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277 celés autour des météores de Souli, leur retraçaient le souvenir de la nuée du téméraire Ixion. La vallée de Paramythia, la plaine des illusions, comme son nom paraît l'indiquer, leur rappelait sans doute l'image des Champs-Elysées, lorsque la douce lumière de la lune éclaire ses paysages gracieux! Avec de l'imagination et une croyance établie, tout pouvait se retrouver, se décrire et s'expliquer pour des gens qui éprouvaient un charme inexprimable à s'abuser, et le bonheur dans les songes que les Grecs n'ont pas bornés à la seule religion d'Hé

siode.

POUCQUEVILLE. Voyage en Grèce.

La Fable et l'Allégorie.

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Tous les matins une jeune Déesse ouvre les portes de l'Orient, et répand la fraîcheur dans les airs, les fleurs dans la campagne, et les rubis sur la route du Soleil. A cette annonce, la Terre se réveille, et s'apprête à recevoir le Dieu qui lui donne tous les jours une nouvelle vie; il paraît, il se montre avec la magnificence qui convient au Souverain des cieux. Son char, conduit par les Heures, vole et s'enfonce dans l'espace immense qu'il remplit de flammes et de lumière. Dès qu'il parvient au palais de la Souveraine des mers, la Nuit, qui marche éternellement sur ses traces, étend ses voiles sombres, et attache des feux sans nombre à la voûte céleste.

Alors s'élève un autre char dont la clarté douce et consolante porte les cœurs sensibles à la rêverie : une Déesse le conduit. Elle vient en silence recevoir les tendres hommages d'Endymion. Cet arc qui brille de si riches couleurs, et qui se courbe d'un bout de l'horizon à l'autre, ce sont les traces lumineuses du passage d'Iris, qui porte à la Terre les ordres de Junon. Ces vents agréables, ces tempêtes horribles, ce sont des Génies qui, tantôt se jouent

dans les airs, tantôt luttent les uns contre les autres pour soulever les flots.

Au pied de ce coteau est une grotte, asile de la fraîcheur et de la paix. C'est là qu'une Nymphe bienfaisante verse de son urne intarissable le ruisseau qui fertilise la plaine voisine; c'est de là qu'elle écoute les vœux de la jeune beauté qui vient contempler ses attraits dans l'onde fugitive. Entrez dans ce bois sombre, ce n'est ni le silence ni la solitude qui occupe votre esprit vous êtes dans la demeure des Dryades et des Sylvains, et le secret effroi que vous éprouvez, est l'effet de la majesté divine.

BARTHÉLEMY. Voyage d'Anacharsis.

Les Dieux d'Homère.

LA haine contre les Barbares était venue aux Grecs dès les premiers temps, et leur était devenue comme naturelle. Une des choses qui faisaient aimer la poésie d'Homère, est qu'il chantait les victoires et les avantages de la Grèce sur l'Asie. Du côté de l'Asie était Vénus, c'est-à-dire, les plaisirs, les folles amours et la mollesse; du côté de la Grèce était Junon, c'est-à-dire, la gravité avec l'amour conjugal, Mercure avec l'éloquence, Jupiter et la sagesse politique; du côté de l'Asie était Mars impétueux et brutal, c'est-à-dire, la guerre faite avec fureur; du côté de la Grèce était Pallas, c'est-à-dire, l'art militaire et la valeur conduits par l'esprit. Depuis ce temps la Grèce avait toujours cru que l'intelligence et le vrai courage étaient son partage naturel. Elle ne pouvait souffrir que l'Asie pensât à la subjuguer; et, en subissant ce joug, elle eût cru assujettir la vertu à la volupté, l'esprit au corps, et le véritable courage à une force insensée, qui consistait seulement dans la multitude. BOSSUET. Disc, sur l'Hist. Univ.

Le jeune Bacchus et le Faune.

UN jour le jeune Bacchus, que Silène instruisait, cherchait les Muses dans un bocage dont le silence n'était troublé que par le bruit des fontaines et par le chant des oiseaux. Le soleil n'en pouvait, avec ses rayons, percer la sombre verdure. L'enfant de Sémélé, pour étudier la langue des Dieux, s'assit dans un coin au pied d'un vieux chêne, du tronc duquel plusieurs hommes de l'âge d'or étaient nés. Il avait même autrefois rendu des oracles, et le Temps n'avait osé l'abattre de sa tranchante faux.

Auprès de ce chêne sacré et antique se cachait un jeune Faune, qui prêtait l'oreille aux vers que chantait l'enfant, et qui marquait à Silène, par un ris moqueur, toutes les fautes que faisait son disciple. Aussitôt les Naïades et les autres Nymphes du bois souriaient aussi. Le critique était jeune, gracieux et folâtre; sa tête était couronnée de lierre et de pampre; ses tempes étaient ornées de grappes de raisin. De son épaule gauche pendait sur son côté droit, en écharpe, un feston de lierre, et le jeune Bacchuş se plaisait à voir ces feuilles consacrées à sa divinité.

Le Faune était enveloppé, au-dessous de la ceinture, par la dépouille affreuse et hérissée d'une jeune lionne qu'il avait tuée dans les forêts. Il tenait dans sa main une houlette courbée et noueuse. Sa queue paraissait derrière comme se jouant sur son dos. Mais comme Bacchus ne pouvait souffrir un rieur malin, toujours prêt à se moquer de ses expressions, si elles n'étaient pures et élégantes, il lui dit d'un ton fier et impatient : « Comment oses-tu te moquer du fils de Jupiter? » Le Faune répondit sans s'émouvoir: « Eh! comment le fils de Jupiter ose-t-il faire quelque faute ? »>

FENELON.

Le Singe.

UN vieux singe malin étant mort, son ombre descendit dans la sombre demeure de Pluton, où elle demanda à retourner parmi les vivans. Pluton voulait la renvoyer dans le corps d'un âne pesant et stupide, pour lui ôter sa souplesse, sa vivacité et sa malice. Mais elle fit tant de tours plaisans et badins, que l'inflexible Roi des enfers ne put s'empêcher de rire, et lui laissa le choix d'une condition. Elle demande à entrer dans le corps d'un perroquet. « Au moins, disait-elle, je conserverai par-là quelque ressemblance avec les hommes que j'ai longtemps imités. Etant singe je faisais des gestes comme eux; et, étant perroquet, je parlerai avec eux dans les plus agréables conversations. >>

A peine l'âme du singe fut introduite dans ce nouveau métier, qu'une vieille femme causeuse l'acheta. Il fit ses délices; elle le mit dans une belle cage. Il faisait bonne chère, et discourait toute la journée avec la vieille radoteuse, qui ne parlait pas plus sensément que lui. Il joignit à son nouveau talent d'étourdir tout le monde, je ne sais quoi de son ancienne profession. Il remuait sa tête ridiculement, il faisait craquer son bec, il agitait ses ailes de cent façons, et faisait de ses pattes plusieurs tours qui sentaient encore les grimaces de Fagotin. La vieille prenait à toute heure ses lunettes pour l'admirer; elle était bien fâchée d'être un peu sourde, et de perdre quelquefois des paroles de son perroquet, à qui elle trouvait plus d'esprit qu'à personne. Ce perroquet gâté devint bavard, importun et fou. Il se tourmenta si fort dans sa cage, et but tant de vin avec la vieille, qu'il en

mourut.

Le voilà revenu devant Pluton, qui voulut cette fois le faire passer dans le corps d'un poisson, pour le rendre

muet. Mais il fit encore une farce devant le Roi des ombres; et les Princes ne résistent guère aux demandes des mauvais plaisans qui les flattent. Pluton accorda donc à celuici qu'il irait dans le corps d'un homme; mais comme le Dieu eut honte de l'envoyer dans le corps d'un homme sage et vertueux, ille destina au corps d'un harangueur ennuyeux et importun, qui mentait, qui se vantait sans cesse, qui faisait des gestes ridicules, qui se moquait de tout le monde, qui interrompait toutes les conversations les plus polies et les plus solides, pour dire rien, ou les sottises les plus grossières. Mercure, qui le reconnut dans ce nouvel état, lui dit en riant : « Ho! ho! je te reconnais; tu n'es qu'un composé du singe et du perroquet que j'ai vus autrefois. Qui t'ôterait tes gestes et tes paroles apprises par cœur sans jugement, ne laisserait rien de toi. D'un joli singe et d'un bon perroquet, on n'en fait qu'un sot homme. »

Le Lapin de La Fontaine.

LE MÊME.

Je m'étais ennuyé long-temps, et j'en avais ennuyé bien d'autres. Je voulus aller m'ennuyer tout seul. J'ai une fort belle forêt : j'y allai un jour, ou, pour mieux dire, un soir, pour tirer un lapin. C'était à l'heure de l'affût. Quantité de lapereaux paraissaient, disparaissaient, se grattaient le nez, faisaient mille bonds, mille tours, mais toujours si vite, que je n'avais pas le temps de lâcher mon coup. Un ancien, d'un poil un peu plus gris, d'une allure plus posée, parut tout d'un coup au bord de son terrier. Après avoir fait șa toilette tout à son aise (car c'est de là qu'on dit : propre comme un lapin), voyant que je le tenais au bout de mon fusil : « Tire donc, me dit-il, qu'attends-tu? » Oh! je vous avoue que je fus saisi d'étonnement!... Je n'avais jamais tiré qu'à la

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