Page images
PDF
EPUB

comparables objets se touchent, se tiennent, se répondent si bien qu'on ne peut songer à l'un sans penser à l'autre ; car Dieu est le Monarque, et le Monarque est Dieu dans son espèce. J'ai dit : Vous êtes des Dieux; Dieu est le Roi du ciel, et le Roi est en quelque sorte le Dieu de la terre ; et il est certain que Dieu n'a point de plus belles ni de plus vives images que ces Rois, si majestueux, qui tiennent ici-bas sa place parmi les hommes; sa puissance reluit visiblement dans cette autorité souveraine qu'ils exercent sur leurs peuples ; sa sagesse, dans la prudence et les lumières de leur conseil; sa justice, dans l'équité de leurs lois; sa vengeance, dans la terreur de leurs armes ; sa grandeur, dans l'étendue de leur domination; sa gloire, dans la pompe et la magnificence de leur Cour; et son infinité, qui contient éminemment en soi toutes les perfections des créatures, se remarque avec éclat dans leur dignité Royale, qui renferme en elle-même toutes les charges de leur Empire. En effet, un Monarque est général dans ses armées, juge dans ses tribunaux, magistrat dans ses villes, gouverneur dans ses provinces, maître et père dans toutes les familles de son obéissance; il est tout lui seul, et l'on peut dire que les officiers de son Royaume ne sont que ses yeux, ses oreilles, ses mains et ses bras, qui agissent pour lui et par lui, et qui sont animés de son esprit.

DUBOSC. Sermon sur les deux Souverains.

La loi des Souverains ou le Roi, l'homme des peuples.

L'AMOUR du peuple, le bien public, l'intérêt général de la société est la loi immuable et universelle des Souverains. Cette loi est antérieure à tout contrat: elle est fondée sur la nature même; elle est la source et la règle sûre de toutes les autres lois. Celui qui gouverne doit être le premier et le plus obéissant à cette loi primitive; il peut

tout sur les peuples; mais cette loi doit pouvoir tout sur lui: le père commun de la grande famille ne lui a confié ses enfans que pour les rendre heureux. Il veut qu'un seul homme serve par sa sagesse à la félicité de tant d'hommes, et non que tant d'hommes servent par leur misère à flatter l'orgueil d'un seul. Ce n'est point pour lui-même que Dieu l'a fait Roi: il ne l'est que pour être l'homme des peuples..... Le despotisme tyrannique des Souverains est un attentat sur les droits de la fraternité humaine; c'est renverser la grande et sage loi de la nature, loi dont ils ne doivent être que les conservateurs........ Le pouvoir sans bornes est une frénésie qui ruine leur propre autorité..... On peut, en conservant la subordination des rangs, concilier la liberté du peuple avec l'obéissance due aux Souverains, et rendre les hommes tout ensemble bons citoyens et fidèles sujets, soumis sans être esclaves, et libres sans être effrénés. L'amour de l'ordre est la source de toutes les vertus politiques, aussi bien que de toutes les vertus divines.

FENELON. La direction pour la conscience d'un Roi.

L'Homme, ou le Corps et l'Esprit.

LES êtres qu'une volonté toute-puissante fit sortir du néant forment comme deux mondes opposés dans un seul univers, le monde des corps et le monde des esprits.

L'un s'ignore, l'autre se connaît. L'un est soumis à des lois qui lui sont imposées, et qu'il ne peut transgresser; l'autre s'impose à lui-même des lois, il se régit par des volontés libres.

La terre que nous habitons, les astres qui nous éclai– furent reçus dans le vaste sein d'une étendue que rien ne peut mesurer.

rent,

Les destinées des esprits, au contraire, s'accomplissent hors de toutes les étendues et de tous les espaces.

Cependant rien n'est isolé tout se lie par des rapports, tout se tient. L'œil des intelligences pénètre dans les profondeurs de l'espace; il admire les merveilles dont elles sont le théâtre, il s'élève jusqu'à celui qui ordonna qu'elles fussent.

Qu'eût été l'univers privé de tout témoin? Tant de beautés, tant de magnificence devaient-elles être éternellement ignorées? Et si toutes les créatures avaient été insensibles, à qui les cieux auraient-ils raconté la gloire de leur auteur?

[ocr errors]

Quand l'univers l'écraserait, l'homme, dit Pascal, serait encore plus noble que ce qui le tue, parce qu'il sait qu'il meurt; et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. »

La dignité du sentiment qui respire dans cette pensée, la manière sublime dont elle est rendue, auraient dû faire taire toutes les critiques. Comment a-t-on pu dire que la raison était blessée de ce rapprochement entre une telle infinie grandeur et une telle infinie petitesse?

La raison dit impérieusement que celui qui meurt, mais qui sait qu'il meurt, appartient à un ordre plus élevé que l'être qui existe sans connaître son existence, l'un fût-il un atome, l'autre un monde tout entier; l'un dût-il ne vivre qu'un instant, l'autre durer toujours. La raison dit que, après la vertu, le savoir est la source et la mesure de toute noblesse, et que le plus intelligent des êtres en est aussi le plus noble.

C'est donc parce qu'il pense, qu'il connaît, et qu'il se connaît, que l'homme tient le premier rang. Par son corps, il était sans doute une des œuvres les plus admirables de la Divinité; par son intelligence, il en est devenu l'image.

LA ROMIGUIÈRE. Leçons de Philosophie, t. II.

Tout ne meurt pas avec nous.

Sr tout meurt avec le corps, il faut que l'univers prenne d'autres lois, d'autres mœurs, d'autres usages, et que tout change de face sur la terre. Si tout meurt avec le corps, les maximes de l'équité, de l'amitié, de l'honneur, de la bonne foi, de la reconnaissance, ne sont donc plus que des erreurs populaires, puisque nous ne devons rien à des hommes qui ne nous sont rien, auxquels aucun noeud commun de culte et d'espérance ne nous lie, qui vont demain retomber dans le néant, et qui ne sont déjà plus. Si tout meurt avec nous, les doux noms d'enfant, de père, d'ami, d'époux, sont donc des noms de théâtre, et de vains titres qui nous abusent, puisque l'amitié, celle même qui vient de la vertu, n'est plus un lien durable; que nos pères qui nous ont précédés ne sont plus; que nos enfans ne seront point nos successeurs; car le néant, tel que nous devons être un jour, n'a point de suite ; que la société sacrée des noces n'est plus qu'une union brutale, d'où, par un assemblage bizarre et fortuit, sortent des êtres qui nous ressemblent, mais qui n'ont de commun avec nous que le néant.

Que dirai-je encore? Si tout meurt avec nous, les annales domestiques, et la suite de nos ancêtres n'est donc plus qu'une suite de chimères, puisque nous n'avons point d'aïeux, et que nous n'aurons point de neveux. Les soins du nom et de la postérité sont donc frivoles ; l'honneur qu'on rend à la mémoire des hommes illustres, une erreur puérile, puisqu'il est ridicule d'honorer ce qui n'est plus; la religion des tombeaux, une illusion vulgaire; les cendres de nos pères et de nos amis, une vile poussière qu'il faut jeter au vent, et qui n'appartient à personne; les dernières intentions des mourans, si sacrées parmi les peuples les plus barbares, le dernier son

d'une machine qui se dissout; et, pour tout dire en un mot, si tout meurt avec nous, les lois sont donc une servitude insensée; les Rois et les Souverains, des fantômes que la faiblesse des peuples a élevés; la justice, une usurpation sur la liberté des hommes; la loi des mariages, un vain scrupule; la pudeur, un préjugé; P'honneur et la probité, des chimères; les incestes, les parricides, les perfidies noires, des jeux de la nature, et des noms que la politique des législateurs a inventés.

;

Voilà où se réduit la philosophie sublime des impies; voilà cette force, cette raison, cette sagesse, qu'ils nous vantent éternellement. Convenez de leurs maximes, et l'univers entier retombe dans un affreux chaos; et tout est confondu sur la terre ; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées; et les lois les plus inviolables de la société s'évanouissent; et la discipline des moeurs périt; et le gouvernement des Etats et des Empires n'a plus de règle; et toute l'harmonie du corps politique s'écroule; et le genre humain n'est plus qu'un assemblage d'insensés, de barbares, d'impudiques, de furieux, de fourbes, de dénaturés, qui n'ont plus d'autre loi que la force, plus d'autre frein que leurs passions et la crainte de l'autorité, plus d'autre lien que l'irréligion et l'indépendance, plus d'autre Dieu qu'eux-mêmes. Voilà le monde des impies; et, si ce plan affreux de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux. Tout ce qu'il nous reste à vous dire, c'est que vous êtes dignes d'y occuper une place (1).

MASSILLON. Vérité d'un avenir.

(1) Voyez, en vers, même sujet; et dans les Leçons Latines an

ciennes et modernes.

« PreviousContinue »