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Tels font les droits & les limites de ces deux empires. Ils s'étendent l'un & l'autre fur toute la nature; mais dans l'un c'est la vérité qui tient le fceptre, & dans l'autre c'est le goût. Et tout fe regle felon leurs loix fouveraines. Rentrons dans la carriere.

Cette troifiéme Partie fera divifée en quatre Sections. Dans la premiere on traitera de l'Oraifon; dans la feconde de l'Hiftoire; dans la troi fiéme du Style épiftolaire; dans la quatriéme de la maniere de traduire les Auteurs. Ces chefs réunis avec ceux que nous avons traitez dans les deux autres Parties, nous paroiffent renfermer toute la litérature qui a rapport à l'éducation.

PREMIERE SECTION.

DE L'ORAISON.

Nous expoferons d'abord en peu de

mots la nature & la matiere de l'Oraifon.. Enfuite nous traiterons, en trois Articles, de l'Invention; de la Difpofition, & de l'Expreflion otatoires. Celle-ci comprendra l'Elocution & la Prononciation.

I.

Ce que c'eft que l'Oraifon.

La Rhétorique, la Logique, la Grammaire font trois arts qui devroient toujours marcher de compagnie. La Logique eft l'art de bien penfer. La Grammaire eft l'art de bien parler. La Rhétorique eft l'art de bien dire. Bien penser, c'eft mettre de la précision & de la netteté dans fes idées, de la circonfpection dans fes jugemens, de la liaifon & de la jufteffe dans fes raifonnemens. Bien parler, c'eft fe fervir de termes reçus & de conftructions légitimes; c'eft éviter le barbarifme dans les mots, & le folécifme dans les phrafes. Bien dire, c'eft parler de ma

niere à nous faire écouter, & à perfuader ceux qui nous écoutent: trois inftrumens universels, c'est-à-dire, dont l'usage s'étend à tous les genres, dans les fciences & dans la littérature ; & qui dans ceux qui les réuniffent, caractérisent la bonne éducation, la droiture d'efprit, & la fé~ condité de génie.

Le mot Oraifon eft d'une fignification fort étendue, fi.on en confidere feulement l'étimologie: il défigne toute penfée exprimée par le difcours, ore ratio expreffa. C'eft dans ce fens qu'il eft employé par les Grammairiens. Ici il fignifie un difcours préparé avec art pour operer la perfuafion.

Il faut obferver qu'il y a une grande différence entre le talent de l'oraifon, & l'art qui aide à le former. Le talent s'appelle Eloquence; l'art, Rhétorique : l'un produit, l'autre juge: l'un fait l'Orateur, l'autre ce qu'on nomme Rhéteur.

II.

Matiere de l'Oraifon.

Toutes les queftions dans lefquelles la perfuafion peut avoir lieu, font du reffort de l'éloquence. On les réduit ordinairement à trois genres, dont le premier eft

le genre démonftratif; le fecond, le genre délibératif ; le troifiéme, le genre judiciaire. Le premier a pour objet, furtout le préfent; le fecond l'avenir; le troifiéme le paffé. Dans le démonftratif on blâme on loue. Dans le délibératif on engage à agir, ou à ne pas agir. Dans le judiciaire on accufe, on défend.

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Genre demonftratif.

Le genre démonftratif renferme donc les panégyriques, les oraifons funebres, les difcours académiques, les complimens faits aux rois & aux princes, &c. Il s'agit dans ces occafions de recueillir tout ce qui peut faire honneur & plaire à la perfonne qu'on loue.

On loue fa naiffance: c'est le fang généreux de fes peres qui coule dans fes veines: l'aigle courageufe n'enfante point de timides colombes.

Si fon origine eft obfcure, c'eft un héros qui ne doit rien qu'à lui-même fa gloire eft l'ouvrage de fa feule vertu.

On loue fon éducation : il est né fi heureufement, il a été élevé avec tant de foin, que l'un de ces deux avantages fans le fecours de l'autre, auroit fuffi pour en faire un homme extraordinaire.

Si l'éducation lui a manqué; fon naturel prefque divin a pris de lui-même un effor généreux, & a franchi tous les obftacles.

On loue de même les mœurs, les actions d'éclat, la conduite extérieure, la vie privée, l'efprit, les graces, graces, les vertus.

Mais l'orateur doit fonger qu'en voulant faire trop d'honneur à fon héros, il peut quelquefois fe deshonorer lui-même. Quoique l'auditeur ne foit alors ni juge, ni partie; il a cependant fes droits, dont il est jaloux, & qu'il exerce ordinairement dans toute leur étendue. Si vos preuves font mal choifies, fi elles font tirées avec peine du fond de la flatterie, plûtôt que du sein de la vérité, il s'irrite contre l'adulateur, qui veut le rendre complice de fa baffeffe.

Il n'eft pas difficile, difoit Socrate, de louer les Athéniens à Athenes: mais de réuffir devant un Scythe, un Lacédémonien, un Philofophe, ce feroit le comble de la gloire, & du héros & du panégyrifte. Un Scythe & un Philofope ne fe rendent qu'à la vérité. Et la vérité en ce genre eft toute entiere dans les faits. Pour bien louer, il ne s'agit donc que de préfenter les faits d'une maniere vive & frappante. Les éloges qui ne fe foutien

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