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Les Poissons.

DANS toutes les plages où une quantité de lumière plus abondante pourra pénétrer dans le sein des eaux, les poissons se montrent parés d'un plus grand nombre de riches nuances. Et en effet, ceux qui resplendissent comme les métaux les plus jolis ou les gemmes les plus précieux, se trouvent particulièrement dans ces mers renfermées entre les deux tropiques, et dont la surface, est si fréquemment inondée des rayons d'un soleil régnant sans nuage au-dessus de ces contrées équatoriales, et pouvant, sans contrainte, y remplir l'atmosphère de sa vive splendeur. On les rencontre aussi, ces poissons décorés avec tant de magnificence, au milieu de ces mers polaires où des montagnes de glace et des neiges éternelles, durcies par le froid, réfléchissent, multiplient par des milliers de surfaces, et rendent éblouissante la lumière que la lune et les aurores boréales répandent pendant les longues nuits des zones glaciales, et celle qu'y verse le soleil pendant les longs jours de ces plages hyperboréennes.

Si ces poissons, qui habitent au milieu et au-dessous des masses congelées, mais fréquemment illuminées et resplendissantes, l'emportent par la variété et la beauté de leurs couleurs sur ceux des zones tempérées, ils cèdent cependant en richesse de parure à ceux qui vivent dans les eaux échauffées de la zone torride. Dans ce pays, dont l'atmosphère est brûlante, la chaleur ne doit-elle pas donner une nouvelle activité à la lumière, accroìtre la force des écailles et donner ainsi naissance à des nuances bien plus éclatantes et bien plus diversifiées ? Aussi, dans ces climats, où tout porte l'empreinte de la puissance solaire, voit-on quelques espèces de poissons montrer jusque sur la portion découverte de la membrane de leurs

tranchées des élémens d'écailles luisantes, une sorte de poussière argentée.

Mais ce n'est qu'au milieu des ondes douces ou salées que les poissons peuvent présenter leur décoration élégante ou superbe. Ce n'est qu'au milieu du fluide le plus analogue à leur nature que, jouissant de toutes leurs facultés, ils animent leurs couleurs par tous les mouvemens intérieurs que leurs ressorts peuvent produire. Ce n'est qu'au milieu de l'eau qu'indépendamment du vernis huileux et transparent élaboré dans leurs organes, leurs nuances sont embellies par un second vernis que forment les couches de liquides au travers desquelles on les aperçoit.

Lorsque ces animaux sont hors du fluide, leurs forces diminuent, leur vie s'affaiblit, leurs mouvemens se ralentissent, leurs couleurs se fanent, leur suc visqueux se dessèche, les écailles n'étant plus ramollies par cette substance huileuse, ni humectées par l'eau, s'altèrent; les vaisseaux destinés à les réparer s'obstruent, et les nuances dues aux écailles et au corps même de l'animal, changent et souvent disparaissent, sans qu'aucune nouvelle teinte indique la place qu'elles occupaient. Pendant que le poisson jouit, au milieu du fluide qu'il préfère, de toute l'activité dont il peut être doué, ses teintes offrent aussi quelquefois des changemens fréquens et rapides, soit dans leurs nuances, soit dans leur ton, soit dans l'espace sur lequel elles sont étendues. Des mouvemens violens, des sentimens plus ou moins puissans, tels que la crainte ou la colère, des émotions soudaines de froid ou de chaud, peuvent faire naître ces alternatives de couleur, très-analogues à celles que nous avons remarquées dans le caméléon, ainsi que dans plusieurs autres animaux; mais il est aisé de voir que ces changemens ne peuvent avoir lieu que dans les teintes produites, en tout ou en partie, par le sang ou les autres liquides susceptibles d'être pressés ou ralentis dans leur cours.

LE MEME. Hist. nat. des Poissons.

Le Requin.

CE formidable squale parvient jusqu'à une longueur de plus de dix mètres (trente pieds, ou environ); il pèse quelquefois près de cinquante myriagrammes (mille livres), et il s'en faut de beaucoup que l'on ait prouvé que l'on doit regarder comme exagérée l'assertion de ceux qui ont prétendu qu'on avait pêché un requin du poids de plus de cent quatre-vingt-dix myriagrammes (quatre mille livres).

Mais la grandeur n'est pas son seul attribut; il a reçu aussi la force et des armes meurtrières; et, féroce autant que vorace, impétueux dans ses mouvemens, avide de sang, insatiable de proie, il est véritablement le tigre de la mer. Recherchant sans crainte tout ennemi, poursuivant avec plus d'obstination, attaquant avec plus de rage, combattant avec plus d'acharnement que les autres habitans des eaux; plus dangereux que plusieurs cétacées, qui, presque toujours, sont moins puissans que lui; inspirant même plus d'effroi que les baleines qui, moins bien armées, et douées d'appétits bien différens, ne provoquent presque jamais ni l'homme, ni les grands animaux ; rapide dans sa course, répandu sur tous les climats, ayant envahi, pour ainsi dire, toutes les mers; paraissant souvent au milieu des tempêtes; aperçu facilement par l'éclat phosphorique dont il brille, au milieu des ombres des nuits les plus orageuses; menaçant de sa gueule énorme et dévorante les infortunés navigateurs exposés aux horreurs du naufrage, leur fermant toute voie de salut, leur montrant, en quelque sorte, leur tombe ouverte, et plaçant sous leurs yeux le signal de la destruction. Il n'est pas surprenant qu'il ait reçu le nom sinistre qu'il porte, et qui, réveillant tant d'idées lugubres, rappelle surtout la mort dont il est le ministre.

Requin est, en effet, une corruption de requiem, qui désigne depuis long-temps, en Europe, la mort et le repos éternel, et qui a dû être souvent, pour des passagers effrayés, l'expression de leur consternation, à la vue d'un squale de plus de trente pieds de longueur, et des victimes déchirées ou ensanglantées par ce tyran des ondes. Terrible encore lorsqu'on a pu parvenir à l'accabler de chaînes; se débattant avec violence au milieu de ses liens; conservant une grande puissance, lors même qu'il est déjà tout baigné dans son sang, et pouvant, d'un seul coup de sa queue, répandre le ravage autour de lui à Vinstant même où il est près d'expirer, n'est-il pas le plus formidable de tous les animaux auxquels la nature n'a pas départi des armes empoisonnées ? Le tigre le plus furieux, au milieu des sables brûlans le crocodile le plus fort, sur les rivages équatoriaux ; le serpent le plus démesuré, dans les solitudes africaines, doivent-ils inspirer autant d'effroi qu'un énorme requin au milieu des vagues agitées?

LE MÊME. Histoire naturelle des Poissons, tom. Ier.

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DÉFINITIONS.

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
BOILEAU. Art poét., chant I.

Définition oratoire et philosophique.

PRÉCEPTES DU GENRE.

LA définition oratoire est un vaste champ pour l'éloquence. C'est par elle que se discutent toutes les questions de droit; car lorsqu'on est d'accord sur l'existence du fait et sur sa cause, il ne s'agit plus que d'examiner quelle en est la nature, et d'en déterminer la qualité relativement à la loi.

Clodius a été tué par les esclaves de Milon ; mais est-ce là un meurtre prémédité et volontaire, ou seulement le cas de la défense personnelle? Le fait est convenu. La qualité du fait est la question qui s'agite.

Muréna s'est rendu agréable au peuple; mais ce qu'il a fait pour lui plaire, est-ce le crime de corruption? Est-ce là briguer les suffrages? C'est ce qui reste à décider.

Ce fut à Rome une cause célèbre que celle que plaida Carbon pour la défense de L. Opimius, accusé, après son consulat, du meurtre de C. Gracchus. L'action était notoire; mais lorsqu'il s'agissait du salut de la république, le Consul, en vertu d'un décret du Sénat, n'avait-il pas eu droit d'ordonner qu'on fit main basse sur un séditieux?

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