le sien.

MÉZERAY (1). Histoire de France.

Le Maréchal de Biron (2) à ses Juges.

JE vous ai rétablis, Messieurs, sur les fleurs de lis d'où les saturnales de la Ligue vous avaient chassés. Ce corps, qui dépend de vous aujourd'hui, n'a veine qui n'ait saigné pour vous. Cette main, qui a écrit ces lettres produites contre moi, a fait tout le contraire de ce qu'elle écrivait.......

Il est vrai, j'ai écrit, j'ai pensé, j'ai dit, j'ai parlé plus que je ne devais faire. Mais où est la loi qui punit de mort la légèreté de la langue et le mouvement de la pensée? Ne pouvais-je pas desservir le Roi en Angleterre et en Suisse? Cependant j'ai été irréprochable dans ces deux ambassades; et, si vous considérez avec quel cortége je suis venu, dans quel état j'ai laissé les places de Bourgogne, vous reconnaîtrez la confiance d'un homme qui compte sur la parole de son Roi, et la fidélité d'un sujet,

(1) Mézeray, dit Voltaire, s'élève au-dessus de lui-même en faisant parler ainsi le maréchal de Birou ; et il est égal, pour le moins, aux Anciens dans cette harangue, du genre de celles dont ils parsemaient leurs ouvrages.

(2) Fils du précédent.

bien éloigné de se rendre Souverain dans son gouverne

ment......

J'ai voulu mal faire ; mais ma volonté n'a point passe les bornes d'une première pensée, enveloppée dans les nuages de la colère et du dépit; et ce serait chose bien dure, que l'on commençât par moi à punir les pensées. La Reine d'Angleterre m'a dit que, si le Comte d'Essex eût demandé pardon, il l'aurait obtenu; je le demande aujourd'hui le Comte d'Essex était coupable, et moi je

suis innocent.

Est-il possible que le Roi ait oublié mes services? Ne se souvient-il plus du siége d'Amiens, où il m'a vu tant de fois, couvert de feu et de plomb, courir tant de hasards, pour donner ou pour recevoir la mort? Le cruel! il ne m'a jamais aimé que tant qu'il a cru que je lui étais nécessaire. Il éteint le flambeau en mon sang, après qu'il s'en est servi. Mon père a souffert la mort pour lui mettre la couronne sur la tête ; j'ai reçu quarante blessures pour la maintenir; et, pour récompense, il m'abat la tête des épaules. C'est à vous, Messieurs, d'empêcher une injustice qui déshonorerait son règne, et de lui conserver un serviteur, à l'Etat un bon guerrier, et au Roi d'Espagne un grand ennemi.

LE MÊME.

Gustave excite les Dalécarliens à délivrer la Suède
de la tyrannie de Christiern.

IL leur représenta d'une manière vive et touchante les derniers malheurs de leur patrie; que tous les Sénateurs et que les principaux seigneurs du Royaume venaient d'être massacrés par les ordres barbares de Christiern; que ce Prince cruel avait fait égorger les magistrats et la plupart des bourgeois de Stockholm; que ses troupes, répandues ensuite dans les provinces, y commettaient tous

les jours mille violences; qu'il avait résolu, pour assurer sa domination d'exterminer indifféremment tous ceux qui étaient capables de défendre la liberté de leur patrie; qu'on n'ignorait pas combien ce Prince haïssait les Dalécarliens, dont il avait éprouvé la valeur et le courage pendant le règne du dernier administrateur; qu'ils lui étaient trop redoutables pour n'avoir pas tout à craindre d'un Prince si perfide et si cruel; qu'on avait appris que, sous prétexte de quartier d'hiver, il devait faire passer des troupes dans leur province pour les désarmer, et qu'ils verraient au premier jour leurs ennemis, maîtres de leurs villages, disposer insolemment de leur vie et de leur liberté, s'ils ne les prévenaient par une généreuse résolution; que leurs pères et leurs ancêtres avaient toujours préféré la liberté à la vie; que toute la Suède jetait les yeux sur eux pour voir s'ils marcheraient sur leurs traces, et s'ils en avaient hérité la haine qu'ils avaient toujours fait paraître contre la domination étrangère ; qu'il était venu leur offrir sa vie et son bien pour la défense de leur liberté ; que ses amis et tous les véritables Suédois se joindraient à eux au premier mouvement qu'ils feraient paraître; qu'il était assuré d'ailleurs d'un secours considérable des anciens alliés de la Suède; mais que, quand même ils n'auraient pas des troupes égales en nombre à celles des Danois, ils étaient encore trop forts, ayant la mort de leurs compatriotes à venger, et leur propre vie à défendre; et que, pour lui, il aimait mieux la perdre l'épée à la main, que de l'abandonner lâchement à la discrétion d'un ennemi perfide et cruel. VERTOT. Révolutions de Suède.

Le Duc de Rohan à ses troupes.

APRÈS avoir sauvé l'Alsace, ce général s'était approché de Bâle; à la faveur de la nuit, il entra en Suisse,

et parut inopinément, au bout de douze jours de marche, à Coire, où les Grisons, serrés de près par les Impériaux, le reçurent avec de grandes démonstrations de joie. Il fut d'abord repoussé par les ennemis qui l'attaquèrent avec des forces supérieures; mais il n'était jamais plus redoutable qu'après une défaite; il trompa l'ennemi par une contre-marche, et parut sur les hauteurs de Cassiano, à la vue des Impériaux étonnés. C'est alors qu'il adressa à ses troupes cette courte harangue, comparable aux plus belles des anciens capitaines :

« Nous avons passé des lieux presque inaccessibles pour venir en cette vallée; nous y sommes enfermés de tous côtés. Voilà l'armée impériale qui se met en bataille devant nous; les Grisons sont derrière, qui n'attendent que l'événement de cette journée pour nous charger, si nous tournons le dos. Les Valtelins ne sont pas moins disposés à achever ce qui restera de nous. De penser à la retraite, vous n'avez qu'à lever les yeux pour en voir l'impossibilité ; ce ne sont, de tous côtés, que précipices insurmontables, de sorte que notre salut dépend de notre seul courage. Pour Dieu ! mes amis, tandis que les armes de notre Roi triomphent partout avec tant d'éclat, ne souffrons pas qu'elles périssent entre nos mains; faisons, par une généreuse résolution, que ce petit vallon, presque inconnu au monde, devienne considérable à la postérité, et soit aujourd'hui le théâtre de notre gloire. Rohan fut vainqueur, et sa fortune ne se démentit pas. Mémoires et Lettres de Henri de Rohan, guerre de la Valteline.

sur la

Sur le petit nombre des Élus.

>>

Voici un morceau de Massillon, signalé avec raison par Voltaire, entre les plus beaux mouvemens qui aient jamais honoré l'éloquence. C'est, à mon avis, le mo

1.-24.

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